Mongi Hamdi est le chef de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma). Avant l’ouverture de la Conférence de Paris sur le développement du Mali, ce 22 octobre, il évoque les difficultés, mais aussi les prochaines étapes dans l’application de l’accord de paix.
RFI : La reprise de l’école à Kidal, fief des ex-rebelles de la CMA qui contrôle toujours la ville, devait être lancée ce lundi. L’évènement a finalement été annulé à la dernière minute, la CMA demandant au gouvernement de renoncer à envoyer à Kidal le ministre de l’Education. Ce qui devait être un symbole des progrès réalisés grâce à l’accord de paix s’est transformé en un très mauvais signal…
Mongi Hamdi : Il était prévu que le ministre aille à Kidal pour participer à cette célébration,et tout a été annulé. Mais j’ai entrepris des efforts personnels, j’ai parlé aux hommes clefs de la CMA, pour leur dire de faire des efforts pour ouvrir les écoles. Ils ont pris cela en considération et ils ont rouvert quelques écoles. Pour nous, c’est symbolique, mais essentiel, pour montrer à la communauté internationale que nous sommes entrés dans une phase de paix et de stabilité.
Comment analysez-vous ce revirement de la CMA ? Il y a des dissensions au sein des groupes ; est-ce qu’il faut y voir une stratégie, un double jeu ; ou est-ce que les choses sont tout simplement allées trop vite ?
Je pense que les choses sont simplement allées trop vite. Mais j’ai parlé avec la CMA, et nous allons organiser une fête pour célébrer cette rentrée très prochainement, peut-être d’ici deux semaines. Je compte moi-même aller à Kidal, avec des membres du gouvernement et peut-être d’autres représentants de la communauté internationale. Des ministres seront donc avec nous : le système d’éducation appartient au gouvernement du Mali, et nous allons les aider à participer à cet évènement pour célébrer le retour des enfants à l’école.
L’enjeu c’est que les cadres de la CMA réussissent à convaincre les habitants de Kidal ?
Ils doivent suivre leur base, c’est vrai, mais j’ai toujours dit que les grands dirigeants doivent parfois savoir prendre des décisions difficiles. Je suis convaincu que les dirigeants de la CMA ont la capacité de convaincre leur base des bénéfices de la paix, comme le retour des enfants à l’école. Je ne vois pas le problème ici.
La Commission technique de sécurité, un organe issu de l’accord de paix signé en juin dernier, doit se réunir prochainement. Toutes les parties y sont représentées, c’est la Minusma qui la préside, et il y sera notamment question de patrouilles communes dans le Nord, avec à la fois les ex-rebelles de la CMA et les groupes pro-Bamako de la Plateforme. C’est un objectif qui vous semble vraiment réalisable, aujourd’hui ?
Absolument, et c’est pour nous un objectif extrêmement important pour établir la confiance, la sécurité et la bonne foi de toutes les parties prenantes. C’est vrai que nous avons eu des difficultés énormes, surtout lors des violations du cessez-le-feu à Anefis (fin août et pendant plusieurs semaines, NDLR) et dans d’autres régions du Mali, près de Tombouctou notamment. Mais nous (la Minusma, NDLR) avons réussi à mettre ensemble et à faire discuter les dirigeants politiques et militaires de la Plateforme et de la CMA. (…) Nous avons organisé des réunions ici, à Bamako, puis le gouvernement malien a envoyé quatre ministres à Anefis pour encourager les deux parties à résoudre leurs problèmes, qui ont négocié entre le 4 et le 15 octobre. Ils ont réussi à résoudre la quasi-totalité des problèmes intercommunautaires, et je pense qu’ils ont fait la preuve de leur bonne foi et de leur volonté d’aller de l’avant. Il y a dorénavant un nouveau souffle pour la paix.
Dans quelles zones, et à quelle échéance, est-ce que ces premières patrouilles mixtes pourraient être menées ?
C’est une question de semaine. En fait, nous souhaitons que ces patrouilles commencent le 25 octobre. C’est la proposition qui avait été faite, on verra si c’est possible, je l’espère. Mais ces patrouilles conjointes sont très importantes pour montrer à la population au Nord que nous sommes maintenant dans une logique de paix et que tout le monde travaille pour rétablir la sécurité.
Où en est-on de la mise en œuvre du cantonnement des groupes armés du Nord ?
Le Comité technique de sécurité s’est réuni deux fois, mais malheureusement sans la participation de la CMA. La Plateforme a identifié six sites qui ont été transmis au Comité de suivi. La Minusma a fait la reconnaissance de cinq sites, et nous attendons que la CMA nous communique sa liste lors du prochain Comité technique de sécurité.
Une conférence pour la relance économique et le développement du Mali aura lieu le 22 octobre à Paris, en présence du président IBK et de l’ensemble des bailleurs de fonds. Concrètement, vous en attendez quoi ? De l’argent ? Des engagements ?
Pour établir la sécurité et la paix, il faut répondre aux besoins des populations, surtout dans le Nord. Le Mali a besoin d’entreprendre des projets d’infrastructure, de mettre en place des moyens de transport, l’eau, l’électricité, les hôpitaux… tout cela ce sont des besoins réels. Il faut montrer à la population que les dividendes de la paix sont là, et le Mali a besoin de soutien dans tous les domaines : infrastructures, développement régional… cela aidera aussi à renforcer la sécurité et à combattre le terrorisme. La communauté internationale doit montrer sa volonté de continuer d’aider le Mali et de mettre en place des projets de développement durable.
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