Mali, le dilemme de la France

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Convoi de l’armée française sur la route de Gao, en provenance de Gossi, le 7 février 2013.
AFP

Que faire après avoir démantelé les groupes jihadistes et parachevé la destruction de leur arsenal de guerre ? Rester le temps que le Mali consolide son unité territoriale retrouvée ou céder la place à une mission de maintien de la paix des Nations unies ? Le sujet suscite des passions, à Paris, Bamako comme dans beaucoup de capitales africaines. Les options sont ouvertes.

La France maintient ses forces au Mali avec, au besoin, une Mission africaine (la Misma) recomposée

Cette solution semble avoir la faveur de nombre de Maliens, comme frappés, depuis quelques semaines, de « francolâtrie ». A l’image de l’ancien chef de la diplomatie et ex-patron de la Sécurité d’Etat, les services de renseignement malien, Soumeylou Boubeye Maïga, joint au téléphone : « Un éventuel retrait des forces françaises et leur remplacement par les casques bleus marquerait à coup sûr un changement stratégique majeur. Les soldats onusiens interviennent généralement pour servir de tampon et s’interposer entre des belligérants. Dans le cas du Mali, cela reviendrait à légitimer des terroristes ou leurs proches cousins, le MNLA. Je suis donc très réservé sur une telle solution… »

Ce n’est pas l’avis de son compatriote Tiébilé Dramé, lui aussi ancien ministre des Affaires étrangères, et surtout ex-haut responsable de l’ONU, notamment en Haïti, au Burundi et à Madagascar. « J’appuie totalement l’idée d’une mission de maintien de la paix, lorsque la France aura parachevé le travail en cours, confie ce dernier dans un entretien téléphonique. Il ne s’agira nullement d’une interposition entre les forces de libération et les groupes d’occupation, mais d’une opération dont l’action s’inscrira dans la durée contre le terrorisme, avec des volets monitoring des droits de l’homme et assistance électorale. »

Le maintien sur place du contingent français rassurerait pourtant beaucoup de monde. Les Maliens, premiers concernés, leurs voisins immédiats, mais aussi le reste du continent, l’opération Serval ayant quasi-unanimement été saluée par l’Union africaine (UA), lors de sa dernière conférence au sommet, fin janvier à Addis-Abeba. La guerre au Mali a plutôt bonne presse. Aux yeux de l’opinion, elle met aux prises des « bons » et des « méchants ». Et, ce qui ne gâche rien, elle s’est montrée efficace : en quelques semaines, les soldats français et leurs alliés africains ont libéré les principales villes du septentrion malien et refoulé plus au Nord les terroristes.

« Se dégager en douceur »

Mais comme toute opération militaire, Serval comporte des risques, et elle a un coût ; une charge dont se passerait volontiers un pays en proie au chômage et où des fermetures d’usines ne sont pas rares. A terme, l’opinion, qui semble pour l’instant faire corps avec le président François Hollande, pourrait se retourner et la situation devenir ingérable pour un pouvoir socialiste qui cherche encore ses marques. Autant dire qu’au Sahel malien, l’Elysée marche sur des œufs.

D’un autre côté, imagine-t-on un pays comme la France tout lâcher et tourner casaque au milieu du gué ? « J’ai du mal à croire que les soldats français soient chez nous pour quelques mois seulement, poursuit Soumeylou Boubeye Maïga. Lorsqu’on voit ce qu’ils ont débarqué comme matériel, on peut difficilement croire qu’ils soient dans le provisoire. » Comment, dans ces conditions, persuader l’opinion française que l’action en cours pourrait s’inscrire dans la durée ? Et surtout, comment en supporter, au besoin seul, le coût ?

« Le nerf de la guerre, c’est l’argent, confirme Tiébilé Dramé. Il y a eu beaucoup de promesses lors du dernier sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba. Au mieux, les premiers décaissements interviendront dans deux ou trois mois. Au pire, jamais ! C’est dangereux d’envoyer des milliers de soldats au front sans s’assurer que l’intendance suivra. Au vu de l’importance des enjeux, seuls une mission de maintien de la paix et un financement sur le budget régulier de l’ONU permettraient à la France de se dégager en douceur. »

Les casques bleus prennent le relais des Français

Une telle formule aurait le mérite de diluer le face à face France-Afrique francophone, d’où provient le gros des contingents subsahariens. Elle aurait aussi l’avantage de ne pas faire peser le poids financier de l’opération sur les seules épaules françaises. Dans un tel schéma, tout ou partie des soldats africains seraient reconvertis en casques bleus. Ils subiraient alors ce qu’on appelle dans le jargon maison un « re-hatting ». Ils substitueraient leurs bérets verts et rouges contre les célèbres casques bleus.

Ils seraient rejoints, comme cela se fait de la République démocratique du Congo au Sahara occidental, en passant par la Côte d’Ivoire et le Liberia, par des soldats européens, sud-africains, éthiopiens ou originaires de la Jordanie et du Bangladesh, deux gros fournisseurs de troupes aux Nations unies. « Il faudrait, pour cela, une nouvelle résolution du Conseil de sécurité, explique Dramé. Après, tout peut aller très vite. Ce sera tout “bénef” pour les soldats maliens et africains qui bénéficieront d’un meilleur confort matériel et logistique. Et cela permettrait de placer tout le monde sous un commandement unifié, y compris les forces tchadiennes qui sont, pour l’instant, des électrons libres. »

Cela dit, une opération de maintien de la paix n’est pas non plus donnée. Avec ses 19 166 membres, dont 17 000 soldats, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) est dotée, selon nos informations, d’un budget de 1,3 milliard de dollars, rien que pour couvrir la période allant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013. A titre de comparaison, pour la même période, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), avec ses 11 033 membres (dont 9 360 militaires), ne coûte « que » la bagatelle de 575 millions de dollars.

« La logique actuelle de la Misma, c’est la Saint-Glinglin »

Question légitime : venus d’horizons aussi disparates, les casques bleus auront-ils le même degré d’engagement que les Français dans une région où les températures affolent les thermomètres et un environnement hostile qui n’a aucun secret pour l’ennemi ? « Tout le monde peut vivre au Congo ou au Liberia, mais il faut être un enfant du pays, un habitué, ou être bien équipé pour survivre à Kidal ou à Tessalit », souligne un natif de Gao.

L’idée de l’envoi d’une mission de maintien de la paix fait en tout cas son bonhomme de chemin au siège de l’ONU, à New York. Comme signe précurseur, on peut déjà signaler l’ouverture d’une « représentation politique » des Nations unies à Bamako, en janvier dernier. Elle est dirigée par un diplomate mozambicain, João Honwana. Ce dernier sera bientôt rejoint, si le Conseil de sécurité décidait d’une opération de maintien de la paix, par un représentant spécial du secrétaire général et un commandant en chef des casques bleus. « C’est la meilleure chose qui puisse arriver au Mali, car la logique actuelle de la Misma, c’est la Saint-Glinglin », renchérit Tiébilé Dramé. Reste à savoir quelle forme prendra l’intervention onusienne. Sur le sujet, plusieurs cas de figure se présentent.

Solutions intermédiaires

En premier lieu, on peut imaginer une force de maintien de la paix à « double tutelle », pilotée à la fois par l’Union africaine et l’ONU. C’est le cas par exemple au Darfour, où le représentant spécial relève à la fois du Conseil de sécurité des Nations unies et du Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Considérée comme une opération « hybride », la Mission de l’Union africaine et des Nations unies au Darfour (Minuad, 20 780 membres, dont 15 600 militaires) est dotée d’un budget de près de 1,5 milliard de dollars (1er juillet 2012-30 juin 2013). Pour autant, elle piétine, à en croire nombre d’experts ès affaires onusiennes.

« La Minuad ne tourne pas rond », lâchent en chœur deux habitués du palais de verre, le siège de l’ONU situé au bord de l’East River à New York. Les atermoiements, les méthodes, les dysfonctionnements en matière de commandement au Darfour ne semblent donc pas plaider pour une telle solution, du moins à en croire un autre diplomate qui requiert l’anonymat. « L’instauration d’une double tutelle au Mali sonnerait l’échec de l’opération, explique-t-il. Il est difficile de mettre en musique deux organisations, comme l’UA et l’ONU, dont le fonctionnement et les méthodes de travail sont aux antipodes. »

« Nation-cadre »

Une autre approche serait donc une opération de maintien de la paix avec des casques bleus et, à leur côté, une force française autonome. Dans ce registre, comme en témoignent des exemples récents, toutes les combinaisons sont possibles. Du temps de la défunte Minurcat (Mission des Nations unies en Centrafrique et au Tchad), des forces européennes déployées dans l’est du Tchad opéraient en symbiose avec le dispositif français Épervier.

En d’autres temps, coexistaient aussi en RDC des troupes onusiennes et une force dite « de réaction rapide », ayant la France comme « nation-cadre ». Par ailleurs, Licorne – en Côte d’Ivoire – est seulement « missionnée » par l’ONU, selon la formule consacrée. A ce titre, elle ne relève pas du commandement onusien mais de l’état-major français. Un exercice d’équilibrisme joliment résumé par un responsable africain de l’ONU en ces termes : « Licorne a un pied dedans, un pied dehors ».

RFI

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9 COMMENTAIRES

  1. Maliens! Vous êtes manipulés par le régime, les barbouzes de la coloniale et les mercenaires de la CEDEAO que vous applaudissez. Je peux me tromper, mais je les soupçonne tous de vouloir définitivement décapiter toutes velléités d’indépendance dans l’armée malienne en l’expurgeant de ses éléments les plus patriotiques. La méthode est simple et éprouvée surtout dans un Etat failli qu’est le Mali aujourd’hui. On sème la zizanie, on oppose et on divise pour mieux régner. La félonie et la calomnie font le reste. Toute la pourriture politique locale en profite pour offrir ses services et c’est aussi simple que cela. Cherchez l’erreur et vous verrez bien que dans cette histoire de chiffons (rouges ou verts) de tête, ceux qu’on veut disqualifier sont ceux-là qui se préoccupent le plus de l’avenir indépendant de la Nation. Ne vous laissez pas abuser par les mensonges d’un régime intérimaire aux ordres d’intérêts occidentaux. Et il est temps de sortir de ce cycle criminel contre le Mali.

    • 1ère PARTIE/3

      Jean François COPÉ, Excellence Monsieur le Président de l’UMP
      (Le plus grand Parti de la Droite Française)

      Merci ! Et Merci encore ! Merci beaucoup.
      Dans votre déclaration Monsieur Le Président, vous avez raison, c’est bien le MNLA qui est à l’origine de cette guerre contre le MALI.
      « L’ignorance est le plus grand des maux » pour ceux qui continue de dire que l’Armée Malienne AVAIT ÉTÉ BATTUE AU NORD-MALI.

      Depuis 2006, IL N’Y AVAIT PAS D’ARMÉE MALIENNE AU NORD- MALI
      Puisque DÉ-MI-LI-TA-RI-SÉ par ‘’ Les ACCORDS D’ALGER 2006’’
      Les ‘’ Accords d’Alger 2006’’

      « Tout le monde sait que dame nature ADORE le vide », ceux qui avaient besoin de ce Nord-Mali l’on occupé. Monsieur Dioncounda peut dire qu’il ne savait pas, en tant signataire de l’accord et prochain président de l’Assemblée Nationale.
      Quels sont les Partis Politiques qui ont signé l’Accord de démilitarisation du Nord du Mali ?

      C’est aussi à ceux-là, qu’il faut avoir des explications. En tout cas l’AD

  2. Les bérets rouges, c’était la garde prétorienne du Satrape, maintenant planqué à Dakar. Par leur agitation et indiscipline manipulées par les barbouzes de la coloniale et soudards de la CEDEAO, ils vont réussir ce qu’on ne veut pas: placer l’armée malienne ou ce qu’il en reste sous tutelle des troupes criminelles de l’ONU qui en fera une force de police municipale sous contrôle étranger.
    Thomas Sankara a dit: « une armée sans conscience politique reste un corps de criminels armés dans la nation ». Il faut que les officiers et politicards maliens, africains, méditent ces paroles.
    Les histoires d’opposition infantile de chiffons de têtes (bérets rouges ou verts), n’eut été pas leurs conséquences politiques dramatiques, nous amuseraient presque. Mais elles mettent encore plus le Mali en danger de mort et y en a mare de tous ces soudards irresponsables qui font la honte de l’Afrique!

  3. S´il faut le maintien des CASQUES BLEUS ils seront places aux Frontieres entre L´Algerie et le Mali,et bien sure a la Frontiere entre la Mauritanie et le Mali,sinon NON et NON a ces CASQUES BLEUS.
    IL n´yaura pas de Frontieres entre les Maliens.
    Je Condamne fortement le gouvernement interimaire de Dioncounda et son Gouvernement d´accepter un autre grand complot contre la Nation Malienne.
    PAS DES CASQUES BLEUS OU ROUGES AU MALI,ils ne serront pas bienvenus car les Maliens les combattront.
    Vous mes freres Maliens vous connaissez bien la raison des casques Bleus dans un PAYS,donc on accepte pas aucun casque bleu(mercenaire).
    La MISMA ferra ce MAINTIENT au cote des MALIENS.
    Et si DIONCOUNDA TRAORE fait le SOURD D´OREILLE,il regrettera dans toute sa VIE.

  4. “Une autre approche serait donc une opération de maintien de la paix avec des casques bleus et, à leur côté, une force française autonome.”

    c’est ce que j’ai entendu plusieurs fois dans des analyses sur le retrait francais.

    debut du retrait fin mars

    mais 1500 a 2000 hommes qui resteraient bien bien plus longtemps dont de nombreuses forces speciales dans le nord mali pour chercher les terroristes

    avec appui des drones américains et aviation et hélicoptères français.

  5. Devant l’inaptitude de la diplomatie et des organisations maliennes à défaire le mythe touareg en France et en Occident, le MAK (Mouvement autonomiste Kabyle) et toute une kyrielle de pseudo-organisations fantoches amazigh d’Afrique du Nord , soutenues par Israël, ont appelé l’opinion à Paris à soutenir le MNLA et l’indépendance de l’Azawad contre l’Etat unitaire malien.
    Il faut savoir que le MAK décidé à casser l’unité de l’Algérie, bénéficie des subsides de l’Etat d’Israël. C’est donc dire que le MNLA, dans ses projets ethno-sécessionnistes roule pour les intérêts occidentalo-sionistes et ceux de la social-démocratie française menée par Hollande. L’objectif de cette clique est désormais sans ambiguïté: provoquer le morcellement de tout Etat unitaire en dehors de l’aire occidentalo-capitaliste. Ils ont réussi l’éclatement de la Yougoslavie, du Soudan, de l’Irak, de l’Ethiopie, de la Libye. Ils tentent le coup en Syrie, au Mali et bientôt ailleurs si les peuples ne redoublent pas de vigilance politique. Aux Malien d’en être conscients !

    • Ah ……retour de DIBI COCHON du gang Ivoiro Camerounais des pro GBAGBO réfugié en France …
      voyons voyons …..
      Meme pathologie que rodrigues Soares …..Bizarre !
      ….vous dormez pas ensemble kamème ?
      bon ……..
      De mon simple avis ,si tu continues de te gratter les couilles dans le même sens , ton affaire ne va pas s’arranger .
      Ça va finir par devenir inquiétant mèèèème .
      Ah …….au passage , tu peux dire merci docteur COCO . 😉 😉 😉

  6. C’est la répartition programmée du Mali, j’emmerde tous ces comploteurs. On évoque, Casques bleus par ci, Darfour par là. Soit on agit ensemble dès maintenant pour dire non à ce projet de Casques bleus soi on divise en petits morceaux le Mali une fois pour toutes , chacun prend un morceau et se débrouille avec. Là, on arrête…

  7. “Je ne comprendrai jamais la léthargie et le mutisme de la génération montante de la classe politique malienne, les Moussa Mara, Housseini Amion Guindo, Ben Fana et autres Mamadou Tiéoulé Konaté, Dr Mamadou Diallo qui sont de la même génération que le porte-parole des rebelles à Paris. Leur génération qui a connu le formidable développement de l’internet et des réseaux sociaux (Tweeter, face book, etc.). Si les diplomates n’ont pas fait ce que l’on attendait d’eux, ces jeunes loups pressés de grimper sur l’olympe, qui ont les moyens intellectuels et matériels de porter la contradictoire à ces menteurs jusque dans leurs refuges, sont étrangement demeurés atones et aphones.

    Allez partout dire aux ennemis du Mali que 4000 ans auparavant un jugement du Prophète Salomon répondait ainsi à leurs prétentions : « Celle qui accepte le partage de l’enfant, n’est pas la mère de l’enfant ».« l’authentique propriétaire du sol n’évoquera jamais son partage”

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