Mise en œuvre de l’œuvre : De quoi la CMA a-t-elle peur ?

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Des soldats de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) à Kidal, le 28 mars 2016 pour un Forum pour la réconciliation. © AFP

La signature d’un accord de paix, en mai et juin 2015, par le gouvernement et les ex-mouvements armés, a suscité énormément d’espoirs au sein de la population malienne. En raison du fait que, quelques mois auparavant, personne n’aurait parié sur la venue à Bamako de certains leaders de ces groupes, à fortiori penser qu’ils viendraient apposer leur signature au bas d’un quelconque document mettant fin aux hostilités dans la partie septentrionale du pays. Mais, depuis bientôt deux ans maintenant, on attend sa mise en œuvre effective. Pourquoi n’arrive-t-on pas à appliquer le contenu d’un document que l’on a tous signé ?

Le 15 mai 2015 et (surtout) le 20 juin, à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, rares étaient les Maliens qui auraient prédit que, deux ans après, nous serions quasiment au point mort, que l’Accord aurait traîné et piétiné comme c’est encore le cas. À part quelques leaders de l’opposition (ce qui se comprend aisément), tous avaient applaudi des deux mains et salué le retour total de la paix dans le pays.

Une satisfaction d’autant plus compréhensible que le document avait été accepté par l’ensemble des protagonistes, et garanti par la communauté internationale. L’important, en réalité, pour les Maliens, était moins le contenu du document que son apport dans le cadre du retour de la paix dans le pays. Les Maliens avaient accepté de faire ce sacrifice juste pour faire de la crise un malheureux souvenir.

Malheureusement, aujourd’hui encore, le constat est patent et amer : la mise en œuvre de l’Accord piétine. Les autorités intérimaires ne sont toujours pas mises en place ; la ville de Kidal, menacée par la Plateforme, est encore contrôlée par la CMA. Chaque fois qu’il y’a comme une lueur d’espoir, un événement triste vient obscurcir l’horizon. Le dernier en date est l’attaque du camp du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Gao, le mois dernier ; sans oublier les chantages de la CMA et la volonté manifeste du MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad), une dissidence de la CMA, à être pris en compte, à part entière, dans le Comité de suivi de l’Accord.

C’est d’ailleurs sur ce point qu’on peut comprendre aisément l’attitude de la CMA qui, selon plusieurs sources, est à l’origine du blocage dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. Aujourd’hui, rapportent plusieurs sources, c’est la CMA qui met la pression et menace de partir si ses anciens camarades du MSA étaient reconnus membres du CSA. Pourquoi ?

Le MSA (de Moussa Ag Acharatoumane) est majoritairement composé de Daoussahak, il a ses entrées à Kidal dont ses leaders ont pendant longtemps contrôlé dans le cadre de la CMA, et est soutenu par la Plateforme. Le groupe est donc naturellement proche du gouvernement à travers la Plateforme qui n’a jamais caché son aversion contre l’indépendance ; ce qui les oppose d’ailleurs à la CMA. La venue du MSA au sein CSA fera de lui un allié de plus pour ceux qui soutiennent la paix, le retour de Kidal dans le giron de l’Etat, et le recouvrement intégral de l’étendue du territoire malien. Ce que la CMA a compris et redoute.

Autre danger pour la CMA : elle sait que la Plateforme convoite toujours Kidal et que son rapprochement avec le MSA pourrait permettre la récupération de cette ville ; surtout si ce mouvement était officiellement reconnu comme membre du CSA. En réalité, aujourd’hui, tous sont unanimes sur le fait que ce sont plus les agissements de la CMA qui mettent à mal la mise en œuvre de l’Accord et que la volonté du gouvernement est indiscutable.

La raison est toute simple : la CMA sait qu’avec la mise en œuvre effective de l’Accord, qu’elle perdrait le contrôle de la ville de Kidal. Et elle ne l’entend pas de cette oreille. C’est pourquoi tout acte qui menacerait le statu quo actuel est combattu et saboté par elle. Et malheureusement pour nous, elle est comme soutenue par la communauté internationale sur laquelle le gouvernement ne parvient à mettre la moindre pression.

 Moussa Touré

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