(AFP) – Les trafiquants de drogue sont en train de réorganiser leurs filières dans les pays du Sahel, profitant de la crise libyenne qui a rendu encore plus incontrôlable que jamais cet immense espace désertique, selon plusieurs responsables de la lutte anti-drogue de la région.
"Avec la crise libyenne, un important verrou a sauté, c’est le dispositif de sécurité contre les trafiquants que le colonel (Mouammar) Kadhafi avait installé à la frontière sud" de son pays, a expliqué à l’AFP Macalou Diakité, de l’Office national de Répression du trafic de drogue et de stupéfiants du Mali (ONRTDS), rencontré à Gao (nord).
Un colonel libyen connu sous le nom "Nadjim", d’origine malienne, chargé par Kadhafi de lutter avec ses troupes contre l’entrée de la drogue par le sud du territoire libyen, via le Niger, a abandonné ses positions depuis la chute du régime du leader libyen qui reste introuvable, a précisé une source sécuritaire nigérienne.
"Le colonel Nadjim et une partie de ses hommes sont revenus au Mali. C’est
un coup dur porté à la lutte contre le narcotrafic", selon une source sécuritaire malienne.
Les trafiquants sont en train de mettre en place un dispositif "drogue contre armes" dans la bande sahélo-saharienne, selon cette source malienne.
"C’est vrai, les services de sécurité du Niger l’ont confirmé: venant du Sahel, des véhicules remplis de haschich se dirigent de plus en plus vers le plateau de Djado, zone située à la frontière avec le Tchad, et en reviennent avec des véhicules chargés d’armes", affirme Fanta Maïga, qui travaille pour une ONG internationale basée à Gao dont elle ne souhaite pas citer le nom.
"Les armes viennent de Libye. Et, de plus en plus, ce sont des armes sophistiquées qui ne peuvent semer que la terreur dans la région ", ajoute-t-elle.
Une autre filière, dite "Polisario", est également en train de s’organiser. Elle est alimentée par des membres de ce mouvement qui combat pour l’indépendance du Sahara occidental, territoire du sud du Maroc.
Plusieurs d’entre eux, dont des officiers en uniforme, ont été arrêtés récemment au Mali pour leur implication dans un trafic de plus d’une tonne de drogue.
Trafic d’armes
"Ce qu’on remarque aujourd’hui chez les gens de cette filière, c’est qu’ils ramènent de la zone d’influence du Polisario (frontière sud entre le Maroc et l’Algérie) du haschich à destination du Sahel, et y retournent avec de la cocaïne destinée à l’Europe", affirme Oumar Ould Haby, des services des douanes dans le nord du Mali.
Cette filière est également impliquée dans le trafic d’armes qui intéresse Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), très active dans la bande sahélo-saharienne où, depuis des bases dans le nord du Mali, elle commet des enlèvements – essentiellement des Occidentaux -, des attentats et divers trafics.
Une dernière filière composée de Maliens, Nigériens et Algériens est également en pleine réorganisation. Elle "est en est en train de se spécialiser dans la location de véhicules de transport, l’acheminement et surtout +le dédouanement privé+ des convois de drogue", selon Oumar Ould Haby.
"Le dédouanement privé" est un racket organisé qui consiste à intercepter les convois de drogue pour exiger de l’argent avant de les laisser poursuivre leur route.
Cette filière diversifie également ses activités en se livrant au trafic de cigarettes de contrebande et au transport de candidats fortunés à l’émigration clandestine en Europe.
Autant de filières et d’activités criminelles qui font dire à Oumar Ould Haby: "A ce rythme, le Sahel n’appartiendra plus aux Etats, mais aux trafiquants et à Al-Qaïda".