Mali : Recrudescence des abus commis par les groupes islamistes et du banditisme

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Les meurtres, la répression et l’insécurité mettent en danger les civils du nord et du centre du pays

(Nairobi, le 18 janvier 2017) – Les groupes islamistes armés dans le nord et le centre du Mali ont exécuté de nombreuses personnes et imposent de plus en plus de restrictions à la vie dans les villages, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement malien a été généralement incapable de protéger les civils vulnérables du nord et du centre du pays. De leur côté, les forces de sécurité ont exécuté sommairement au moins 10 islamistes présumés et en ont torturé beaucoup d’autres lors d’opérations antiterroristes en 2016.

Outre les abus commis par les groupes islamistes armés, les populations civiles ont souffert d’affrontements intercommunautaires sanglants et de l’augmentation des actes de banditisme. Malgré l’accord de paix signé en 2015 qui a mis fin au conflit armé de 2012-2013 au Mali, les signataires n’ont pas réussi à appliquer plusieurs de ses dispositions essentielles, en particulier celles qui concernent le désarmement de milliers de combattants. En 2016, le nombre de morts au sein des forces de maintien de la paix des Nations Unies a doublé par rapport à l’année 2015, pour atteindre 29.

« Le climat relatif aux droits humains est devenu de plus en plus précaire en 2016 en raison des exécutions et intimidations des groupes islamistes armés, d’affrontements intercommunautaires sanglants et d’une flambée des crimes violents », a déclaré Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « L’incapacité du gouvernement à reprendre le contrôle de la situation et à limiter les abus des forces de sécurité n’a fait que détériorer encore un peu plus la situation. »

En 2013, une intervention militaire sous commandement français a permis de repousser les groupes armés qui occupaient le nord du Mali, mais l’anarchie et les abus, notamment de la part de groupes liés à Al-Qaïda, n’ont fait qu’augmenter depuis la deuxième moitié de l’année 2014. En 2015 et 2016, les exactions se sont aggravées et se sont propagées aux régions centrales du Mali.

En avril et en août 2016, Human Rights Watch a enquêté sur place à Bamako, Sévaré et Mopti, et par téléphone tout au long de l’année, et recueilli les témoignages de plus de 70 victimes et témoins de ces abus dans le centre et le nord du Mali. Parmi les personnes interrogées figurent des membres des communautés ethniques Peul, Bambara, Dogon et Touareg ; des personnes détenues par le gouvernement ; des responsables des gouvernements locaux, de la sécurité et du ministère de la Justice ; et des diplomates et responsables de l’ONU. Les conclusions s’appuient aussi sur les recherches effectuées par Human Rights Watch au Mali depuis 2012.

En 2016, des groupes islamistes armés ont exécuté au moins 27 hommes, parmi lesquels des chefs de village et des représentants locaux du gouvernement, des membres des forces de sécurité maliennes et des combattants signataires de l’accord de paix. La plupart d’entre eux étaient accusés d’avoir fourni des informations au gouvernement ou aux forces françaises engagées dans des opérations antiterroristes.

Beaucoup d’exécutions se sont déroulées dans le centre du Mali, où la présence de groupes islamistes armés et l’intimidation des populations n’ont cessé d’augmenter en cours d’année. Les villageois ont décrit comment des groupes islamistes constitués d’une cinquantaine de combattants armés, parmi lesquels se trouvaient des adolescents, ont occupé des villages des heures durant et menacé de mort quiconque collaborerait avec les forces françaises, le gouvernement ou les casques bleus de l’ONU.

Dans plusieurs villages, les groupes ont imposé leur version de la charia (loi islamique), menaçant les villageois pour qu’ils ne célèbrent pas les mariages et les baptêmes. Un villageois a dit avoir assisté à un mariage en décembre dans la région de Ségou : « Nous ne sommes plus autorisés à pratiquer nos coutumes en raison de la présence de combattants djihadistes originaires de nos propres villages. Nos façons de faire sont maintenant haram [interdites]. » Un autre habitant du village a expliqué que les familles étaient « soumises à des pressions pour confier leurs enfants » aux groupes islamistes armés du centre du Mali.

Des groupes armés ont mené au moins 75 attaques contre les forces des Nations Unies en 2016, causant la mort de 29 casques bleus de la Mission multidimensionnelle de stabilisation intégrée au Mali (MINUSMA) et blessant quelques 90 autres de ces soldats. Les groupes liés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ont revendiqué plusieurs de ces attaques, qui visaient en grande partie les convois logistiques et les bases des Nations Unies. Les attaques les plus meurtrières ont eu lieu au mois de février, quand sept casques bleus guinéens ont été tués, et au mois de mai, quand cinq casques bleus du Togo et cinq du Tchad ont été tués.

 

Les habitants et les responsables communautaires ont aussi décrit une recrudescence du banditisme et de la criminalité violente. Human Rights Watch estime à plusieurs milliers le nombre de civils qui ont souffert de quelques 400 actes de banditisme dans le nord et le centre du Mali en 2016. Ces chiffres s’appuient sur des entretiens avec les victimes, des témoins, des sources au sein des services de sécurité, et sur les informations des médias ou des rapports sur la sécurité. Des bandits armés ont tué au moins huit personnes et en ont blessé plus de trente autres, en ciblant de manière systématique les véhicules publics et les autobus, les gardiens de troupeaux et les commerçants. Les victimes affirment que les forces de sécurité gouvernementales ne pouvaient ou ne voulaient pas les protéger, et qu’elles enquêtaient rarement sur les crimes commis.

Un certain nombre de personnes ont affirmé qu’elles avaient été volées à plusieurs reprises. Un commerçant a ainsi été volé quatre fois en quatre mois. « Cela peut difficilement être pire », a raconté un autre commerçant. « Nous ne pouvons pas sortir de Gao sans tomber sur des bandits en embuscade », a expliqué un troisième. Les commerçants ont estimé que la lenteur avec laquelle l’accord de paix était mis en œuvre – notamment les volets concernant le désarmement, le cantonnement des groupes armés et les patrouilles conjointes composées de soldats maliens, miliciens pro-gouvernementaux et anciens rebelles – avait largement contribué à l’augmentation de la criminalité.

L’insécurité a aussi considérablement affecté les soins de santé de base, l’éducation et l’aide humanitaire. En 2016, les agences d’aide ont été la cible d’au moins 35 attaques, essentiellement menées par des bandits dans le nord du pays. Au moins six véhicules transportant des travailleurs de santé et des malades ont été volés. Dans plusieurs cas, les patients ont été expulsés des véhicules attaqués. Plusieurs civils ont été tués par des mines et engins explosifs improvisés placés sur les principales routes d’accès par des membres des groupes armés.

L’armée malienne et les autres forces de sécurité gouvernementales ont mené des opérations antiterroristes qui ont plusieurs fois conduit à des arrestations arbitraires, des exécutions, des actes de tortures et d’autres mauvais traitements. En 2016, Human Rights Watch a enquêté sur le meurtre de dix détenus dans le centre du Mali, et sur des actes de torture ou des mauvais traitements infligés à vingt autres détenus. Les autorités maliennes ont fait peu d’efforts pour enquêter sur ces violations et demander des comptes aux responsables de tels actes.

Le droit international humanitaire, ou le droit de la guerre, s’applique à toutes les parties au conflit armé au Mali. Le droit applicable comprend l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, le Protocole II aux Conventions de Genève et le droit coutumier de la guerre. L’article 3 commun et le Protocole II interdisent expressément l’exécution de combattants capturés ou de civils en détention.

Les individus qui commettent délibérément des violations graves du droit de la guerre peuvent être poursuivis pour crimes de guerre. Le Mali est partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

« Les autorités doivent faire beaucoup plus pour s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection des civils dans le nord et le centre du Mali », a déclaré Corinne Dufka. « Après tant d’années d’insécurité, les civils devraient pouvoir profiter davantage du processus de paix. »


Pour plus d’information, veuillez voir ci-dessous.

Pour consulter d’autres communiqués de Human Rights Watch sur le Mali, veuillez suivre le lien :
https://www.hrw.org/fr/africa/mali

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