Les talents de Ghislaine Dupont et de Claude Verdon ainsi que les circonstances odieuses de leur disparition font que leur double assassinat entraine un séisme d’émotions qui ébranle presque le monde entier. De Bamako où le président Ibrahim Boubacar Keïta n’a pas pu s’empêcher d’éclater en sanglots, à Paris où l’Assemblée nationale a consacré à nos confrères une séance extraordinaire, tout le monde semble vraiment affecté et affligé. Un élan de solidarité et de compassion qui, au-delà du bienfait notamment moral qu’il apportera aux proches des victimes, traduit une volonté unanime de ne pas céder au chantage des terroristes dont l’objectif manifeste est de remettre en cause les acquis démocratiques que sont le droit à l’information et la liberté d’informer. Parallèlement, les autorités maliennes et françaises se mettent promptement ensemble pour tenter de retrouver les ravisseurs. Une synergie qui commence déjà à donner des résultats. Par ailleurs, en filigrane, Bamako met prudemment l’occasion à profit pour reposer la question du statut ambigu de Kidal…
Un plus directement affectés par le double meurtre de Ghislaine et Claude, leurs collègues de Radio France Internationale sont tout naturellement au premier rang du vaste mouvement de solidarité suscité par la brutale mort de nos confrères. Cela a tout d’abord commencé par un certain réaménagement de la grille des programmes de la radio. Ce fut ensuite avec l’audience accordée à la PDG du Groupe France Médias Monde (FMM) et à certains responsables de Rfi par François Hollande.
Le déplacement de la délégation qui est allée cherché les corps au Mali et la cérémonie d’hommage organisée hier même à la Maison de la radio s’inscrivent également dans cette même dynamique.
Mais la disparition de Gigi et Claude n’émeut pas que leurs collègues. Loin s’en faut. Cette malheureuse occasion aura plutôt permis de comprendre quels liens privilégiés le talent et le professionnalisme d’un journaliste peuvent lui permettre de nouer. Mais d’entre tous ceux qui se sont exprimés et tenu des propos aimables à l’endroit des défunts, on se rappellera encore pour très longtemps des larmes et des sanglots d’IBK !
Touché au plus profond de son être par le caractère injuste et gratuit du sort qui s’est abattu sur Ghislaine et Claude, IBK n’a pas pu contenir l’émotion qui le submergeait. Au passage, il aura révélé une dimension de son humanité qui n’est certainement pas pour le desservir.
Du côté de la France aussi, on est loin d’être insensible au drame de samedi dernier à Kidal. En témoigne la présence hier de François Hollande aux côtés des familles de nos confrères, à la réception des deux dépouilles, à l’aéroport Roissy-Charles De Gaulle. Se montrant conforme à la volonté des deux familles qui souhaitaient une cérémonie intime, le chef de l’Etat français a été certes discret, mais il aura tout de même tenu à être là.
A l’hémicycle aussi, on n’aura entendu aucune voix dissonante lors de la séance extraordinaire organisée hier pour rendre hommage aux deux journalistes de Rfi. Pour une fois, tous les députés ont rangé leurs rivalités pour se mettre tous dans le camp de la défense de la liberté d’informer. Mieux et au-delà du cadre restreint de l’Assemblée nationale, la disparition de nos confrères semble avoir convaincu toutes les tendances politiques françaises à soutenir François Hollande en vue de la finalisation de la mission au Mali.
Justement, du côté du Mali aussi, certains, estimant que c’est très certainement la meilleure occasion de se faire entendre, réclament qu’on permettre aux nouvelles autorités d’imposer leur souveraineté sur Kidal. Il est à préciser que jusqu’à maintenant, en raison d’une attitude plutôt équivoque de la part de la France, vis-à-vis de cette ville située à l‘extrême nord-est du pays, c’est plutôt le MNLA qui y régnait en maître. Une situation que le Mali a toujours vécue la mort dans l’âme. Du coup, pour IBK, l’indignation et la colère suscitées par ce drame constituent la brèche dans laquelle il faut s’engouffrer pour ramener définitivement Kidal dans le giron national.
Parallèlement, le front des enquêtes visant à retrouver ceux qui ont pris et exécuté Ghislaine Dupont et Claude Verdon progresse. Bien que les services de renseignement français maintiennent une certaine discrétion autour de l’évolution de l’enquête, certaines informations mettent déjà en cause Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). En effet, les services français auraient déjà réussi à établir les profils de trois des quatre ravisseurs. Il en ressort que les trois auraient été déjà auditionnées par les troupes françaises, par la passé. Mais ils auraient visiblement réussi à se faire passer pour des citoyens ordinaires et se seraient même publiquement engagés pour la réconciliation en intégrant le Haut Conseil pour l’Unicité de l’Azawad (HCUA).
A ce rythme, on peut compter sur la détermination conjointement affichée par IBK et François Hollande pour que la mort tragique de ces deux journalistes talentueux ne demeure pas impunie. En tout cas, il en va de la survie d’autres combattants de la liberté d’informer.
Boubacar Sanso Barry pour GuineeConakry.info