Maliens refoulés de la Libye : Le pire de la route du désert

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Dur moment pour nos compatriotes rapatriés de la Libye quand bien même leur insertion socio-économique pose problème. Ils auront vécu le pire alors même que la traversée du désert continue pour eux. Retour sur un retour mouvementé.

La route du désert est peut-être le chemin le long pour les nombreux immigrés ouest-africains à la recherche d’un monde meilleur. Mais demander à un d’entre eux où est-ce qu’il a le plus souffert pendant ce long et périlleux périple, la réponse est nette : «J’ai rencontré le pire partout où je suis passé». Car, en dehors de la distance, la nourriture et l’eau étaient des denrées rares. Pour pas dire qu’elles n’existaient presque que pas. Rentrés au tout  début de la guerre en Libye, nombre de nos compatriotes n’ont eu la vie sauve que grâce à leurs propres efforts. Ils ont choisi de regagner le pays sans demander l’aide de personne. La voie la meilleure pour ce faire était la route du désert.

Lamissa Coulibaly fait partie du contingent de Maliens qui ont pris la mesure de situation en quittant la ville de Brega. Un retour semé d’embuches et d’obstacles car chaque escale ou transit avait ses réalités. Et même arrivé au pays, le calvaire de Lamissa était loin de finir. Arrivé avec d’autres compatriotes dans la ville de Gao, il était entre la vie et la mort. «Je suis revenu les mains vides, à bord d’une embarcation de fortune (un camion de fraudeurs). Nous nous sommes dispersés à quelques kilomètres de Gao. Il nous a fallu une journée de marche pour atteindre la ville. J’ai été amené au dispensaire du camp militaire car  j’avais la fièvre typhoïde », explique Lassana. 

Dans cette aventure périlleuse, il y a un ancien garde qui a abandonné l’uniforme contre un boulot en Libye. Arrivé en janvier dernier au plus fort du règne de Kadhafi, Moussa Sagaidou a pu être recruté comme agent de sécurité à l’usine de production de pétrole. Il commence à envoyer de l’argent au pays pour la construction de sa maison. Au gré de l’évolution de la situation autour du contrôle de la ville pétrolière de Brega, il a été pris à partie par les combattants et les autres populations de la localité. «Je n’oublierai jamais ce qui m’est arrivé ; la situation a dégénéré sans que je m’en rende compte. Pourtant j’avais de bonnes relations avec les populations. Subitement, on me traitait de tous les noms d’oiseaux ; on est arrivé à me qualifier de mercenaire. J’ai pu sortir de la ville grâce au soutien d’un de mes patrons qui a tout fait pour calmer les jeunes surexcités et décidés à me faire la peau», raconte Moussa. Et de souligner qu’il a passé plus de 10 jours avant d’arriver dans la ville de Gao. Là, il a été aidé par certains anciens camarades de l’armée. Et ce sont eux qui cotisé pour faciliter son retour au village. Retourné à la case-départ, Moussa n’a eu d’autre choix que de se consacrer à l’appel à la prière. Il est muezzin attitré en guise de consolation.

Si ces deux refoulés ont accepté de s’ouvrir à nous, nombreux sont nos compatriotes qui ont du mal à digérer leur situation. En raison de leur dénuement total, ils auront tout perdu : emploi, effets, argent, etc. Revenus au bercail, ils ne sentent toujours pas la solidarité nationale.  D’abord l’Etat a voulu faire mystère sur leur retour massif avant d’initier un programme de rapatriement. C’est ainsi que l’ambassade du Mali à Tripoli a été mise à contribution pour évaluer la situation. Une intervention que certains de nos compatriotes ont estimée lente et tardive. Et ce,  malgré les cris de cœur de nombreuses organisations de défense des immigrés et des droits de l’homme.

 

Il est par ailleurs difficile d’estimer le nombre mais les chiffres communiqués par la délégation générale des Maliens de l’extérieur sont effrayants. Ainsi par voie aérienne, ce sont 110 vols dont 58 charters et 52  vols ordinaires, qui ont transporté 11 608 personnes. Par voie terrestre, ils seraient environ 8545 personnes à avoir été rapatriés de la Libye, soit au total 20 153 Maliens. Reste maintenant que leur insertion dans la voie active n’est pas gagnée. L’Etat ne serait pas très enclin à ce propos, selon plusieurs sources approchées par nos soins.

Mahamane Cissé

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