Après la publication du 5ème numéro du sondage Mali-Mètre, la Fondation Friedrich Ebert (FES) a entrepris un Mali-Mètre spécial intitulé « Que pensent les maliens à Gao, Ménaka et Kidal. Pour une large diffusion de cette édition spéciale, Jan Fahlbusch, représentant résident de la FES et Abdourhamane Dicko, chargé de programme à la même fondation étaient face à la presse. C’était le jeudi dernier, à la Maison de la Presse.
Ce sondage spécial, faut-il le rappeler, est une simple cartographie du moment et remonte à l’ancienne équipe gouvernementale. Pour Jan Fahlbusch, sa crédibilité se base sur une très grande transparence des méthodes de sondage ainsi que d’obtentions de résultats. En plus, il demeure une référence, dans un pays, où il existe très peu de sondages d’opinion. Auparavant, le représentant résident avait rappelé que l’idée de compléter le 5ème numéro par un spécial est dû au fait qu’il avait été impossible pour les enquêteurs de se rendre dans les trois localités citées à cause de l’insécurité qui y régnait.
« Au regard des évènements et du contexte changeant, il fallait ajuster et revoir l’idée que se font les Maliens de leur pays et de sa gouvernance », a dit en substance, Abdourhamane Dicko, chargé de programme à la FES. Ensuite, il a fait une brève présentation du contexte, des objectifs et de la méthodologie utilisée pour ce sondage avant de se prêter aux questions des journalistes.
Que pensent les maliens à Gao, Ménaka et Kidal sur la situation sociopolitique, les négociations d’Alger, les capacités opérationnelles des Forces Armées Maliennes (FAMa), les défis majeurs, les mouvements armés, les forces militaires internationales (entre autres de la MINUSMA, de l’EUTM et de BARKHANE), le Président de la République, le Premier ministre, l ́Assemblée nationale, l’état de santé de l’économie, l’opportunité d’organiser les élections locales et régionales ont été les sujets abordés au cours de l’enquête.
Pour ce spécial Mali Mètre, des nouvelles données existent. A Gao, la plus grande ville du nord, 380 personnes ont été interrogées. A Kidal, près de 200 citoyens ont été sondés contre environ 180 personnes à Ménaka. Dans l’ensemble, un constat se dégage, les populations interrogées ne sont pas favorables à l’intégration de tous les combattants rebelles dans l’armée et au sein de l’administration.
La Fondation Friedricht Ebert met un accent particulier sur transparence ce sondage. Le diagnostic est sans complaisance. Notre pays va mal. Il est très malade. Cette situation est en relation avec les grands défis du moment : corruption grandissante, insécurité dans les principales villes du pays et surtout les villes des régions nord, le chômage des jeunes, l’école, la santé. A Kidal 62% des citoyens sondés estiment que le tableau est noir. Ils ne sont pas tout satisfaisants de l’état maladif du pays, contre 49% à Gao. L’impact de la crise sur la cohabitation des populations est jugé défavorable par les citoyens sondés. Environ 42% des sondés estiment que la crise a eu un impact sérieux sur la cohabitation. Elle a brisé le tissu social il va falloir recoudre non sans difficultés.
Appréciation du président de la République, du PM et les défis du moment
Ce Mali Mètre Spécial a été réalisé bien avant les derniers troubles à Gao et bien avant même le changement de gouvernement. A l’époque, Moussa Mara était encore Premier ministre. A Ménaka plus de 90% des intentions étaient favorables à l’ancien Premier ministre, Moussa Mara contre 75,8% à dans la Cité des Askia.
L’appréciation du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta varie d’une localité à une autre. IBK cristallise 62% de satisfaction à Gao, 69% à Ménaka. Mais à Kidal, son côté chute de plus en plus. Il n’enregistre que 41, 2,% d’appréciations favorables. En ce qui concerne la gouvernance et les défis du gouvernement actuel, plus de 80% des enquêtés évoquent la lutte contre la corruption et les injustices. La lutte contre l’insécurité pour environ 76% à Kidal. Pendant qu’à Gao et Ménaka, la réconciliation nationale et la lutte contre le chômage demeurent les défis du moment.
De la sécurisation des régions nord par les FAMa
Seulement 36% des personnes sondées dans les trois localités estiment que les Forces Armées Maliennes (FAMa) ont la capacité d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. C’est à Kidal, où la tension est vive depuis des années et qui semble être l’épicentre de l’insécurité au nord du Mali, que le pourcentage est le plus faible. Seulement 3% des citoyens interrogés font confiance en la capacité des militaires maliens d’assurer leur sécurité. Près de 80% des personnes interrogées font confiance aux groupes armés et milices locales pour les sécuriser. A Gao, selon le sondage, on compte beaucoup plus sur les forces étrangères comme Barkhane ou les forces d’intervention tchadienne au Mali. Plus précisément à Ménaka, un autre bastion de la rébellion, les choses évoluent autrement. 40,33% des populations soumises aux questions des enquêteurs font confiance aux FAMa contre 40% à Gao.
De l’intégrité du territoire national
Sur l’intégrité du territoire national, la majorité des sondés estiment qu’il faut la préserver. Une chose indispensable à l’unité du pays.
De l’organisation des élections locales et régionales
La question de l’opportunité d’organiser les élections locales et régionales soulève beaucoup d’encre et de salive. Les avis sont partagés même au sein de la classe politique. Les autorités et les principaux partis politiques ne sont pas parvenus à accorder les violons. Dans les trois localités concernées par l’enquête, 52% des citoyens interrogés estiment qu’il faut organiser les élections après la signature de paix à l’issue des négociations d’Alger. A Kidal précisément, 37% des populations sondées ont exprimé ce souhait. Alors que 26% autres ne se sentent même pas concernés par la tenue ou non des élections locales et régionales.
De la négociation avec les groupes armés et des négociations d’Alger
79,87% des populations interrogées souhaitent des négociations avec les différents protagonistes pour arriver à une paix durable. A Ménaka, 79,74% des enquêtés veulent la négociation. Plus de 90% à Gao contre 63,54% à Kidal. Selon les données du sondage, on dénote une volonté réelle des populations des trois localités d’aller à une paix durable à travers la négociation. Les populations veulent finir une bonne fois aves les rébellions récurrentes au Nord. Sur la tenue des négociations d’Alger à Kidal, il y a près de 94% des personnes en faveur de la tenue des pourparlers, contre 79% à Gao et 63,5% à Ménaka. On remarque aussi que la grande majorité estime que ce sont les groupes armés qui ont signé les Accords de Ouagadougou qui doivent participer aux négociations. A Ménaka, les personnes interrogées estiment que l’ensemble des groupes doivent s’asseoir sur la table de négociation dans la capitale algérienne.
Moussa Mamadou Bagayoko