En effet, depuis le début du mois de janvier, des attaques croisées perpétrées par des rebelles et/ou terroristes ou djihadistes dans des localités situées dans ces deux régions ont fait plus de dix morts, d’importants dégâts matériels et de nombreux forains dépouillés de tous leurs biens. C’est dire que la rébellion se déplace vers le sud, après que la région de Kidal ait été prise et que le statut des autres régions du nord reste compromis.
Pourquoi un tel regain de violences au centre et au sud du pays ? Que cache ce déplacement des attaques ? Quel est l’objectif des groupes armés rebelles et leurs complices terroristes ? Les réponses à ces questions lèveront une partie du voile du dessein inavoué de ces mouvements qui ne semblent pas avoir abandonné leur projet de partition du pays.
Nampala, le 5 janvier, bilan : 8 morts ; Dioura, dans la nuit du 6 au 7 janvier, bilan : 2 morts et d’importants dégâts matériels ; Ténenkou, le 8 janvier, bilan : les réseaux téléphoniques Malitel et Orange endommagés ; Dogo, le 15 janvier, bilan : des dizaines de forains dépouillés ; et enfin, Ténenkou, le 16 janvier, bilan : 5 morts. Avec plusieurs blessés à chaque fois. Tel est le lourd bilan d’une série d’attaques et de braquages perpétrées par les rebelles en dix jours dans les cercles de Niono (région de Ségou) et de Ténenkou et Youwarou (région de Mopti). Sont impliqués dans ces attaques, les rebelles du Mnla, du Hcua et du Maa dissident, même si certaines sources révèlent que les terroristes d’Aqmi et les djihadistes du Mujao ont revendiqué le raid de Nampala.
Dans l’un ou l’autre cas, ce sont les mêmes qui avaient annexé le nord du Mali entre le 30 mars 2012 et le 29 janvier 2013 qui se reconstituent et se retrouvent au sud où ils terrorisent les populations, s’attaquent aux symboles publics et mettent à mal l’autorité de l’Etat.
Tout est parti très tôt ce matin du lundi 5 janvier, quand l’opinion fut réveillée par la triste nouvelle de l’attaque du camp militaire de Nampala par des groupes armés.
Les assaillants auraient garé leurs véhicules en dehors de la ville pour se diriger vers le camp militaire à l’intérieur duquel habite le préfet de la ville. Là, des coups de feu sont tirés à l’arme lourde entre les bandits armés et les militaires maliens obligés de battre en retraite dans un premier temps avec l’effet de surprise passé. Ensuite, les assaillants entrent en ville où ils créent la psychose à l’école fondamentale et au domicile du maire. Avec l’annonce des renforts et le survol des avions de chasse de l’opération française Barkane, les visiteurs indélicats quitte la localité, Dans l’après-midi, le calme est revenu à Nampala.
Pendant que ces attaques sont attribuées aux rebelles du Mnla, Hcua et Maa dissident, d’autres sources sont formelles en affirmant qu’il s’agit de groupes terroristes, soit du Mujao, d’Ançardine ou d’Aqmi.
Toujours est-il que ce débat se menait bon train quand des rebelles, armés jusqu’aux dents, attaquent la localité de Dioura (cercle de Ténenkou, région de Mopti) dans la nuit du 6 au 7 janvier. Les bandits ont visé les symboles de l’Etat, saccageant et incendiant la mairie et la sous-préfecture. Les militaires, qui avaient eu vent de leur arrivée, ont quitté le village pour aller se réfugier à Niono. Les rebelles ont même fouillé les domiciles à la recherche de militaires et autres agents publics. Les populations, terrorisées, ont été rassurées par les assaillants, qui ciblaient uniquement les fonctionnaires. Pourtant, le bilan humain fait état de 2 notables tués.
Quelques heures après la vendetta Dioura, la rumeur se propagent que les rebelles font cap sur Ténenkou. Dès lors, les agents de l’Etat, notamment les administrateurs civils et les forces de sécurité, ainsi que les populations (et leurs animaux) plient armes et bagages et vident la ville. Informées de cette situation, les autorités régionales réagissent. Le gouverneur de la région de Mopti, Kaman Kané, est dépêché à Ténenkou, pour, d’abord, servir d’exemple et montrer la voie à suivre aux autres cadres et agents de l’Etat ; ensuite, rassurer les populations de la ville et de l’ensemble de la zone inondée du Macina que l’Etat est présent et qu’elles sont et demeurent sous sa responsabilité. Mais, coup de théâtre ! Le lendemain, jeudi 8 janvier, jour de la foire hebdomadaire de Ténenkou, au moment où le gouverneur et sa délégation tenaient une réunion avec la population, vers 15 h, des tirs d’armes retentissent dans la ville. Le correspondant permanent de l’Amap décrit dans L’Essor du 9 janvier la situation comme suit :
« L’escorte armée du gouverneur est sortie et il y a eu des échanges de tirs avec les assaillants autour de la salle de réunion. Outre le gouverneur et sa délégation, étaient aussi présents le préfet de Ténenkou, le président du Conseil de cercle Boubacar Thiocary, ainsi que tous les sous-préfets, les maires et des responsables de la société civile. Heureusement, il n’y a pas eu de victime, même pas de blessé. Les assaillants ont pris la fuite. Les forces d’escorte du gouverneur les poursuivaient activement en brousse jusqu’en fin de journée. L’attaque a naturellement créé une situation de panique générale à Ténenkou. Le gouverneur et le préfet ont tenté de rassurer la population, assurant que Ténenkou ne pliera pas sous le harcèlement des bandits armés. Ceux-ci étaient venus à bord de charrettes et de motos pour s’infiltrer dans la population ».
Requinqué par cette victoire éclatante, le gouverneur Kané regagne Mopti, rassuré d’avoir mis Ténenkou hors de danger. Et des dispositions ont été prises avec l’arrivée d’un détachement militaire de l’ETIA 42.
Mais apparemment, cette présence de militaires, qui effectuent des patrouilles de proximité, ne rassure pas et s’est même avérée inefficace. Et pour cause, dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 janvier, des rebelles lourdement armés lancent nuitamment l’assaut, contre la localité de Ténenkou.
Les assaillants ont réussi à s’infiltrer dans la ville et ont engagé le combat avec les militaires en scandant : « Allahou Akbar ». Le combat a été rude autour de la résidence du préfet Seydou Traoré (présent avec sa famille) et au camp de la Garde et la Gendarmerie.
Des gens témoignent qu’il s’agit d’une vingtaine d’assaillants arrivés à motos et à bord d’un véhicule pick-up aux couleurs de l’armée. Le bilan fait état de 5 combattants morts dont 3 gardes et deux militaires, 1 civil mort, des morts du côté des assaillants (les corps emportés), 4 soldats blessés, et un assaillant fait prisonnier.
Après cette deuxième attaque en une semaine, nous apprenons que beaucoup d’habitants ont quitté la ville, craignant le retour des assaillants. En outre, tous les services seraient fermés, à l’exception du centre de santé.
La veille de cette deuxième attaque de Ténenkou, des bandits armés avaient bouclé toutes les voies menant à Dogo, un village du cercle de Youwarou. Ce jour de foire hebdomadaire de cette petite bourgade, les rebelles ont tendu des embuscades aux forains, dépouillés de tous leurs biens : argent, parures, téléphones, motos, marchandises etc.
Décidément les bandits armés ne reculent devant rien et semblent manifestement décidés à annexer l’ensemble de la zone compromise entre Ténenkou, Niono et Youwarou. Ils semblent vouloir prendre le contrôle de Ténenkou pour en faire leur base. Et, ils ne reculent devant rien pour ce faire. Pour cause, dans sa parution du jeudi 15 janvier, L’Essor fait des révélations qui attestent de la volonté des groupes armés à faire de la zone du Macina un territoire conquis. Notre confrère écrit : « Des témoins indiquent que le groupe qui a attaqué Ténenkou (ndlr : la première attaque du 8 janvier) était composé d’une dizaine d’hommes armés. Des individus à la peau noire, portant des tenues militaires, enturbannés et s’exprimant en peulh. Ils seraient arrivés du côté Est de la ville, à bord d’un véhicule aux couleurs de la Garde nationale et se sont infiltrés dans la population. C’était jeudi, jour de la foire hebdomadaire de Ténenkou qu’ils avaient manifestement l’intention de piller.
Ces bandits armés qui ont poussé la hardiesse jusqu’à attaquer la ville de Ténenkou en présence du gouverneur de Mopti et de son escorte, appartiennent certainement aux groupes qui mènent des actions dans la zone depuis quelques jours.
Avant d’attaquer Ténenkou, des bandits à motos s’en sont pris à des forains venant de la localité de Doungoura. Bilan : un homme assassiné, une importante somme d’argent emportée. Ils avaient obligé les forains à se coucher à plat ventre avant de les fouiller.
Les mêmes individus sont certainement à l’origine du drame survenu quelques jours plus tôt dans le hameau d’Ouro Tiéélo, à 28 km de Dioura. Trois individus armés à motos y ont assassiné un homme du nom de Nouhoum Amadou Bah qui avait refusé d’adhérer à leur mouvement djihadiste ».
Pour parer à toute éventualité, l’armée malienne a renforcé toutes ses positions à Ténenkou, Diabaly, Niono, Dioura, Gatchi, Niafunké etc. Mais, cela suffira-t-il à freiner la montée en puissance de la violence décrétée par les rebelles au sud ? A voir.
Sékou Tamboura
Opportunistes
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