L’important don en céréales que l’Algérie a fait aux populations du nord malien continue de pourrir à Alger. Malgré d’importants sacrifices consentis par le donateur, le Mali est toujours incapable d’exécuter sa part de contrat, et ce sont les populations qui en font les frais.
Cela fait plusieurs mois que le gouvernement algérien, en signe de solidarité envers les populations du nord malien menacées de famine, a offert 990 tonnes de céréales au Mali. La livraison de la cargaison devait se faire depuis plusieurs semaines à Gao. Pour cela, une rotation d’avions cargos, 30 vols avec 33 tonnes chacun, avait été envisagée par l’Algérie, après une évaluation des équipes techniques et de l’administration sur place, les résultats ont été communiqués à Bamako il y a plus d’un mois. Depuis, plus rien, les grains sont en train de pourrir quelque part en Algérie tandis que dans le nord les populations sont menacées de faim, alors que des organisations internationales ont tiré la sonnette d’alarme depuis très longtemps. Que se passe-t-il donc ?
Selon plusieurs sources concordantes, le blocage de ce don algérien est imputable à la partie malienne. En effet, pour une meilleure organisation de la livraison des dons, il aurait été demandé aux autorités maliennes d’assurer le ravitaillement des avions cargos algériens en kérosène pour leur retour. Gros porteurs et lourdement chargés, ces avions n’auraient pas l’autonomie nécessaire en carburant pour effectuer le voyage aller-retour Alger-Gao, c’est pourquoi l’Algérie a demandé au Mali de faire ce petit effort de ravitailler leurs avions pour le retour. A défaut, de demander à la mission onusienne au Mali de le faire. Rien de tout cela, semble-t-il, n’a été fait puisque le ravitaillement n’est toujours pas effectif.
Laxisme et mauvaise volonté
Devant le laxisme des autorités maliennes, les responsables de l’Azawad, beaucoup plus responsables, ont pris toutes leurs responsabilités afin de ne pas laisser leurs populations mourir de faim. En effet, selon plusieurs sources, la région de Kidal aurait enlevé à Alger sa part de stock par ses propres moyens. Une manière de prouver que l’Azawad n’a effectivement plus rien de commun avec le Mali ? En tout cas, le ministère en charge de la solidarité doit prendre à son tour ses responsabilités, lui qui est chargé de la gestion de l’action humanitaire.
Or, dans ce département, on semble ne pas comprendre que dans le contexte actuel (pénurie alimentaire, période de soudure, risque de famine, etc.), l’action humanitaire c’est avant tout l’aide d’urgence. Un haut cadre comme Luc Togo l’aurait déjà compris depuis très longtemps. Et tout autre que le président de la République et le Premier ministre auraient également compris depuis fort longtemps que le ministre Hamadoun Konaté est entouré de cadres avec lesquels la communication est loin d’être établie. Le ministre ne consulterait pas ses conseillers et ceux-ci non plus ne lui font pas de compte-rendu. Mais dans ce dossier, même si son proche entourage lui cacherait beaucoup de choses, Hamadoun Konaté peut difficilement ne pas être au courant de cette situation de blocage. Il y a près de deux mois, le ministre de la solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction du nord devait se rendre à Gao pour réceptionner la cargaison du vol inaugural.
L’humanitaire est urgence
L’unique avion en bon état qui appartient au Mali, à ce qu’on dit, étant toujours monopolisé par son beau-frère par alliance qui voyage beaucoup, le ministre avait dû se rabattre sur la Minusma. Il voulait effectuer ce déplacement au cours d’un week-end, passer la nuit à Gao afin de s’entretenir avec les populations sur les difficultés. Mais les officiels onusiens lui auraient notifié que les avions de la Minusma ne volent pas les dimanches. Il attend toujours que le dimanche passe.
De toutes les manières, il serait parti pour rien parce que les Algériens, à juste raison, ne prendront pas le risque d’envoyer au Mali des cargos sans être sûrs que l’équipage aura le carburant nécessaire pour le voyage retour. A moins qu’ils sentent chez le chef de l’Etat la volonté de vendre le litigieux avion pour acheter du kérosène, pour le plus grand bonheur de ses populations.
En attendant, ces interrogations : comment les Kidalois ont-ils pu organiser le ravitaillement de leur région en don algérien ? Le ministre y serait-il pour quelque chose ? On sait qu’il a travaillé pendant longtemps dans cette région pour le compte de Lux Dev (Agence luxembourgeoise de développement), peut-être a-t-il eu le temps de développer des réseaux avec l’aide de ses camarades du RPM, ces présumés terroristes élus députés dans la région de Kidal.
Cheick TANDINA