La paix définitive et irréversible aura-t-elle droit de cité un jour dans le Nord-Mali et plus particulièrement à Kidal, foyer incandescent des multiples rébellions ? En tout cas il y a quelques jours, trois militaires français de la force Barkhane y ont perdu la vie suite à l’explosion d’une mine. En ritournelles macabres, Kidal occupe encore les rampes de l’actualité malienne. Ce lundi 18 avril 2016, cette ville rebelle était particulièrement explosive, suite à des manifestations contre les forces françaises et onusiennes, avec saccage de l’aéroport.
Le regain de la violence sape régulièrement les fondements du fragile édifice que représente la paix dans la région de Kidal. Devant cette furia des manifestants dénonçant avec véhémence ce qu’ils appellent ‘’les tracasseries de la Minusma et des Français de Barkhane’’, les tirs de semonce n’ont nullement été entendus, et les gaz lacrymogènes ont été difficilement dissuasifs, puisque certains des protestataires ont même pu violer l’espace aéroportuaire et commettre des dégâts, en y incendiant notamment les installations de sécurité. La manifestation a vite dégénéré et basculé dans la violence entre les jeunes et les casques bleus. «Les manifestants se sont dirigés vers l’aéroport et ont commencé à secouer les fils barbelés qui entourent la piste, c’est alors que des agents de la Minusma ont fait des tirs de sommation», a expliqué un habitant de la ville qui a ajouté que les manifestants sont parvenus à accéder à la piste d’atterrissage et ont répondu par des jets de pierres aux tirs de sommation de la mission onusienne avant de saccager des installations, ce qui entrainera des tirs à balles réelles. Bilan provisoire de cette matinée houleuse: outre les dégâts matériels, deux morts et des blessés ont été enregistrés. Ces manifestations portent la signature de ‘’petits malins’’ aux intérêts inassouvis, à l’idéologie douteuse, au prosélytisme tenace et à l’arme vorace. Ils tiennent encore des ressorts essentiels au niveau des communautés. Ce n’est pas par hasard qu’ils ont poussé à la destruction des installations aéroportuaires qui permettent de ravitailler les populations de cet immense territoire désertique. C’est justement pour aggraver la précarité de l’ensemble et pousser encore plus fort à la révolte, à l’affrontement. Pour retomber dans cet éternel recommencement qui fait leurs affaires.
Cette nouvelle poussée de fièvre montre une fois de plus les limites de l’accord de paix signé en grande pompe en juin 2015 entre le gouvernement malien et les différents groupes armés. Car après une année, cet accord se résume à une compilation de vœux pieux malgré le timide redéploiement de l’administration et de l’armée dans cet incontrôlable septentrion. On en est toujours à une insupportable situation de ni guerre ni paix, ponctuée par des escarmouches et des attaques en tous genres.
La communauté internationale, malgré tous ses efforts, est loin d’avoir achevé le ‘’boulot’’. Ce qui s’est passé lundi est le signe avant-coureur de dangers encore plus grands, si l’on n’y prend garde. C’est la preuve par dix que les islamistes tiennent encore les secrets de la mécanique sociale de cette zone. Les sociologues et les politologues n’ont pas fini de comprendre les profondeurs des souhaits vrais ou manipulés des populations autochtones.
Au milieu de cet incroyable fatras, l’échafaudage de la paix aura bien de la peine à tenir debout. Mais qu’à cela ne tienne, car ce chantier des plus ambitieux, les ouvriers sont nombreux et déterminés à le mener à son terme.
Paul N’GUESSAN
Belle analyse!
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