Mohamed Ag Intallah : un homme au service de la paix au Mali

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Comme nous l’avions promis, avec l’interview ci-dessous que nous avons réalisée, nous entamons une nouvelle rubrique qui est l’interview du mois. Chaque premier mercredi du mois, nous allons approcher une personnalité du pays pour l’interroger sur ce qu’il pense de la situation de notre pays  et pourquoi pas,  d’ailleurs.

Ce mois-ci Mohamed Ag  Intallah, le nouvel Amenokal de l’Adrar des  Ifoghas, terme employé pour désigner la région de Kidal, est notre invité. Qui est ce nouvel  Amenokal, cet énorme targui de près de 2 m de taille avec un physique athlétique qui n’a rien à envier à celui d’un champion de sport de combat tel le catch ? Derrière ce physique d’athlète, se cache un homme quelque peu timide (cf. l’interview ci-dessous, il est peu prolixe) mais d’une intelligence très perceptible lorsqu’on s’entretient quelques minutes avec lui. En dehors de cette interview, nous avons recueilli deux témoignages anecdotiques qui laissent percevoir  quelque peu la personnalité de ce chef  touareg récemment installé, suite au décès de son père Intallah Ag Attacher.

1er témoignage : celui d’un ami à son père (dont nous tairons le nom) qui l’a vu grandir auprès du patriarche Intallah.

« Mohamed a toujours été respectueux de ses aînés et des marabouts. Il est resté très lié à son père, qui le lui rendait bien. Aux dernières années de la vie de son père, il était toujours à ses côtés, pendant surtout ces années troubles. Pour preuve, au cours des évènements de mai 2014, au moment des confrontations entre l’armée malienne et les groupes armés, des balles perdues tombaient dans le domicile de l’Amenokal Intallah. Il est arrivé un moment où la situation était si aigüe que Mohamed en voulant protéger son père, reçu une balle qui lui frôla un avant-bras. Il garda pendant plusieurs semaines cette blessure.

Dans sa communauté à Kidal et même au-delà des frontières du Mali, Mohamed est respecté et inspire confiance. C’est donc sans surprise qu’il fut retenu comme successeur de son père bien que l’affaire n’était pas gagnée d’avance. Il est à noter que durant tout le temps de la rébellion, pendant que tout Kidal arborait le fanion de l’Azawad , Mohamed a toujours hissé le drapeau du Mali chez lui et clamé haut et fort à qui voulait l’entendre : ici c’est le Mali. Il a toujours autant qu’il a pu alerter les autorités à accepter certains compromis avant qu’il ne soit trop tard. Malheureusement il n’a jamais eu une oreille attentive du côté du pouvoir. Sa dernière tentative était celle de mai 2014 où il a voulu réunir tous les chefs de fractions et de tribus de la région de Kidal appartenant à l’association TERAKAFT ainsi que des personnalités en provenance de Bamako dans un forum intercommunautaire afin de ramener les groupes armés à la raison et à privilégier les voies du dialogue plutôt que militaires. Malheureusement cette initiative a été boycottée par la visite inopportune du Premier ministre de l’époque à Kidal. On connaît la suite. Quoi qu’on dise, l’Amenokal de Kidal possède encore une autorité morale sur la plupart des populations de l’Adrar et même au-delà. Jusqu’ici, chaque fois qu’une situation se complique, on fait appel à lui. Mohamed a horreur du mensonge et de l’injustice. Il est honnête et loyal.»

2ème témoignage : c’est celle d’un gradé de l’armée nationale.

« C’était à l’époque de la rébellion des années 90.J’étais à l’époque chef d’un détachement militaire.  Au cours d’une de nos patrouilles à laquelle prenait part Mohamed, ma troupe est tombée dans une embuscade tendue par les rebelles. Il eu un engagement violent entre nous où plusieurs blessés ont été enregistrés de part et d’autre. Suite à ces affrontements violents, les rebelles se sont retirés. Mohamed a récupéré un soldat blessé. Il l’a pris sur ses épaules et s’est dirigé vers notre bivouac de fortune. A notre vue, pendant que Mohamed le transportait, le blessé se mit à gémir et à crier en Bamanankan : « chef, il fait aussi partie des rebelles ! » Bien que ne comprenant pas bien le Bamanankan, Mohamed devina ce qu’il disait et lui dit : « si tu n’arrêtes pas de crier, je te jette à terre ! ». Arrivé à mon niveau, je souris à Mohamed et lui dit : « merci Mohamed, dépose le ici », en indiquant un endroit. Le boubou de Mohamed qui était originellement blanc ressemblait à une blouse de boucher. »

Ces témoignages ne sont pas exhaustifs, pour autant à travers eux on comprendra mieux qui est cet homme, notre invité du mois. Ces témoignages et cette interview conduiront peut-être certains de nos lecteurs à moins diaboliser ces populations nomades en général et Touaregs en particulier et d’accepter leur singularité culturelle. Mais aussi de comprendre que, comme partout ailleurs, il existe parmi elles de bonnes et de mauvaises gens.

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