Pour dĂ©loger les milices djihadistes qui asservissent le Nord-Mali, Bamako a demandĂ© l’aval des Nations unies pour le dĂ©ploiement d’une force africaine. Quelle est la faisabilitĂ© de cette intervention? Vincent Hugeux, spĂ©cialiste de l’Afrique Ă L’Express, a rĂ©pondu Ă vos questions.
RSN75: Pourquoi avoir tant tardĂ©? En quoi l’intervention en Lybie d’une coalition internationale Ă©tait elle plus lĂ©gitime qu’au Mali? Des intĂ©rĂŞts Ă©conomiques plus grands? Ne trouvez-vous pas que nous nous sommes trompĂ©s de combat?
L’essentiel du “retard Ă l’allumage” est imputable aux atermoiements des autoritĂ©s rĂ©putĂ©es lĂ©gales de Bamako. Ces dernières reflètent de profondes divisions au sein d’un exĂ©cutif qui repose sur un trĂ©pied bancal: le prĂ©sident intĂ©rimaire Dioncounda TraorĂ©, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra et le capitaine Amadou Sanogo, ex-chef de la junte, dont les deux prĂ©cĂ©dents redoutent les foucades et l’audience.
Ces palinodies ont diffĂ©rĂ© l’accord -Ă´ combien laborieux- entre Bamako et la Cedeao. Les divergences internes Ă cette instance rĂ©gionale, opposant les adeptes de l’issue nĂ©gociĂ©e aux partisans de la manière forte, ont Ă©galement pesĂ©. S’agissant de la question de la lĂ©gitimitĂ©, concept qui Ă la diffĂ©rence de celui de lĂ©galitĂ©, renvoie Ă des jugements subjectifs, elle me semble ici incontestable. Profitant du chaos et de l’anarchie consĂ©cutifs Ă un coup d’Etat militaire aventureux, une force d’essence totalitaire, animĂ©e pour l’essentiel par des meneurs Ă©trangers, impose sa loi par la terreur sur les deux-tiers du territoire d’un Etat souverain. En clair, je considère que ce combat-lĂ mĂ©rite d’ĂŞtre menĂ©, pour prĂ©venir l’enracinement d’un kyste terroriste au coeur de l’aire saharo-sahĂ©lienne, et par Ă©gard pour les citoyens maliens de Gao, Tombouctou ou Aguelhok, asservis par l’occupant.
Pontiac1: Je ne comprends pas que l’Onu traĂ®ne des pieds pour aider le peuple malien. Si cela se passe au Mali, ce sera pareil dans d’autres pays et lĂ il sera trop tard. Je pense qu’il faut les faire partir du Nord pour qu’ils retournent d’ou ils viennent.
Comme indiquĂ© ci-dessus, ce n’est pas l’Onu qui a montrĂ© la voie de l’inertie et de la lenteur. Elle n’a Ă©tĂ© saisie d’une demande officielle de la part de Bamako qu’Ă la fin du mois dernier, soit six bons mois après le putsch fatal au pouvoir d’ATT. En revanche, il est exact que toute procĂ©dure onusienne est une longue patience. D’autant que le Conseil de sĂ©curitĂ© exige Ă bon droit des prĂ©cisions sur le format, la composition ou les objectifs stratĂ©giques d’une opĂ©ration aux contours très flous. Il faudra a minima des semaines pour atteindre le stade du vote d’une rĂ©solution, puis des mois pour envisager le dĂ©ploiement effectif de la très virtuelle Mission de la Cedeao au Mali, ou Micema.
“Qu’ils retournent d’oĂą ils viennent”, Ă©crivez-vous. Soit. Mais si les cadres de la nĂ©buleuse djihadiste sont pour la plupart Ă©trangers -notamment algĂ©riens-, la troupe compte de très nombreux maliens, transfuges du MNLA ou jeunes dĂ©soeuvrĂ©s sĂ©duits par la puissance de feu et les moyens financiers d’Aqmi, d’Ansar Eddin et du Mujao.
BKR: Une intervention militaire pourra-t-elle régler ce problème? Si oui, pour combien de temps? Si non, pourquoi ne pas négocier?
Soyons clairs: Ă ce stade, rien ne garantit le succès de cette hypothĂ©tique intervention militaire. Et moins encore, pour peu qu’elle atteigne les objectifs qui lui sont assignĂ©s, la pĂ©rennitĂ© d’un Ă©ventuel “retour Ă la normale”. Car quelle que soit l’ampleur du soutien logistique fourni par les Occidentaux -France en tĂŞte-, les hommes de la Micema, peu Ă l’aise en terrain aride, devront traquer et dĂ©loger des combattants aguerris, familiers du dĂ©sert et de ses pièges. Le scĂ©nario de l’enlisement -ou de l’ensablement- n’a donc rien de fantaisiste.
Pourquoi ne pas nĂ©gocier? Parce qu’il n’y a plus rien Ă nĂ©gocier. Du moins avec le trio Aqmi-Mujao-Ansar Eddin, maĂ®tre des deux-tiers nord du Mali. Ses leaders ont clairement affichĂ© leur objectif: imposer une version rigoriste de la charia sur tout le territoire malien. Dès lors, on discute de quoi? De la taille des lanières du fouet et des mĂ©rites comparĂ©s de la hache et du sabre pour les amputations? Une nuance toutefois: divers analystes, sahĂ©liens comme europĂ©ens, misent Ă terme sur une fracture entre Ansar Eddin, dirigĂ© par un touareg malien “djihadisĂ©” et Aqmi. Une promesse ferme de large autonomie de l’Azawad pourrait, Ă les en croire, hâter un tel changement de cap, purement hypothĂ©tique Ă ce stade. Ajoutons pour conclure que d’innombrables tentatives de mĂ©diation ont Ă©tĂ© entreprises au long du semestre Ă©coulĂ©, sans jamais aboutir Ă quoi que ce soit.
Papa: La question qui me taraude l’esprit est de savoir si oui ou non, l’occupation du Nord- Mali par les terroristes est la consĂ©quence nĂ©faste de l’intervention des occidentaux en Lybie? L´Otan porte-t-elle une part de responsabilitĂ© des menaces qui plane sur la sous-rĂ©gion?
Question Ă©videmment lĂ©gitime et judicieuse. Le dĂ©litement de l’autoritĂ© d’ATT, le putsch du 22 mars, le rĂ©veil de l’irrĂ©dentisme touaregs et sa “confiscation” par ses faux amis salafistes obĂ©issent Ă des causes intrinsèques. D’autant que l’Ă©difice dĂ©mocratique malien, bâti sur du sable, n’a jamais su ni vraiment voulu traiter de manière fĂ©conde les rancoeurs “nordistes”. Pour autant, il est clair que l’effondrement du système Kadhafi, prĂ©cipitĂ© par l’intervention de l’Otan, a amplifiĂ© et accĂ©lĂ©rĂ© ce naufrage. Ne serait-ce qu’en ouvrant Ă tous les vents l’impressionnant arsenal du Guide dĂ©boussolĂ© et en condamnant au chĂ´mage les supplĂ©tifs Ă©trangers de la LĂ©gion islamique de la Jamahiriya. De mĂŞme, j’ai la conviction que cet effet collatĂ©ral, pourtant prĂ©visible, a Ă©tĂ© amplement sous-estimĂ©e. Notamment parce que, sourd aux mises en garde de hauts-gradĂ©s, Nicolas Sarkozy tenait Ă tout prix Ă un succès Ă l’apogĂ©e d’un “printemps arabe” bien mal engagĂ© vu de Paris.
Malo: Est-ce qu’on risque un enlisement Ă la somalienne?
Ce scĂ©nario, Ă©voquĂ© dans une rĂ©ponse prĂ©cĂ©dente, ne saurait ĂŞtre Ă©cartĂ©. J’en vois un autre, celui d’un succès aussi apparent qu’Ă©phĂ©mère. Etant entendu que la reconstruction d’une armĂ©e nationale malienne digne de ce nom prendra des annĂ©es, et que la Micema ne pourra s’Ă©terniser -option intenable pour des raisons politiques comme budgĂ©taires-, la galaxie djihadiste pourrait très bien disparaĂ®tre des Ă©crans radars, se dissoudre dans les sables, pour revenir en force au moment opportun. Et procĂ©der dans l’intervalle par attentats terroristes plus ou moins ciblĂ©s, au Mali et dans les pays voisins. En ce sens, l’hypothèse d’une “somalisation” du Nord-mali n’a rien d’absurde.
SĂ©cotine: Si c’est pour la voir ensuite accusĂ©e de gĂ©nocide comme pour le Rwanda, de l’arrestation de Gbagbo en Cote d’Ivoire ou de l’assassinat de Kadhafi en Lybie, la France ferait mieux de ne pas intervenir du tout. Par ailleurs, vu les coupes claires de son budget, l’armĂ©e a-t-elle encore la capacitĂ© d’intervenir quelque part ?
Commençons par la fin. En 30 ans de carrière, je n’ai jamais croisĂ© un militaire qui ne se plaint pas de la rĂ©traction des budgets ou d’une pĂ©nurie de moyens. Pour autant, et au regard de la rigueur budgĂ©taire promise, une telle complainte recueille aujourd’hui un rĂ©el Ă©cho au sein de l’armĂ©e française, et ce Ă tous les Ă©chelons hiĂ©rarchiques.
Cela posĂ©, la nature du soutien logistique envisagĂ© par la France -transport, couverture aĂ©rienne, renseignement, formation- paraĂ®t compatible avec les impĂ©ratifs d’Ă©conomie du moment. D’autant que Paris peut adosser son concours au dispositif en vigueur en Afrique (Tchad, Libreville, Djibouti). Pour le reste, le risque du procès en nĂ©ocolonialisme -qui sera instruit quoi qu’il arrive- ne suffit pas Ă dispenser la France d’assumer son ambition, ses devoirs et la dĂ©fense de ses intĂ©rĂŞts. En la matière, la passivitĂ© et le dogme du fait accompli dessineraient le chemin le plus court vert l’apparition d’un foyer terroriste prĂ©judiciable d’abord Ă l’Afrique et aux Africains, ensuite Ă l’Europe.
Flo: PlutĂ´t que de faire intervenir finalement des forces “europĂ©ennes”, pourquoi les occidentaux ne rĂ©ussissent pas Ă dĂ©cider la Mauritanie Ă participer Ă la probable intervention militaire? Au passage, ce qui ne paraĂ®trait pas illogique…
Il n’a jamais Ă©tĂ© question de lancer sur l’Ă©chiquier des forces europĂ©ennes. Mais d’Ă©pauler un contingent panafricain formĂ© sous l’Ă©tendard de la Cedeao. Pour autant, votre rĂ©fĂ©rence Ă la Mauritanie me semble tout Ă fait pertinente. D’autant que Nouakchott, qui redoute une contagion djihadiste sur son territoire et a dĂ©jouĂ©, avec l’aide de Paris, plusieurs attentats suicides, est apparue d’emblĂ©e comme le “bon Ă©lève” de la coopĂ©ration antiterroriste. Mais voilĂ : cet acteur rĂ©gional majeur veut traiter ce pĂ©ril Ă sa façon et Ă son Ă©chelle. Et n’a aucune envie de fondre ses forces au sein d’un dispositif multinational Ă la chaĂ®ne de commandement alĂ©atoire. Le prĂ©sident Mohamed Ould Abdelaziz peut toujours invoquer le fait que son pays n’appartient pas Ă la Cedeao. Vrai, mais spĂ©cieux: le Tchad n’en est pas davantage membre, et s’apprĂŞte Ă s’engager au cĂ´tĂ© de la Micema. Si Micema il y a…
BEUGSI: Donner un coup de pied dans la fourmilière ne risque-t-il pas de voir ces groupes se retrouver dans des pays limitrophes? Je pense Ă l’AlgĂ©rie en particulier. Les AmĂ©ricains sont en contact Ă©troit avec Alger mais que fait Paris Ă ce sujet ?
Si l’on se borne Ă “shooter dans la fourmilière”, il ne s’agira pas lĂ d’un risque, mais d’une quasi-certitude. Toute reconquĂŞte territoriale qui ne s’accompagnerait pas d’une restauration -voire d’une instauration- de l’autoritĂ© de l’Etat sur tout le territoire, d’une reconstruction de l’armĂ©e nationale et d’un traitement inventif et rĂ©solu des revendications sociales et identitaires des Touaregs, s’apparenterait Ă une victoire illusoire et sans lendemain. Pyrrhus n’est pas mort. DotĂ©e d’une puissance de feu et d’un appareil sĂ©curitaire sans rivaux dans la rĂ©gion, l’AlgĂ©rie n’est pas le pays le plus exposĂ© au danger de contagion que vous Ă©voquez. D’autant qu’elle sait aussi jouer, dans la coulisse, des liens maintenus par ses services avec quelques figures de proue de l’islamisme armĂ©. Le Niger et le Burkina Faso -pour ne citer que ces deux pays- me paraissent infiniment plus vulnĂ©rables.
Par LEXPRESS.fr, publié le 05/10/2012 à  10:28
Je me dis que le pays est en guerre ces choses peuvent et doivent attendre,il nous faut finir les deux missions du gouvernement: libérer le Nord du pays et faire des élections limpides,le reste en cette période va nous diviser.C’est au pouvoir qui va être légitime de nous régler ce problème.Le ministre actuel doit seulement garder le ministère faire éventuellement des recommandations au ministre qui sera là quand le gouvernement légitime sera en place.Pour le moment je pense que l’assemblée nationale doit déclarer après être consulter l’état d’urgence,pour que le Mali puisse entré en guerre,sinon la vie normale que le pays cherche à vivre nous maintient dans une situation de ni guerre ni paix.Voilà ce que je crois.beffodougou@gmail.com
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