De nouveaux métiers sont nés des conséquences de l’insécurité dans notre pays surtout dans sa partie septentrionale : Tombouctou, Gao et Kidal. Ces métiers recrutent dans les domaines comme l’enlèvement des véhicules de l’État, le banditisme de grand chemin, la création de prétendus réseaux, projets, ONG -qui vivent sous perfusion financière de fondations et d’organismes internationaux. Et depuis peu, des enseignants à la retraite sont devenus spécialistes des questions d’insécurité alors que d’autres se font passer pour des ingénieurs en élaboration d’ateliers.
Depuis le soulèvement militaire du 26 mai 2006, des fora (séminaires, ateliers) sur l’insécurité s’organisent sans discontinuer aussi bien à Bamako qu’à Tombouctou, Gao et à Kidal. Ces rencontres à n’en pas finir sont financées par l’Etat. Et bien sûr certains projets et programmes implantés dans le nord qui, pour justifier des centaines de millions de manque à gagner, organisent des ateliers à l’emporte pièce auxquels participent des élus locaux, des chefs traditionnels, des religieux et la société civile. Ces moments de communion servent davantage à prendre une soupe de mouton, boire du lait…et surtout à se faire la poche qu’à faire autre chose. La fin de ces ateliers de deux jours ou d’une semaine, offre un spectacle ahurissant : les participants font le pied de grue devant le bureau du comptable pour ensuite repartir avec une enveloppe pleine de liasses d’argent. Ainsi va la vie de nos élus et administrateurs civils dans les régions du nord.
Dans la plupart des cas, certains élus, fonctionnaires et administrateurs civils boycottent les ateliers où il n’y a pas d’honoraires. Des empoignades, il y en a très souvent dans la salle à cause des conditions de participation. Normal quand on sait que beaucoup d’argent est ainsi jeté par la fenêtre à l’occasion de ces ateliers. Tenez, récemment, un réseau de plaidoyer pour la paix avec la complicité d’un programme international basé dans une des trois régions du Nord-Mali, a organisé un atelier pour justifier 18 millions de francs CFA. Au grand bonheur des participants et des organisateurs, une autre astuce est utilisée pour obtenir beaucoup plus d’argent aux partenaires techniques et financiers : délocaliser ces ateliers dans les villages ou cercles enclavés pour avoir plus de manque à gagner.
Selon nos informations, il y a une autre pratique désormais consacrée dans les services publics au nord : l’agent qui donne beaucoup de cadeaux à son chef en rentrant d’un atelier, multiplie sa chance de participer régulièrement aux ateliers et séminaires. Institutionnalisation de la corruption ?
Une nouvelle race fait son apparition
Ces derniers temps, certaines personnes sont devenues des spécialistes en élaboration d’atelier. Alors que des enseignants à la retraite qui se sont arrogé le titre de spécialistes des questions d’insécurité. D’après nos sources, ils ont un calendrier très chargé malgré le coût exorbitant de leurs prestations (un exposé sur l’insécurité et la paix). Ces spécialistes et experts de la 25ème heure vivent aujourd’hui de l’ «insécurité» et ne souhaitent nullement que cela s’arrête. Comme le confirme l’un d’entre eux, qui souhaite voir organiser autant que possible des ateliers pendant les 365 jours de l’année. Alors sont-ils complices des trouble-fête ? En tout cas, l’argent qui est investi dans ces fora peut mieux servir à l’armée nationale pour sécuriser les trois régions du nord-Mali.
Issiaka Sissoko