Moussa Mara à l’atelier du parti YELEMA : «Qu’on ne se leurre pas, certains ne signeront aucun texte»

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Moussa Mara à propos de la signature de l’accord d’Alger 2015
Moussa Mara

A cinq jours de la cérémonie officielle de signature de l’Accord de paix et de réconciliation nationale, les propos de l’ex-Premier ministre riment certainement avec ce que plusieurs autres observateurs redouteraient, au regard du contexte actuel de la crise malienne. Mais, quoi qu’il en soit, le président du parti Yèlèma se dit convaincu d’une chose; c’est qu’il ne saurait y avoir l’unanimité autour d’un accord. L’essentiel, de son avis, est qu’il soit accepté par la majorité.
L’atelier que son parti a organisé, le samedi dernier, a été une occasion pour l’ancien Premier ministre de se pencher largement sur le document issu du processus d’Alger, dont la signature est prévue, en principe, ce vendredi 15 mai 2015 à Bamako. A quelques jours de cette échéance, des propos tenus par Moussa Mara, président du parti Yèlèma, sonnent comme une invite à l’endroit des Maliens, du moins, en direction des militants de son parti à faire la part des choses. En effet, après avoir dénoncé l’attitude de la Coordination des mouvements de l’Azawad qu’il accuse de schizophrénie, l’orateur a prévenu: «j’ai l’habitude de le dire, qu’on ne se leurre pas. Il y a une partie de ceux-ci [Ndlr: les mouvements de la Coordination] qui ne signeront aucun texte, quel qu’il soit; parce qu’ils n’ont simplement pas d’intérêt à ce qu’il y ait la paix». Et M. Mara de rappeler qu’il ne peut d’ailleurs y avoir d’unanimité autour d’un texte. Ce qui est essentiel, de son avis, c’est que l’accord de paix est accepté par la majorité des Maliens ainsi que l’ensemble des organisations et pays membres de l’équipe de médiation qui l’ont tous paraphé. Si l’idéal voudrait que toutes les parties signent ce 15 mai, l’ex-Premier ministre souhaite toutefois que le document soit mis en œuvre avec ou sans la signature de ceux qui rechignent jusque-là à s’inscrire dans une démarche de paix et de réconciliation. Ce, dans le souci d’abréger les souffrances des populations, qui vivent quotidiennement les humiliations de toute sorte. En tout cas, les revendications que la Coordination des mouvements de l’Azawad pose comme un préalable à son adhésion à l’accord ne sont, dit-il, acceptables nulle part, en ce sens qu’elles créent véritablement un Etat dans un l’Etat.
Reprendre le contrôle du processus ou perdre notre souveraineté
A la question de savoir pourquoi l’Algérie joue un rôle fondamental dans le règlement de toutes les rebellions qui ont éclaté dans notre pays, Moussa Mara a estimé que nous n’avons pas trop le choix. Car, la république algérienne, au regard de sa position géographique par rapport à Kidal, est intimement associée, souvent à son corps défendant, à la crise. «Donc, impliquer un pays aussi important que l’Algérie, cela va pratiquement de soi si on veut régler la crise au nord de notre pays», a-t-il dit, soulignant au passage les relations séculaires qui lient nos deux pays. Toutefois, le président de Yèlèma a appelé les Maliens à faire le maximum pour se saisir de ce dossier. Car, quelque soit le mérite d’un médiateur, on ne devrait pas lui laisser une totale marge de manœuvre au risque de perdre notre souveraineté. «Il faut que l’Etat malien ait le contrôle du processus… et que la communauté internationale, quelle que soit sa diversité, ne soit qu’un soutien et non un acteur, parce qu’il s’agit de notre pays», suggère-t-il. De l’avis de l’orateur, le résultat le plus évident des accords que nous avons signés jusque-là, c’est qu’ils ont créé les conditions de l’accalmie. Mais, a-t-il regretté, ces documents ont manqué certains éléments qui ont peut-être contribué à ce que cette accalmie ne soit pas pérenne. «L’une des insuffisances majeures dans les précédents accords qui se retrouve corrigée dans celui-là, c’est la précision détaillée du processus de suivi de la mise en œuvre de l’accord», note M. Mara.
L’application de l’accord est fonction de la volonté des Maliens d’avancer ou pas
Parlant du contenu de l’Accord, l’orateur dit n’avoir aucune garantie qu’il sera mis en œuvre. Ce qui semble être une évidence, c’est que le document est une porte ouverte vers la paix si on consent à l’appliquer totalement et dans son esprit. Aussi, y a-t-il des chances qu’il soit appliqué si les Maliens s’en saisissent et font en sorte que leurs représentants travaillent dans le sens de son application. «Il faut que nous arrêtions d’être les spectateurs de notre pays. L’accord sera appliqué si nous avons la volonté d’avancer», invite-t-il.
L’orateur a par ailleurs estimé que l’intégration des anciens combattants est un mal nécessaire, pour la simple raison qu’il n’y a aucune autre alternative. «Nous sommes tous d’accord que c’est une prime à la rébellion. Que les gens prennent des armes et que, quand on veut les désarmer, on est obligé de leur proposer quelque chose. Cela se fait partout dans le monde», a-t-il confessé. Il nous revient, dit-il, de travailler à faire en sorte qu’il n’y ait pas de rébellion, afin que les causes qui peuvent être considérées comme légitimes de révolte soient traitées, et que celles qui sont illégitimes soient connues. «Je pense que si nous travaillons à la lumière de cela et que nous le faisons dans le temps, suffisamment, nous pourrons entrer dans une période où les rébellions seront bannies. Mais, tant qu’il y a un conflit armé pour mettre fin à un autre conflit armé, on est obligé de prendre des mesures qui sont parfois discriminatoires», a-t-il expliqué.
L’accord de paix, quelle valeur juridique par rapport à la Constitution ?
Au sujet de certaines dispositions de l’accord qui sont censées créer de fait l’Azawad, l’orateur a rappelé que le principe de la libre administration est consacré par une loi qui date de 1993. En rien cela n’est contraire à la Constitution. Partant, il a rappelé qu’en matière de droit constitutionnel, tout accord signé par un pays et validé par l’Assemblée nationale a une valeur supérieure à la législation nationale, donc à la Constitution. «Donc, si l’accord a des dispositions qui sont contradictoires avec la Constitution, c’est cette dernière qu’il faut corriger. Car cet accord va être validé et considéré donc comme un traité international qui engage le Mali». Quoi qu’il en soit, la modification de la Constitution de 1992 que l’accord va entrainer a, dit-il, déjà été prévue par le Mali par le passé. Sur un tout autre plan, Moussa Mara a insisté sur la nécessité de refonder l’Etat malien, car, «55 ans après notre indépendance, notre Etat nous est toujours étranger, il n’est pas efficace, on ne le reconnait pas et on ne l’accepte pas».
Bakary SOGODOGO

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