L’attaque du 11 mai dernier de Ibrahim Bahanga, que vous avez immédiatement condamnée, est-elle, selon vous, un acte purement isolé ou bien quelque chose qui pourrait remettre profondément en cause l’accord d’Alger ?
Non, l’action de Bahanga est un acte isolé que l’Alliance a tout de suite condamné. Mais il faut craindre que cet acte puisse perturber l’application de l’accord parce que Bahanga est tout de même l’un des cadres de l’Alliance. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’un acte isolé qui n’était pas du tout programmé, mais qui risque d’avoir des répercussions négatives sur l’application de l’accord. En tout cas, le cap de la paix est maintenu, et cela, nous l’avons dit dès les premières heures qui ont suivi l’attaque.
Nous continuons avec le gouvernement malien et le gouvernement algérien à poursuivre le processus et nous espérons que les points qui restent en suspens seront concrétisés. Il faut reconnaître que n’eût été l’attaque du 11 mai, nous étions très optimistes. Nous avons eu un engagement du chef de l’Etat, même si c’était en période de campagne électorale. ATT s’était engagé à appliquer l’accord d’Alger. Mais il y a eu la bavure du 11 mai. Au niveau de l’Alliance, cela nous a profondément choqués.
Quel bilan faites-vous justement de l’accord d’Alger qui boucle une année le 4 juillet prochain ?
Nous avons beaucoup d’espoir dans cet accord, surtout après la mise en place des unités spéciales avec des éléments de l’Alliance, comme c’était prévu, et c’est là un point essentiel.
Quelle est exactement la mission de ces unités spéciales ?
Il s’agit d’une mission de sécurité, en étroite collaboration avec les autres forces de sécurité.
Sont-elles appelées à intervenir dans des zones difficiles d’accès, dans le Sahel ?
Effectivement, elles vont intervenir dans le Sahara qui est une zone souvent inaccessible. Pour cela, il faut des hommes qui connaissent bien le terrain. Pour le reste, l’un des dossiers pendants est celui de la réinsertion socioéconomique. Il y a eu des changements notoires avec les élections (présidentielle), l’investiture du Président. Il y a un nouveau gouvernement qui sera mis en place. Il y a aussi les élections législatives qui se profilent. Nous espérons qu’au terme de toutes ces échéances politiques, nous allons revenir à la réinsertion car les gens commencent à s’impatienter.
Est-ce que la rébellion touareg pourrait reprendre, selon vous ?
Je ne vois pas de raison pour que cela reprenne. Je ne vois pas Ibrahim mobiliser du monde. Pour provoquer un soulèvement, il faut avoir un objectif, un idéal commun. Ce n’est pas le cas d’Ibrahim. Il est parti seul, peut-être dans un esprit de vengeance, je ne sais pas. Mais pour mobiliser des gens autour d’un soulèvement, cela ne se fait pas gratuitement. Je pense qu’il n’y a aucune raison pour une nouvelle rébellion même si, quelque part, il y a beaucoup de choses dans les accords qui n’ont pas été concrétisées tel qu’on le souhaitait.
La détresse sociale ne pourrait pas pousser les jeunes dans la voie tracée par Bahanga ?
C’est vrai. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes toujours dans la phase de l’application des accords. Il manque la réinsertion socioéconomique, et c’est le dossier le plus lourd. Les ex-combattants n’ont pas été réinsérés encore. La balle est dans le camp du gouvernement malien pour satisfaire cette revendication. Il doit veiller à ce que cette réinsertion se passe dans de bonnes conditions et sans retard.
D’après vous, Bahanga a-t-il les moyens de lancer d’autres attaques comme celle du 11 mai ?
Je ne le pense pas. Je ne dirais pas qu’il n’en a pas les moyens. Je dirais qu’il n’a pas l’intention. Comme je le disais, Bahanga n’est pas animé par un objectif important. Il a été poussé par la colère ou je ne sais quoi, et je ne pense pas qu’il ait l’intention de récidiver. Mais il constitue tout de même un danger.
Seriez-vous prêts à le traquer s’il le fallait en mettant à contribution ces unités spéciales fraîchement installées ?
Puisqu’elles sont là pour assurer la sécurité, c’est leur mission. A ce niveau, je ne peux pas m’engager. Mais ce qui est sûr, c’est que leur mission est d’assurer la sécurité et d’intervenir quand l’Etat est menacé. Donc, elles seront obligées à mon avis de réagir. Maintenant, pour ce qui est d’Ibrahim, ce qui est souhaitable, c’est qu’on cherche à savoir pourquoi il a fait cela et qu’on tente de trouver une solution. Si on laisse les choses en l’état, on risque d’en faire un héros. Et vous savez que nos jeunes, je ne dirais pas qu’ils désespèrent, en tout cas ils s’impatientent. Il ne faut pas laisser le temps à Ibrahim de récupérer les mécontents parce que c’est ce qui risque de se passer. C’est ce qu’il faut craindre. Il risque de récupérer les mécontents de la région et cela va être une véritable menace. Moi, je pense qu’il faut engager le dialogue avec lui-même s’il y a beaucoup de difficultés qui se posent. Jusqu’à présent, l’Etat n’a pas pris d’engagement par rapport à cela. Il est souhaitable qu’on traite vite le problème d’Ibrahim.
Mustapha Benfodil
El Watan (Algérie) – Edition du 23 juin 2007
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