Mali: Philippe Verdon, un otage à deux visages

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ENLEVEMENT – Le passé de Philippe Verdon, kidnappé au Mali le 24 novembre, soulève des questions…

La scène ne ferait pas désordre dans un film de guerre. En pleine nuit, le 24 novembre, des hommes enturbannés et armés de kalachnikov investissent en silence un hôtel de la petite localité de Hombori, dans la partie orientale du Mali. Arrivé à bord de puissants 4×4, le commando est venu dans un but précis: capturer les deux seuls clients européens de l’établissement. L’un d’eux est sorti de son lit à coups de crosse. Ces deux citoyens français sont emmenés vers une destination inconnue. On retrouvera l’une des voitures des ravisseurs quelques jours plus tard, abandonnée à proximité de la frontière algérienne. Depuis, aucune nouvelle.

Action d’Al-Qaida pour le maghreb islamique (Aqmi)? Œuvre d’une des nombreuses bandes armées sévissant dans la région? En l’absence de revendication, ce double enlèvement reste à ce jour un mystère. Mais il porte à six le nombre de Français kidnappés dans la zone Sahara, en plus des quatre salariés du groupe Areva disparus au Niger en septembre 2010.

Seulement voilà. A Paris comme en Afrique, le profil de ces deux otages suscite bon nombre d’interrogations. Officiellement sur place en tant que «géologue» et «ingénieur», dans le cadre d’un projet d’implantation d’une cimenterie, Serge Lazarevic et Philippe Verdon ressemblent davantage à des aventuriers tout terrain qu’à d’inoffensifs membres de la communauté scientifique. Le premier, soldat perdu des guerres balkaniques, un temps engagé aux côtés de forces serbes avant d’exporter ses talents en Afrique, n’aurait été que le gros bras de l’histoire. Celui qui servait de garde du corps au second…

Un arnaqueur?

Curieux personnage que Philippe Verdon. Pas vraiment barbouze, quoique conseiller officieux d’influents personnages du continent noir, du Sahel à l’océan Indien, baratineur hors pair, baroudeur des affaires, intermédiaire financier de haut niveau: on le décrit comme tout cela à la fois, et bien plus encore. Un temps proche du défunt mercenaire Bob Denard, ce natif de Bordeaux, passionné de voile et d’aviation, propriétaire d’un immense appartement dans le 16e arrondissement de Paris, avait déjà été pris en otage au Soudan en 1991, après que son avion privé eut essuyé des tirs d’une faction rebelle. Libéré après une opération de la DGSE, il devait refaire parler de lui en 2003 dans une sombre histoire de coup d’Etat avorté aux Comores, épisode qui lui vaudra un séjour en prison sur l’archipel.

Mais c’est à Madagascar, non loin de là, que Philippe Verdon semblait surtout développer ses activités ces dernières années. D’après nos informations, il aurait soutiré et tenté de soutirer à divers investisseurs des sommes colossales sur un projet de développement d’une mine d’émeraude à Ianaperna, dans le sud de l’île. Des opérations douteuses qui lui ont valu d’être expulsé sans ménagement vers la France par le gouvernement malgache en septembre 2010.

Plusieurs Français fortunés, dont un magnat de l’immobilier, se seraient quand même laissé convaincre par les arguments de Philippe Verdon, perdant au passage plusieurs centaines de milliers d’euros dans cette aventure. Jusqu’au jour où une société d’investissement parisienne, sollicitée par Verdon pour racheter «ses» parts dans cette mine d’émeraude, contre environ six millions d’euros, a flairé l’arnaque et découvert qu’il n’était pas actionnaire de la société exploitante. Une escroquerie à grande échelle puisque d’autres investisseurs auraient été approchés par l’homme d’affaires, au Moyen-Orient et en Colombie notamment. Preuve que les hommes armés du Sahara n’étaient peut-être pas les seuls à en vouloir à ce globe-trotter bien de chez nous.

Par Stéphane Bouchet / Alert Press – 06/12/2011 à 07h31
Source: 20minutes.fr

 

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