Mise en œuvre de l’accord pour la paix : Les parties engagées à reprendre un dialogue constructif

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Le Portugais Antonio Guterres au siège de l'ONU à New York, le 12 avril 2016 (AFP/KENA BETANCUR)

Dans son  dernier rapport sur la situation du Mali, le secrétaire général de l’ONU a souligné les  progrès accomplis au cours des 18 mois qui ont suivi la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Antonio Guterres a ailleurs regretté le fait que les parties signataires peinent toujours à s’entendre sur les principales mesures provisoires à mettre en place.

En fin décembre dernier, le secrétaire général de l’ONU a produit son rapport trimestriel sur la situation du Mali. Dans ce document de 31 pages,  Antonio Guterres  revient sur les progrès accomplis ainsi que les actions menées par la Minusma pour appuyer le processus.

54 attaques

Sur le plan sécuritaire, le patron de l’Organisation des nations unies retient que la situation est demeurée instable dans les régions du Nord et du Centre du pays, en raison notamment de la présence limitée des forces de défense et de sécurité maliennes ainsi que des autorités de l’Etat. « La Minusma, face aux attaques perpétrées contre les civils et le personnel des Nations unies, s’est efforcée de maintenir la position plus déterminée et réactive qu’elle présente depuis l’adoption de son nouveau mandat, malgré son manque criard de moyens », a-t-il regretté.

Et Antonio Guterres de préciser qu’au total 25 attaques ont été perpétrées contre les forces de défense et de sécurité maliennes et 29 autres contre la Minusma, contre 39 et 27, respectivement, au cours de la période précédente. En tout, 15 membres des forces de défense et de sécurité maliennes ont été tués et 33 blessés lors d’attaques contre 52 et 72, respectivement, au cours de la période précédente. En outre, trois soldats de la paix ont été tués et 25 blessés, contre 13 et 32, respectivement, au cours de la période précédente.

Contraintes

Si au 22 décembre, la composante militaire de la Minusma comptait 10 791 soldats (dont 1,6 % de femmes), soit 81 % de l’effectif autorisé (13 289), il reste cependant que plusieurs capacités essentielles manquent à la mission onusienne. En janvier ou février 2017, projette Antonio Guterres, quand les hélicoptères militaires se trouvant actuellement à Gao seront partis, la Minusma aura besoin de quatre unités d’hélicoptères pour arriver au nombre requis de six (à savoir, une unité d’hélicoptères d’attaque et une unité d’hélicoptères de transport moyens à Gao, une unité d’hélicoptères d’attaque à Kidal, et une unité d’hélicoptères de transport moyens à Tombouctou).

Toujours selon le rapport, la mission a en outre toujours besoin d’une compagnie de renseignement, de surveillance et de reconnaissance à Kidal, d’un groupe d’appui aéroportuaire à Gao et Tombouctou, d’une compagnie de forces spéciales , d’une compagnie de neutralisation des explosifs et munitions à Tombouctou et d’un bataillon spécialisé en convois de combat. En attendant le déploiement du bataillon, ce sont les unités d’infanterie qui ont escorté les convois logistiques de la Minusma, ce qui a fortement nui à la capacité de la composante militaire de s’acquitter de son mandat, déplore M. Guterres.

Pire, la mission manque encore 99 véhicules blindés de transport de troupes. Toutes choses qui constituent des contraintes majeures pour les forces onusiennes, selon le patron de l’organisation mondiale.

Peu probable

Au sujet du processus de Désarment, démobilisation et réinsertion (DDR), le rapport se félicite de certaines mesures prises par le gouvernement malien, notamment la désignation du président de la Commission du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion et celui de la Commission d’intégration. Si les parties signataires de l’Accord ont décidé de commencer le cantonnement dès que possible, cela reste cependant très peu probable de l’avis de M. Guterres. Car, argumente-t-il, « les groupes armés signataires n’ont pas encore présenté leurs listes de combattants, la Commission pour l’intégration n’a pas adopté de critères pour leur intégration dans les forces de défense et de sécurité maliennes et il n’y a pas de patrouilles mixtes pour assurer la sécurité des sites de cantonnement ».

Le rapport note aussi que le rétablissement de l’autorité de l’Etat dans le Nord et le Centre du pays est resté problématique. « Malgré une augmentation de 4 points de pourcentage (de 33% à 37 %) du nombre de fonctionnaires déployés dans les régions du Nord, le Gouverneur de Taoudénit était basé à Tombouctou, en raison des déficiences des infrastructures de la région, et le Gouverneur de Kidal n’a pas pu s’installer dans la région en raison de l’insécurité. Dans la région centrale de Mopti, le Gouverneur a conseillé aux fonctionnaires en poste dans certaines zones de s’acquitter de leurs tâches depuis la capitale régionale, les conditions de sécurité s’étant détériorées », rappelle le Secrétaire général de l’ONU.

Consensus

Sur le plan politico-institutionnel, Guterres salue la tenue des élections communales de novembre 2016, en dépit des obstacles politiques, logistiques et de sécurité. « Je regrette que le scrutin n’ait pas eu lieu dans les régions de Kidal, Ménaka et Taoudénit, ainsi que dans certaines parties des régions de Gao, Mopti et Tombouctou, en raison d’atteintes à la sécurité et d’actes d’entrave au vote, notamment dans des zones contrôlées par des groupes armés signataires. J’ai pris note des objections formulées par des partis de l’opposition et les groupes armés signataires. Toutes les parties prenantes doivent s’efforcer d’aplanir leurs divergences et de trouver un terrain d’entente », souligne-t-il.

Selon le Portugais, seule une démarche interactive, constructive et sans exclusive permettra de parvenir à un consensus. Et le patron de l’ONU d’encourager le gouvernement malien à mener avec les parties prenantes un dialogue actif à même de donner lieu à un véritable consensus, au moment où le peuple malien se prépare à des élections régionales et au niveau du district de Bamako, ainsi qu’à un référendum constitutionnel en 2017.

25%

Parlant de l’aspect humanitaire, Antonio Guterres  estime que l’insécurité persistante, l’insécurité alimentaire récurrente, la pauvreté chronique, la présence limitée des autorités de l’État et l’insuffisance des services sociaux de base, outre les affrontements entre les groupes armés signataires, ont conduit à une détérioration de la situation humanitaire dans les régions du Nord et du Centre du Mali. Dans le même temps, les inondations saisonnières du fleuve Niger ont touché 18 000 personnes, principalement dans les régions de Mopti et de Tombouctou, et ont détruit 2 400 maisons et 790 latrines. Des agents humanitaires ont aidé les autorités à distribuer des produits de première nécessité. Néanmoins, au 22 septembre, le Plan d’action humanitaire pour 2016, d’un montant de 354 millions de dollars, était financé à hauteur de 134,5 millions de dollars (38 %).

Au cours de la période considérée, 109 écoles supplémentaires ont été fermées, portant à 405 sur 2 380 le nombre total d’établissements scolaires fermés dans les zones touchées par le conflit dans les régions de Gao, de Kidal, de Ménaka, de Mopti, de Ségou et de Tombouctou.

Se référant à une évaluation nationale de la sécurité alimentaire et de la nutrition, le rapport révèle que 25% de la population malienne demeure en situation d’insécurité alimentaire. Le taux de malnutrition aiguë modérée est tombé à 14,3 % dans la région de Tombouctou, où le Fonds des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Programme alimentaire mondial ont mis en place des activités visant à renforcer la résilience, en collaboration avec des organisations d’agriculteurs.

Crucial

Au regard de ce qui précède, M. Guterres est arrivé a un certain nombre d’observations. En effet, le processus de paix au Mali se trouve, selon lui, à un moment crucial. Car, en dépit des progrès accomplis au cours des 18 mois écoulés depuis la signature de l’Accord, les parties signataires peinent à s’entendre sur les principales mesures provisoires à mettre en place. Toute chose qui ralentit la mise en œuvre des autres dispositions. Il a ainsi engagé toutes les parties signataires de l’accord (Gouvernement, Plateforme et CMA) à mettre un ‘’terme immédiat aux combats’’ et à reprendre un dialogue constructif. «Les parties signataires doivent tirer pleinement parti du potentiel qu’offrent les mécanismes de suivi prévus dans l’accord, notamment en y faisant participer durablement des représentants de haut niveau, pour régler leurs différends et donner la preuve de leur attachement au processus de paix », indique le rapport.

Aussi, Antonio Guterres souhaite-t-il que la communauté internationale (l’équipe de médiation comprise) redouble d’efforts et use de tout son poids politique pour préserver l’engagement des parties signataires et obtenir des résultats immédiats sur le terrain. Selon lui, les mesures provisoires doivent reposer sur des bases solides propres à mener le Mali sur le chemin de la paix et de la stabilité à long terme. Partant, il a appelé le Gouvernement à accélérer l’élaboration d’une stratégie nationale de réforme du secteur de la sécurité et la définition des critères d’intégration sur la base desquels les membres des groupes armés signataires pourraient rejoindre les institutions chargées de la sécurité. « Le Gouvernement doit absolument préciser ses intentions en ce qui concerne la réforme du secteur de la sécurité pour que les groupes armés signataires demeurent attachés au processus de paix », a insisté Guterres, regrettant par ailleurs qu’aucune femme n’ait été nommée au sein des autorités intérimaires.

Bakary SOGODOGO

 

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