Montrer que les djihadistes ne peuvent se réimplanter impunément au nord duMali : tel est la volonté affichée par l’armée française, qui a annoncé samedi 18 octobre, à l’issue d’une nuit d’opération à Kidal, avoir arrêté « le groupe de commanditaires » responsable de l’attaque contre le camp de la mission des Nations unies au Mali (la Minusma), onze jours plus tôt dans la ville touareg.
Dans la cité du nord Mali déchirée par les luttes entre groupes indépendantistes, djihadistes et criminels, l’attaque avait été vue comme un signe de la dégradation de la situation sécuritaire au Mali, moins de deux ans après le lancement de l’intervention militaire française. Elle avait eu lieu quatre jours après un autre attentat qui avait tué neuf soldats de la Minusma, nigériens cette fois, à Gao, plus au sud.
Le 7 octobre, six coups de mortier ont ainsi causé la mort d’un casque bleu sénégalais et en avait blessé deux autres. Les forces armées présentes à Kidal, onusiennes et françaises, avaient été accusées d’impuissance par la population.
ATTENTAT D’IN AMENAS
« Trois personnes ont été arrêtées dans la ville. Au cours de fouilles dans des maisons, un stock très important d’armement, et des munitions par milliers, jusque du calibre lourd, ont été découverts, ainsi que du matériel électronique et des composants », a indiqué au Monde le général Jean-Pierre Palasset, commandant de l’opération française « Barkhane » au Sahel, à N’Djamena auTchad. A la suite de « Serval » au Mali, « Barkhane » ambitionne depuis août de couvrir toute la région, de la Mauritanie au Tchad.
« Nous avons deux messages », a ajouté le général : « Barkhane continuera demener des actions coups de poing dans la bande sahélienne contre les groupes terroristes. Et elle sera active, après les pertes subies par la Minusma, pourrassurer cette force ». Il y a quelques jours, le président malien Ibrahim Boubakar Keïta avait réclamé le renfort d’une « force de réaction rapide ». Le général français n’a pas voulu préciser à quel groupe appartenaient les trois combattants arrêtés, qui « seront remis aux autorités maliennes ».
Jeudi, l’état-major à Paris a par ailleurs rendus publics des résultats d’une deses opérations menées ces derniers jours au nord Niger. Le 10 octobre, des éléments des forces spéciales françaises, appuyées par des moyens de renseignement américains, avaient frappé un convoi d’une demi-douzaine de pick-up chargés d’armes à la frontière du Niger.
Treize « terroristes » ont été tués, deux faits prisonniers, un se serait échappé. Des hommes liés selon certaines sources au groupe Al Mourabitoun de Moktar Belmoktar – le chef djihadiste responsable de l’attentat du site gazier d’In Amenas en Algérie. Une bombe tirée par les avions de chasse français basés à Niamey a stoppé le convoi, avant que les hélicoptères des commandos n’arrivent.
« Trois tonnes d’armement, des canons de 23 mm, plusieurs centaines de roquettes anti-char, des mitrailleuses », ont été détruits selon l’armée. Mais aussi, fait plus notable, un SA7, missile anti-aérien de courte portée. Selon nos informations, il s’agissait d’un système complet, et potentiellement opérationnel, au contraire des armes de ce type retrouvées jusqu’alors dans la région, issues des stocks libyen de Mouammar Kadhafi. « Des SA7 ont déjà été trouvés en février-mars 2013 au nord du Mali, mais ce n’est pas fréquent », indique le général Palasset.
« ÉLIMINATION DE TERRORISTES »
« Les groupes qui opèrent dans la région se réapprovisionnent, nous découvrons des armes que nous n’avions plus vues depuis la première phase de l’opération Serval au Mali début 2013 », commente un officier. Les émirs d’AQMI, d’Ansar e-dine, et d’al-Mourabitoun ne stationnent plus au Mali, mais circulent aux confins de l’Algérie, de la Libye et de la Tunisie. Leurs cadres proches ont été décimés. L’état-major de Barkhane basé à N’Djamena indique que l’armée française a arrêté et tué « plusieurs dizaines de terroristes » depuis le 1er août.
Mais beaucoup de responsables locaux, tel Abdelkrim le Touareg, toujours actif dans la zone, reviennent sur leurs terres entre Tessalit et le massif du Tighargar près de Kidal. Entre la mi-août et mi-septembre, une autre opération baptiséeLe Havre avait été organisée avec la Minusma dans une vallée de l’adrar, avec« élimination de terroristes » à la clé selon les officiers français de N’Djamena.
En plein débat sur les faiblesses de la stratégie occidentale contre l’Etat islamique en Irak et en Syrie, mais aussi en pleine incertitude sur la garantie de ses moyens d’actions, l’armée française doit faire preuve de résultats. Ses responsables savent que les forces engagées dans le Sahel ne pourront au mieux que contenir le problème terroriste. Elles disposent de 3000 hommes pour couvrir un territoire équivalant à celui de l’Europe, « de Gibraltar à Moscou », selon les mots du général Palasset.
Nathalie Guibert (N’Djamena (Tchad), envoyée spéciale)