Il faut plutôt parler de ‘’rebellions touarègues’’, cette suite d’insurrections récurrentes qui secouent la bande sahélo-saharienne, opposant des tribus touaregs aux différents gouvernements, notamment ceux du Mali et du Niger.
Au Mali, si presque tous les présidents, de Modibo Kéïta à Amadou Toumani Touré ont connu leurs rébellions, c’est la première fois qu’un président en fait les frais. Retour sur cette série d’insurrections.
La première rébellion touarègue (1962-1963) est le premier grand test du président Modibo Kéita, père de l’indépendance du Mali. Modibo le socialiste, fort de l’armement soviétique offert par Moscou, a opté pour la guerre et fait réprimer le soulèvement par l’armée malienne (Ama). « Si c’était maintenant, les Ong auraient parlé de génocide et même de crime contre l’humanité », explique M. Diarra, un militant de l’Association malienne des droits de l’Homme.
Les touaregs très sommairement armés ont subi une armée malienne mieux équipée dirigée par des fidèles au président. « C’était un sanguinaire, qui lui-même a été tué lorsque la junte dirigée par Moussa Traoré a pris le pouvoir en 1968 », explique Hussein Ag Moustaph, un tamasheq (Touarègue). « Ils ont tué presque tous les chefs et les jeunes ont fui le pays. Certains sont allés en Algérie, au Burkina Faso, en Libye et même au Tchad. Ma famille qui vivait à Sikasso a préféré trouver refuge en Côte d’Ivoire », ajoute-t-il. Pourtant, regrette-t-il, « les anciens n’avaient aucune visée séparatiste ni politique. Ils voulaient seulement que leur pays se soucie plus du développement de leur zone ». Malgré la défaite militaire, la crise qui est demeurée latente a été affaiblie par les sécheresses des années 1970 qui ont endeuillé le Sahel et provoqué un nouvel exode.
En 1992, le général Moussa Traoré a fait le choix d’affronter le mouvement social naissant et a fini par l’emporter, laissant à plus tard la seconde rébellion des hommes bleus débutée en 1990 au Mali et au Niger. C’est la première apparition du Mouvement populaire de libération de l’Azawad, créé deux ans plus tôt par les rescapés de la première crise et qui se sont aguerris en combattant avec la légion islamique du colonel Kadhafi, l’ex-guide libyen dans sa campagne tchadienne. Au Mali, malgré la signature des Accords de Tamanrasset (Algérie) en 1991 et du Pacte national en 1992, les hostilités se sont poursuivies jusqu’en 1995 avec l’accord de paix du 27 mars 1996 à Tombouctou. Ce jour-là, les rebelles Touareg ont brûlé 3.000 armes au cours d’une cérémonie dite de la Flamme de la paix. C’était la rébellion du président Alpha Oumar Konaré.
La rébellion qui emporte ATT
Comme ses prédécesseurs, le général Amadou Toumani Touré a lui aussi eu droit à sa rébellion avec, en prime, la présence sur la même zone, du groupe Al Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) et ses prises d’otages ajoutées au narcotrafic. Le soulèvement touarègue par l’Alliance démocratique mené le 23 mai 2006, point culminant de cette crise sous ATT, a abouti à la signature, le 4 juillet de la même année, des Accords qui prévoyaient des investissements immenses dans tous les domaines et que le gouvernement malien, malgré sa bonne volonté, n’a pu totalement respecter. Surtout qu’outre les rivalités entre l’Algérie et la Libye dans la gestion de la crise, certains rebelles, comme le célèbre Ibrahim Ag Bahanga, mort dans un accident de la circulation, n’ont jamais totalement accepté de déposer les armes. Il était soupçonné par plusieurs chancelleries d’avoir récupéré des armes en Libye à la faveur de la rébellion armée déclenchée dans ce pays il y a six mois contre le régime de Mouammar Kadhafi.
Le Mlna dans la danse
A la faveur de la crise libyenne en octobre 2011, le Mouvement de libération de l’Azawad (Mlna) refait surface. C’est la quatrième rébellion touarègue du Mali avec cette fois-ci plusieurs centaines de Touaregs armés ayant combattu pour Kadhafi en Libye. Le Mna fusionne avec d’autres mouvements pour former le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) dirigé par Mahmoud Ag Ghaly. Une structure qui refuse toute discussion avec les autorités maliennes ne portant pas sur l’autodétermination et l’indépendance de l’Azawad. Commence alors, mi-janvier dernier, une vaste offensive du mouvement rebelle qui s’empare de plusieurs camps militaires du nord Mali. Des militaires loyalistes qui, selon plusieurs sources, manquaient de munitions et même de nourriture et dont plusieurs ont été sauvagement tués. ATT, qui a toujours voulu privilégier le dialogue, souvent contre l’avis des populations du sud et même de l’armée est accusé de trahison par certains qui n’hésitent pas de jurer qu’il a abandonné son armée. Il nait alors une crise de confiance entre une armée avec une pléthore de généraux favorables à ATT et le gros de la troupe dirigé par les officiers subalternes. « Son envie de rentrer dans l’histoire comme le véritable père de la démocratie malienne, mais surtout comme un homme de paix, l’a perdu », pense Solo Dembélé, enseignant à Sikasso.
Ousmane Diallo
Publié le lundi 26 mars 2012 / abidjan.net