Sous la plume d’un des deux envoyés du Figaro magazine Jean-Louis Tremblais (Touaregs : les rebelles du désert. Après avoir attaqué trois casernes, les Touaregs du Mali se sont retranchés dans les montagnes. Leur but : négocier une forme d’autonomie avec le gouvernement. Un article publié le 4 août 2006), nous apprenons que les insurgés de Kidal sont au nombre de 3000. Et contrairement au mensonge d’Etat, à Ménaka, le chef a fait défection avec toute son unité, et non seul avec son arme individuelle. Lisez, plutôt les extraits de l’article et le commentaire d’Abdoul Karim Dramé, journaliste indépendant.
« … Ce jour-là, une centaine de Touaregs, enturbannés et « enfouraillés », juchés sur des pick-up équipés de mitrailleuses, foncent à l’aube sur deux casernes de Kidal. Surpris, les soldats maliens n’opposent qu’une faible résistance. Au même instant, un capitaine touareg fait défection à Ménaka (300 kilomètres plus au sud) et rejoint les assaillants avec son unité. Les deux villes restent sous le contrôle des rebelles toute la journée. Coups de feu, échanges de tirs, puis les auteurs du raid s’enfuient vers la montagne (laissant cinq morts), non sans avoir dévalisé les magasins d’armement. Audacieux et efficaces dans la veine des rezzous d’antan, lesquels faisaient la fierté de ces nomades guerriers, volontiers frondeurs et pillards. Le pick-up nippon a supplanté le dromadaire des méharées, mais la tradition perdure…
« … L’homme se garde bien de nous recevoir au PC, là où nous avait-on assuré, on devait voir des grottes pleines d’armes et un matériel sophistiqué (ordinateurs et transmission). En tout cas, les 3000 hommes que revendique l’insurrection touarègue sont lourdement équipés (mitrailleuses 12,7 mm et lance-roquettes RPG notamment) et correctement entraînés (les déserteurs de l’armée se chargent de former les recrues). Œil clair et port noble, le lieutenant-colonel Fagaga en impose… »
« … Lorsqu’on l’interroge sur le financement de la rébellion, Hassan Fagaga se défend d’avoir un soutien extérieur : Personne ne nous aide. Ni la Libye ni l’Algérie. Et encore moins les islamistes algériens du GSPC (Groupe salafiste de prédication et de combat), comme le gouvernement veut le faire croire ». Une chose est sûre : c’est bien l’Algérie voisine (elle avait déjà parrainé les Accords de 1992) qui sert de médiatrice dans la crise. Le 6 juin, à la demande des deux parties, des pourparlers se sont ouverts à Alger. Après la castagne, la palabre. Nul doute que le spectre de la guerre civile fut un instrument de négociation : le 3 juillet, un accord a été conclu. Il prévoit l’amnistie pour les rebelles du 23 mai, ainsi qu’une accélération du programme de développement (une enveloppe de 17 milliards de F CFA était déjà prévue, mais les Touaregs disent ne pas en constater les effets).
Est-ce à dire que les seigneurs de la guerre vont quitter le maquis et démanteler leurs bases ? Rien n’est moins sûr. Selon nos informations, les responsables touaregs « attendent de voir ». Combien de temps ? « On peut tenir cinq ans », nous déclarait un officier rebelle à notre départ. « Ou tout aussi bien rentrer dans le rang », ajoutait-il, malicieux. Sous-entendu : jusqu’à la nouvelle poussée de fièvre.
LE COMMENTAIRE D’ABDOUL K. DRAME : Et si ATT ne savait pas gouverner ?
Il avait suscité l’espoir, parce qu’acteur du Mouvement démocratique. Il avait forgé le respect, car issu de la Grande muette. Il avait charmé le monde pour avoir mené avec élégance une transition de pouvoir ayant abouti à l’alternance. Il avait mérité de la confiance de son peuple, au point que syndicats des travailleurs, association estudiantine, partis politiques et société civile, tous lui avaient accordé une année de délai de grâce.
Notre bonhomme, ayant eu confiance en lui-même et prenant ces succès, non pas pour un don d’Allah, mais parce qu’il est le seul mâle de la basse-cour, est en train de tomber dans l’abîme des dérives. Perché au sommet d’un pouvoir inique, il croit, qu’il est la seule créature de Dieu, et les autres Maliens ont été simplement façonnés par lui, le plus béni et le plus admiré du royaume d’Allah.
Le pouvoir lui montant par le nez, surfant sur les nuages du populisme, cédant à la démagogie d’avoir conquis tout un peuple sans combattre, ATT, le bienfaiteur national, est en train d’administrer le pays avec un mépris sans nom. Avec sa femme, il est chanté aux gloires de Soundiata, Babemba, Tiéba. Mais croit-il se comporter réellement comme ces braves hommes ?
Un tyran, mais pas un chef
Certainement notre « officier civil » a lu le Prince de Machiavel, mais nous sommes persuadés qu’il n’a rien compris. N’en déplaise aux éminences grises de sa cour, nous nous permettons d’offrir au général, les clichés de trois chapitre du livre passés au scanner par le philosophe qui déteste les chefs légers.
« Dès le début du chapitre XIV, Machiavel conseille de se dévier de ce qui est souillé, au profit de ce qui est pur et sans mélange. En effet, la méconnaissance de la distance entre ce qui est et ce qui doit être fait oublier la nature des hommes. Le prince doit forcément tenir compte des réalités effectives. Il doit prendre conscience et faire avec, de la spécificité de l’espace social et politique, contexte de son action. En cet espace, domine l’apparence : le prince ne peut pas l’ignorer, et doit savoir lui-même en jouer, sinon, il sera pris au piège de cette dualité trompeuse (être/apparence).
Ainsi dans le chapitre XVI voit-on que le prince doit être attentif à ce que l’on dit, à ce qu’on croit de lui, à ce que reflète l’opinion. La réputation, la rumeur publique, sont des constructions fantasmatiques qui peuvent être à distance des qualités et défauts du prince, mais il ne s’agit nullement de s’en détourner, au contraire, il faut savoir en profiter.
De toute façon, le prince n’est nullement le maître de l’opinion, ni de l’impression qu’il donne. Il doit veiller aux apparences tout de même, puisqu’on ne peut faire sans. Et Machiavel dit que cela doit se faire avec le but de se faire aimer de son peuple. Son comportement est justifié, comme il le dit tout au long de son ouvrage, en ce que sa volonté est de défendre son Etat et de chercher à le perpétuer.
On voit ici que le prince machiavélien n’est pas « machiavélique » ou un tyran. En effet, ce que veut dire Machiavel, c’est, non pas que le prince fait ce qu’il veut, au gré de ses caprices, de son bon vouloir, mais qu’il est un être fragile, ayant à s’exercer dans un monde fragile, et dépendant de tout ce qui est « au-dehors ».
Le prince est triplement « dépendant » :
1. Il dépend de la Constitution ;
2. Il dépend de la société, ou des groupes qui ont favorisé son accès au pouvoir ;
3. Il dépend des humeurs de chaque classe sociale étant changeants, il ne faut pas faire dépendre son pouvoir de la satisfaction des attentes immédiates (car, notamment, les gens oublient vite les faveurs passées, cf. chapitre XXVII) ».
Puisse cette lecture aider à une prise de bonne conscience. Amen !
Abdoul Karim Dramé (journaliste indépendant)
“