MALI-NIGER : L’impossible équation touarègue

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Doit-on ressusciter le mathématicien Pythagore pour venir en aide aux autorités maliennes et nigériennes, qui ont du mal à résoudre l’équation touarègue ? La question mérite d’être posée en raison de la grande instabilité qui règne dans cette vaste région qui borde le Sahara et dont les nomades s’accommodent mal des exigences de l’Etat moderne.

En quelques mois, ces deux voisins du Burkina Faso ont dû faire face aux attaques coordonnées de groupes armés, en général attribuées à la communauté touarègue. Même si, le plus souvent, des membres dirigeants de ce groupe ethnique ne tardent pas à se désolidariser de telles actions. Elles sont alors considérées comme des actes isolés, provenant de groupuscules non représentatifs. Bien vite assimilées au terrorisme, elles sont condamnées car susceptibles de desservir la cause. D’autant qu’elles entraînent toujours des morts, de nombreux blessés, le pillage systématique de biens et de caravanes de réfugiés.

Les sites web des organisations protouarègues sont assez éloquents à ce sujet. En plus d’une chronologie des événements sur la rébellion, au Mali comme au Niger, ils renseignent sur la culture, sur le repli identitaire, mais aussi sur les massacres d’innocents et le rapatriement des réfugiés touaregs maliens et nigériens à partir de l’Algérie et de la Libye.

On y apprend qu’à plusieurs reprises les parties en conflit se sont retrouvées pour discuter de paix. Lors de rencontres en Libye et en Algérie, nombre de résolutions en apparence fermes ont été prises. Les unes visent à la cessation des hostilités, les autres à la réalisation de projets de développement destinés à atténuer les souffrances des populations.

Ces conflits fratricides trouvent parfois leurs sources dans la nuit des temps, avec les incursions de trafiquants d’esclaves et de contrebandiers sans foi ni loi qui se sont succédé tout au long de l’Histoire, dans l’ignorance des limites territoriales.

En dépit de la colonisation, puis de l’avènement de l’Etat jacobin, certains esprits restent encore rivés sur ce passé. Se caractérisant par une grande mobilité, ces derniers cherchent peut-être à se frayer un chemin en dehors de toute légitimité. Sans doute par nostalgie des grandes périodes de liberté à travers les vastes étendues de l’environnement sahélo-saharien.

On déplore toujours l’empressement de certaines autorités administratives, politiques et militaires à qualifier ces opposants de bandits armés et de délinquants. Il est vrai qu’il n’est pas aisé de diriger plusieurs communautés et de faire preuve d’ouverture d’esprit, sans être accusé de laxisme par l’une ou l’autre d’entre elles.

Certes, des insuffisances persistent çà et là, mais on peut difficilement reprocher aux gouvernements malien et nigérien de n’avoir fait aucun effort pour juguler ces sempiternelles crises, qui se sont exacerbées au lendemain des indépendances. La période coloniale n’ayant pu répondre aux aspirations des communautés touarègues, il revient aux Etats de régler ces problèmes en suspens.

Cela passe d’abord par la restauration d’un véritable climat de confiance. A l’égard des rebelles, on peut rétorquer que d’autres communautés moins visibles souffrent également d’exclusion. Il importe dès lors de cesser de recourir systématiquement aux armes pour se faire entendre.

Les braquages, les prises d’otages et toutes autres formes de violence sont à proscrire, sous peine de perdre toute crédibilité, surtout au lendemain de la signature d’un accord de paix [accord d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal (Mali) signé le 4 juillet 2006].

Au-delà du problème touareg, les pays concernés, en particulier ceux de la bande sahélienne, devraient également se retrouver pour discuter plus sérieusement de l’implication des peuples nomades dans le processus de démocratisation en cours et, plus largement, dans celui du développement. Les résurgences de la question touarègue montrent que des fossés séparent encore les différentes communautés.

Il est urgent de faire tomber ces murs d’incompréhension, car la bonne gouvernance ne doit pas se limiter à la lutte contre la corruption, la mauvaise gestion et toutes formes d’impunité. Elle signifie également que les Africains doivent fournir plus d’efforts pour se parler franchement et s’accepter dans la différence. A défaut de pouvoir nous entendre et d’établir un dialogue, nous périrons dans l’indifférence.

Par Courrier International-n°864-24-05-07

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