A quelques jours du vote du Parlement sur la prolongation de l’intervention des forces françaises au Mali, un rapport sénatorial publié le 16 avril dresse un tableau pour le moins mitigé de l’avenir du pays : calendrier électoral trop ambitieux, réconciliation improbable, développement de l’islam radical…
“Il est aujourd’hui permis d’en douter”. En parcourant les 135 pages durapport du Sénat concernant la situation au Mali, publié le 16 avril, la phrase revient telle une antienne. Doutes sur la tenue des élections, doutes sur la volonté des autorités maliennes de pacifier le pays, doutes sur la capacité d’endiguer l’islam radical… Plus de trois mois après le début de l’opération Serval, la France déchante.
Le calendrier des élections intenable
François Hollande l’avait annoncé : les élections maliennes devront avoir lieu avant la fin du mois de juillet. Et le chef d’Etat, torse bombé, avait assuré qu’il serait “intraitable“ sur le respect de cette date. C’était à la fin du mois de mars. Vingt jours plus tard, force est de constater, à la lumière du rapport sénatorial, que le souhait de François Hollande ne sera pas réalisé : “Chacun a bien conscience que ce calendrier est très (trop?) serré”.
Dans un Etat en pleine déliquescence, l’organisation d’élections dignes de ce nom relève du chemin de croix : actualisation des listes électorales, impression et distribution des cartes d’électeurs, sécurisation des lieux de vote, prise en compte des nombreux déplacés, financement du processus… La tâche est gargantuesque.
Un pays plus que jamais divisé
A l’imbroglio des élections s’ajoute la mauvaise volonté du régime présidé par Dioncounda Traoré. Si l’on se fie au texte du Sénat, “le zèle des autorités maliennes à faire avancer le processus de réconciliation paraît pour le moins modéré”. Et pour cause : la commission “Dialogue et réconciliation”, créée à la fin du mois de janvier, n’a toujours pas commencé ses travaux. A Tombouctou par exemple, où la charia a régné durant dix mois, Touaregs et Arabes sont persona non grata. Le pays est scindé. Et la situation n’est pas prête de s’arranger selon le spécialiste du Mali au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) Roland Marchal, encore à Bamako à la fin du mois de mars :
“Une grande partie de la classe politique malienne n’est pas intéressée par le dialogue. Et les gens ne sont pas près d’oublier les forfaits commis. Il ne faut pas croire que seuls les djihadistes se sont livrés à des atrocités.”
Inquiétant car le Mali ne se reconstruira pas sans une pacification des relations entre les différentes ethnies du pays.
Le retour des anciens putschistes
Le rapport pointe également l’influence des anciens acteurs du coup d’Etat, à savoir la junte commandée par le capitaine Sanogo. Bien qu’officiellement écartés du pouvoir, ils peuvent compter sur leurs alliés qui détiennent des ministères clés, comme celui organisant les élections. Le Mali doit en outre composer avec un chef d’Etat dont l’énergie n’est pas la première qualité, comme l’explique Roland Marchal :
“Le président Dioncounda Traoré est physiquement affaibli depuis son agression et c’est un adepte de la procrastination. Il préfère éviter les questions qui fâchent et compter sur le temps. Pour imager, on pourrait dire que c’est un Chirac vieillissant.”
La junte profite de cette mollesse présidentielle pour placer ses pions. Elle tente aussi de gagner la confiance des Maliens : au début du mois d’avril, le capitaine Sanogo se targuait d’avoir “sauvé le pays“.
L’islam radical se propage
Trois mois après l’arrivée des troupes françaises au Mali, l’islam radical gagnerait l’ensemble du pays. Le salafisme au Nord, le wahhabisme au Sud. Les rapporteurs préfèrent user du conditionnel, se basant sur des“allégations” de la presse malienne. Ainsi, des organisations non gouvernementales comme le “Croissant rouge qatari” apporteraient une aide financière à certains groupes armés. Des princes émiratis se rendraient dans le Nord-Mali sans que l’on sache pourquoi. Et l’Arabie Saoudite construirait une mosquée par semaine dans le pays.
“Attention à ne pas tout confondre, prévient Roland Marchal. On met tous ces courants dans le même panier et on parle d’islamisme. C’est typique de la France.”
L’armée française pas prête de quitter le pays
“La France n’a pas vocation à rester au Mali”. Ces mots datent du 15 janvier 2013. Ils sont signés François Hollande. Pourtant, au vu du constat tiré par ce rapport, le désengagement français n’est pas pour maintenant. Le Mali n’est pas assez stable et son armée ne sera pas prête avant“plusieurs années”. Les forces africaines censées prendre la relève sont quant à elles loin de donner satisfaction. Ainsi, selon le rapport, “au moins 1 000 soldats devraient rester”, au risque d’être perçus comme une “force d’occupation”. Rien d’étonnant pour Roland Marchal :
“Il était évident qu’à partir du moment où l’armée partait, elle allait rester là-bas. Les propos de François Hollande ou de Laurent Fabius promettant un retour rapide des soldats sont ahurissants et inacceptables.”
Sur la base de ce rapport, le Parlement français débattra ce lundi de la demande du gouvernement de prolonger l’intervention des forces françaises au Mali. Députés et sénateurs devront ensuite se prononcer. Aucune surprise n’est en vue : ils ont massivement soutenu l’opération Serval.
lesinrocks.com/2013/04/22/