MALI. “L’insécurité à Kidal est un problème politique”

12

kidalLe double assassinat des deux journalistes va-t-il avoir une influence sur la fusion des groupes armés autonomistes annoncée lundi ? Interview du spécialiste Pierre Boilley.

Trois mouvements rebelles touareg et arabe du nord du Mali, le MNLA, le HCUA et le MAA ont annoncé lundi 4 novembre leur fusion, afin de présenter un front uni dans les discussions de paix à venir avec les autorités de Bamako. Cette annonce, intervient quelques jours après la mort de deux journalistes français à Kidal. L’occasion de revenir sur les conséquences que pourraient avoir cet événement sur les groupes armés autonomistes touaregs qui doivent selon les accords de Ouagadougou du 18 juin, s’installer à la table des négociations avec Bamako, pour discuter du problème touareg. Des pourparlers reportés aux calendes grecques pour le moment. Interview de Pierre Boilley, directeur du CEMAF (Centre d’études des mondes africains).

 

 

Le double assassinat des deux journalistes va-t-il avoir une influence sur la fusion des groupes armés autonomistes, touaregs et arabes ?

– Les influences potentielles de cet événement sur les groupes touaregs eux-mêmes ne me paraissent pas très importantes. Dans une déclaration commune, l’ensemble des mouvements a condamné ces assassinats. Ce n’est ni le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), ni le HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad), ni le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) qui ont commis l’affaire. Ce sont bien, d’après mes informations, des salafistes d’Aqmi issus de la katiba al-Ansar, en forte proportion touarègue mais totalement Aqmi.

 

 

Mais cela peut avoir des influences sur l’action du gouvernement. L’opinion publique malienne, globalement, refuse assez violemment qu’on puisse négocier avec les mouvements armés. Il y a des expressions dans la presse malienne qui demandent à ce que des renforts de l’armée malienne soient envoyés à Kidal pour assurer la sécurité et à ce que le MNLA soit désarmé. Mais le renforcement de l’armée à Kidal ne va pas résoudre les problèmes. D’abord parce que des dérapages subsistent. Il y a quelques jours, trois vieux chefs de fraction ont été tabassés par l’armée malienne. Renforcer les contingents maliens ne fera qu’accroître la tension. Les 200 soldats maliens déjà présents n’ont pas été capables d’assurer la sécurité de ces journalistes, pourquoi en faire monter plus ?

 

 

Je rappelle une chose importante : les deux journalistes étaient sous la protection de la Minusma et de l’armée malienne… On ne le dit pas assez. Kidal est censée être sécurisée par la Minusma et les FAMA, pas par Serval ou le MNLA, dont les combattants sont cantonnés. Ce ne sont donc ni les Français qui ont négligé leurs compatriotes, ni le MNLA qui les aurait mal protégés. Si ce mouvement avait pris en charge la protection des journalistes, les choses auraient certainement tourné différemment, parce que ce dernier n’a qu’une crainte, c’est justement que ce genre de problème arrive et qu’on lui impute. Tous les journalistes et tous les documentaristes qui sont montés à Kidal sous protection du MNLA sont tous revenus sans aucun dommage. Il y a donc bien là une responsabilité qu’on peut pointer du doigt.

 

 

Enfin, cette histoire joue forcément sur la propagande anti-MNLA. Une propagande qui a des effets sur les expressions publiques jusqu’en France où un certain nombre de personnes assure qu’il faut régler cette insécurité… L’insécurité, qui existe bel et bien à Kidal, est avant tout le fruit d’un problème politique encore non réglé. On se retrouve avec 4 forces différentes, le MNLA et “Serval” qui ne sont pas chargés de la sécurité de Kidal, la Minusma et l’armée malienne, qui ne facilitent pas la situation. Tout ce monde restera en place jusqu’à ce que commencent les négociations prévues par l’accord préliminaire de Ouagadougou, qui tardent à venir.

 

 

La fusion annoncée entre les trois groupes touaregs et arabes est-elle une bonne chose pour les négociations futures, si elles ont lieu ?

– C’est quelque chose d’important. Jusqu’à présent, il y avait des tensions, notamment entre le MNLA et le MAA. On a vu en 1990 que les mouvements qui étaient très éclatés et qui avaient réussi à se réunir sous l’étiquette des MFUA (Mouvements et Fronts unifiés de l’Azawad), avaient pu être des interlocuteurs crédibles pour de vraies négociations qui avaient abouti au Pacte national. On peut donc espérer que cela clarifie et simplifie les choses, si les négociations se tiennent.

 

 

En revanche, la fusion n’est pas une chose simple. Les discussions ont beaucoup porté sur le nom et sur le fait de savoir si les différents mouvements abandonnaient leur identité propre. Il y a eu des critiques et des contestations de la base sur l’abandon des noms et des drapeaux. Apparemment, on s’oriente vers une sorte de super-structure avec une coordination qui serait au-dessus des différents mouvements qui eux, garderaient, une certaine autonomie.

 

 

Un délai de 45 jours est prévu pour l’approbation de la base. Peut-on être sûr que tout soit mis en œuvre ?

– On ne peut pas avoir de certitudes. Néanmoins, vu le temps qui a été passé à négocier à l’intérieur, entre les mouvements et avec les bases, je pense que tout le monde a la même perspective, et il y a des chances que cela finisse par se faire.

 

 

Est-ce qu’il y a eu des perdants dans cette fusion ?

– C’est difficile à dire pour le moment. Mais j’ai l’impression que c’est plutôt gagnant-gagnant. Si on est dans l’hypothèse où les mouvements gardent leur identité sous l’autorité d’une coordination générale, tout le monde y gagne : il y a une meilleure visibilité des revendications au nord. Il faudra voir ensuite dans les jeux politiques internes de ces différents mouvements pour savoir si tel ou tel cadre est déstabilisé ou critiqué. Mais, encore une fois, il est trop tôt pour le dire, il faut attendre l’organigramme final pour savoir qui va prendre le leadership de la coordination.

 

 

Cette union politique peut-elle assurer la paix et la sécurité ?

– Non, pas du tout. Elle peut permettre la bonne tenue des pourparlers, mais dans ces négociations, il y a au minimum deux partenaires. Les mouvements touaregs et arabes négocient entre eux et peuvent faire front commun, mais ils n’ont aucune capacité à régler le problème politique seuls, puisque celui-ci dépend aussi de Bamako. J’espère donc que les négociations vont finalement se tenir, et que les discussions puissent permettre de trouver des solutions audacieuses et intelligentes, entre autonomie et décentralisation. Pour le moment, le Mali ne parle que de décentralisation, qui n’a pas fait ses preuves, et les mouvements d’autonomie, qui fait grincer des dents au sud. Mais on peut espérer que les acteurs trouveront une voie intermédiaire qui permettra que cesse ce conflit qui dure depuis les années 1960. C’est la condition pour réunir tout le monde contre le problème de tous, celui des djihadistes.

 

 

Propos recueillis par Sarah Diffalah – Le Nouvel Observateur

Commentaires via Facebook :

12 COMMENTAIRES

  1. L’utopie des mouvements rebelles du Mali

    Les gouvernements qui poussent les rebelles MNLA et leurs allies a faire prevaloir leur droit a l’autodetermination,les induisent en erreur.Le droit des peoples a disposer d’eux-memes n’a jamais eu pour objectif de porter atteinte a l’integrite territoriale d’un Etat membre des Nations-Unies.Le droit a l’autodetermination a ete utilise comme un instrument de liquidation du colonialisme.D’apres la Resolution 1514 de l’Assemblee Generale des Nations Unies, »Tous les peuples colonises ont le droit de libre determination ;en vertu de ce droit, ils determinent librement leur statut politique et poursuivent librement leur developpement economique,social et culturel ».Toutefois, la meme Resolulition precise que « Toute tentative visant a detruire partiellement ou totalement l’unite nationale et l’integrite territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations-Unies. » En effet,le Droit a l’Autodetermination s’applique aux peuples soumis a une domination etrangere,qui sont sous le joug du colonialisme.On ne peut parler de domination quand des membres des Communautes dont les rebelles font partie ont assume et assument encore les plus hautes responsabilites de l’Etat :Deputes,Ministres,Premier-Ministre sans segregation basee sur la couleur,le genre ou la religion.
    Il est bien entendu que toute nation est composee de diverses communautes qui presentent chacune des particularites ethniques,religieuses ou culturelles.Par consequent,
    l’exercice du droit a l’autodetermination ne signifie pas que toute communaute religieuse,ethnique ou culturelle,peut constituer un Etat autonome ou independant.Les Nations-Unies ne peuvent exiger que le peuple d’un Etat soit homogene sur le plan religieux,ethnique,culturel et linguistique. Les milliers de tribus Africaines ne peuvent disposer du droit a l’autodetermination.Les Touaregs,les Bamanans ,les Soninkes,les peulhs,les Miniankas,les Bobos,les Songhois font partie des groupements ethniques qui composent le peuple du Mali et ne peuvent reclamer chacun l’autonomie au nom de l’autodetermination. L’Assemblee Generale des Nations-Unies, indique que pour que le droit a l’autodetermination ne perde pas sa valeur en tant que principe de Droit International,il ne doit pas etre instrumentalise par certaines Puissances en vue de concretiser leurs ambitions politiques,geostrategiques et economiques dans ces pays nouvellement independants. « Tout Etat doit s’abstenir de toute action visant a rompre partiellement ou totalement l’unite nationale et l’integrite territoriale d’un autre Etat ou d’un autre pays » Elle considere que ces mouvements rebelles relevent des affaires interieures de Etats membres et ne peuvent invoquer le droit d’ingererence.Les Etats sont en droit de defendre leur unite dans le cadre du respect du principe de la non-ingerence dans les affaires interieures de leurs pays.
    Le Mali n’a aucune obligation envers les Touaregs ,encore moins envers le MNLA.La decentralisation ,en tant que formule participative des citoyens dans la gestion des affaires publiques, et donc une composante importante de la democratie ,doit etre poursuivie en tenant compte de l’imperatif de renforcement de la cohesion nationale et de la capacite actuelle des diverses collectivites nationales.Toutes les regions auront les memes prerogatives .Mais des moyens plus importants seront mis a la disposition des trois regions du Nord pour accelerer leur rattrapage economique.

    • Merci moulay votre analyse est plus riche que le titre
      Et plus convaincant que ce soit disant expert

    • Waou!

      J’ai rarement lu sur maliweb, un texte aussi argumenté, clair et responsable (l’un de mes mot préférés).

      M. Moulay,
      Que pensez-vous de cette affaire du “ministère du nord…”?

  2. L’adage qui dit que”l’expert a toujours raison!”a sans doute encourage le soit disant “SPECIALISTE”Pierre Boilleyen affirmant que “l’insecurite a Kidal est un problem politique”.NON MR LE SPCIALISTE,il y a insecurite a Kidala cause du”STATUTSPECIAL”octroye par la FRANCEau mnla ,tout en le niant! Comment comprendre que les famaLaet serval soient entres ensemble a Gao,a Tombouctou,ansongo,Menakaet autres villes et elle rentre seule a KIDAL!La “NEBULEUSE COMMUNAUTE INTERNATIONALE” et la france quiontaffirme que l’accord de Ouaga etaitbon et ont meme”POUSSE” le mali a leparapher et l’onteux memes signe engarantissant sonapplicationpratiquesur le terrain,ont refusede desarmer et cantonnerle mnla!VOILA,mr boilley,en conclusion ,c’est le”REFUS D”AGIR VRAI”delaFrance et de la”Nebuleuse communaute intertionale”qui empecheles fama du mali[sous pretexte quelles sont faibles]de securiser Kidal.Mrboilley malgre votre statut d’expert,votre analyse estfausse,ou vous etes partisan des”brigants du mnla

  3. You’re right if South and North make peace, they will defeat terrorists. However, as long as they don’t decide to negotiate, they will be weak, terrorists will come back again to take over Mali.

  4. Ha !les francais ils sont trop forts, ils osent blamer l’armee malienne dans cette affaire? tout le monde sait que l’armee malienne est cantonnee a kidal avec un effectif reduit contrairement au Mnla qui parade en longueur de journee dans les rues.Ce Pierre boilley est un partisan pour la repartition du Mali.Depuis le debut de la crise toutes ses interventions sur France 24 ou rfi sont toujours en faveur du mnla et contre le Mali est les maliens.Boilley est tout simplement un membre infuent du “lobby” toureg!Que Dieu sauve le Mali!

  5. c’est la campagne de la média français pour une autonomie dans le nord ils oublient la situation de leur séparatiste corse qui est plus vieux que la situation du mali.et tout les mondes sait aussi que l’armé malien été cantonné dans kidale ne peut sortir sans la l’accord et portection de de la servale et munisma.
    MAIS CETTE CAMPAGNE DE journal du nouvelle obsevateur et ( LE MONDE ) pour mnla ne surprant pas les maliens.si on sait que ce sarkosy qui a mit en place cette rebellion et l’apuyer dépuis . et hollande les entretien aujourd’hui .mais tout ça , ce n’est pas de leur faute c’est les dirigent maliens ATT,DIONCOUNDA ET IBK.
    si c’était le niger cette guerre et déjas fini.
    notre espoire été IBK (LE MALI D’BORD ) est devenu (LE MNLA D’ABORD) nos coeurs sont été metrit dépuis le 12 JANVIER ET BIENTOT SI Dieu ne nous apuie pas encort c’est l’enterment debout qui va arriver sur tout les maliens .que dieu nous portege. AMINNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNN.

  6. Kidal et un problème politico militaire
    Sans la force militaires malienne de reconquête
    Kidal ne reviendra jamais au Mali

Comments are closed.