Pour dire «Non» à leur exclusion, des responsables des communautés sédentaires, signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation, ont animé le mardi 23 janvier 2018 un point de presse à la Maison de la Presse. Ces responsables, d’une dizaine de mouvements, regroupés au sein de la Coordination des Mouvements et Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR), ont déclaré avoir retiré leur confiance à leur désormais ex «porte-parole, Maître Harouna Toureh. Ils l’accusent d’avoir confisqué la coordination à des fins personnelles au mépris de l’intérêt général.
Ces responsables de la Coordination des Mouvements et Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR), dirigé par Alassane Guiteye, ont sans ambages, désavoué le leadership de Me Harouna Toureh. «Nous, Coordinateurs Régionaux des Mouvements de la CMFPR, réunis à Bamako, retirons notre confiance de porte-parole circonstanciel à Me Harouna Mamadou TOUREH, qui a complètement démérité. Disons à la Communauté Internationale et au Gouvernement qu’il ne pourra plus parler au nom de notre Communauté, qui vient de le désavouer totalement et définitivement», peut-on lire dans un document. D’après eux, Me Toureh a échoué et confisqué la CMFPR et l’exploite à des fins personnelles au mépris de l’intérêt général. «Cet homme méprise nos communautés qu’au seul motif qu’il est un porte-parole circonstanciel. Ce titre circonstanciel auquel il a été propulsé par la communauté devant lui permettre de la rassembler, de la défendre et de la protéger au lieu de l’écraser et de la marginaliser. Nous sommes tous convaincus que notre communauté jusqu’à ce jour, est en marge de la mise en œuvre de l’Accord, parce que jamais, elle n’a été contactée par le porte-parole durant tout le processus de négociation, jamais aussi compte rendu ne lui a été fait ni des négociations à Alger, ni des séances du CSA et autres sous-comités du CSA», expliquent les responsables du CMFPR. Pour eux, aujourd’hui et depuis quelques années, certains acteurs agissant au nom des communautés à majorité sédentaires du Nord, bien qu’engagés de bonne foi au début de la lutte, ont dévié. «Ces personnes roulent désormais pour des avantages personnels, ne cadrant ni avec l’intérêt général du peuple malien, ni avec les aspirations des communautés victimes du déséquilibre des mesures censées garantir le retour de la paix.»
Ainsi, pour Alassane Guiteye, il reste malheureusement du chemin à faire pour la paix au Mali. Sur le chemin de la paix, souligne-t-il, se trouve un obstacle fondamental : le monopole, voire la prépondérance des ex-rebelles dans les instances d’application de l’Accord, aux dépens des mouvements loyalistes. «Etant absentes ou mal représentées dans les instances d’application de l’Accord, les communautés sédentaires subissent l’application de mesures et de décisions qui affectent et marqueront leur vie, peut-être pour toujours. Un grand nombre de Maliens partagent ce sentiment, cette amertume d’être spectateurs impuissants d’un Accord qui les engage et s’applique à eux» dit-il avec amertume. Les responsables de la CMFPR, restent convaincus qu’il est certain que l’Accord ne sera pas appliqué et il n’y aura pas de paix définitive tant que la mise en œuvre de certaines mesures, dudit Accord, portent préjudice aux communautés sédentaires. Ces communautés, disent-ils, sont quasiment absentes ou en tout cas très mal représentées dans le Comité de suivi de l’Accord, mal ou pas représentées au sein des autorités intérimaires qui gèrent les régions du Nord au cœur de la crise. Dans la déclaration, lue par le président du CMFPR, M Guiteye, on comprend que «les foules mobilisées par les marches de protestation organisées par les habitants de Gao, Tombouctou et Mopti (marches soldées par des morts parmi nos jeunes de Gao) témoignent de leur sentiment d’exclusion et d’abandon». En outre, les responsables du CMFPR estiment que l’un des principaux obstacles à l’avancée vers la paix reste le déséquilibre en faveur des ex-rebelles et de leurs communautés. Cela, au point que les populations restées loyales se demandent : «où est le mérite d’être fidèles à un Etat, dont les concessions à l’égard des ex-rebelles hypothèquent gravement le sort des Songhay, Peuls, Bellas, voire de toutes les populations majoritairement sédentaires du Mali » ? «Ces communautés, totalement exclues des discussions autour de leur sort, en sont presqu’à regretter de ne pas emprunter la voie de la sédition. L’Etat, nous regrettons de le constater, n’a pas pu prendre en compte l’impact de certains points de l’Accord sur les populations issues des communautés sédentaires. La composition du Comité Technique de Sécurité(CTS) illustre la faible représentation de la CMFPR ».
Par ailleurs, à la Communauté internationale, ces responsables demandent plus d’engagement et de détermination pour la mise en œuvre de l’Accord. Ils invitent l’Etat malien à s’investir davantage pour le retour des réfugiés et des déplacées et aussi pour la mise en place du MOC dans certaines localités. Enfin, ils demandent à l’Etat de reconsidérer sa position par rapport à ses communautés qui n’ont que trop souffert.
Dieudonné Tembely