En affirmant avoir abattu deux chefs d’Aqmi, le Tchad d’Idriss Déby affiche son rôle dans l’intervention militaire au Mali. Pour quelles raisons? Décryptage avec Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Iris en charge de l’Afrique.
Deux mille hommes déployés en renfort de l’armée française au Mali, et désormais l’affirmation d’avoir abattu deux figures d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar: le Tchad affirme sa visibilité dans le conflit malien. PourPhilippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) en charge de l’Afrique, le régime d’Idriss Déby et la France trouvent chacun leur compte dans cette situation. Interview.
Quel intérêt pour le Tchad de s’engager dans la guerre au Mali?
Le Tchad avait plusieurs raisons d’intervenir aux côtés de la France au Mali. D’abord parce qu’il craignait une expansion djihadiste sur son propre territoire. Ensuite parce qu’il a une dette envers la France, depuis l’intervention française aux côtés du régime d’Idriss Déby en 2006 contre les rebelles qui menaçaient N’Djamena.
Enfin, le Tchad espère aussi des contreparties financières de son aide. Pour la France, il peut notamment faire pression sur ce point en lui rappelant l’affaire de l’Arche de Zoé, où des humanitaires français avaient enlevé des enfants tchadiens en les faisant passer pour des orphelins du Darfour.
Mais pourquoi ce rôle de premier plan?
Idriss Déby et le Tchad entendent jouer un rôle-clé dans la région, tant sur les plans politique que militaire. Le Tchad est un petit pays qui a essentiellement deux atouts: la puissance du pétrole et celle de son armée. Celle-ci est principalement composée de membres de l’ethnie Zaghawa, celle du président Déby, et jouit d’une solide réputation dans la région. Une manière pour lui d’asseoir son influence.
Cette armée joue-t-elle un rôle aussi important qu’elle le laisse entendre?
Dans l’exécution des deux chefs jihadistes, tant le Tchad que la France ont intérêt à ce que ce soit l’armée tchadienne qui ait un rôle de premier plan. Le Tchad affirme ainsi sa puissance. Et la France a tout intérêt à ce que de telles exécutions, si elles se confirmaient, soient vues comme une opération africaine.
Auprès des djihadistes d’une part, car la vie d’otages est en jeu. Vis-à-vis des opinions publiques ensuite, qui ne voient pas forcément d’un bon œil l’ingérence d’une ancienne puissance colonisatrice dans la région.
Est-ce à dire que la France est en réalité derrière ces exécutions?
Sur ce point, on ne peut rien affirmer pour le moment car on ne sait même pas si Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar sont bien morts. Mais s’ils le sont, il est probable que ce soit au cours d’attaques aériennes. Françaises, donc.
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