La mise en œuvre de l’accord pour la paix implique l’institutionnalisation de la région. La région aujourd’hui est une collectivité locale à part entière. Sans plus. Elle ne constitue pas encore le maillon névralgique de démembrement de l’Etat servant de liant entre la commune de base et l’Etat. La région est appelée à devenir une collectivité possédant les pouvoirs d’agir sur son destin régional dans l’ensemble national. Comment doit-on aller vers la mise en œuvre institutionnelle de l’accord pour la paix et dans quel état d’esprit? Sereinement et sans appréhensions paralysantes.
Le déterminisme du développement durable imprime au Mali de s’affranchir de la frilosité envers la région. Il y a lieu d’éviter les péchés mortels inhérents à la démarche et surtout, la pulsion centralisatrice de l’Etat. Le devenir du Mali est dans sa région. C’est en régionalisant plus que l’Etat malien sera plus unitaire. Le Mali a aujourd’hui pour priorité de conduire avec succès son passage de la région unidimensionnelle à la région pluridimensionnelle. L’objectif étant de mettre au point le cadre régional de référence qui permettra à chaque région de s’épanouir. L’Etat unitaire a visiblement atteint aujourd’hui ses limites. L’Etat à organisation régionale doit prendre la relève. Le potentiel local des différentes régions est étouffé par les lourdes structures de l’esprit étatique centralisateur. La régionalisation, bien conçue et bien menée, contribuera au bon règlement des grands défis. Le développement des atouts de l’économie, de la lutte contre la pauvreté, l’éradication de l’analphabétisme, la dynamisation de l’emploi, la réalisation effective de l’Etat de droit seront mieux conduits et efficacement implantés dans le cadre de la régionalisation avancée.
L’Etat doit garder la main et sécuriser le processus
Cependant, à l’exclusion de l’unité du territoire et celle de la nation et toutes leurs manifestations matérielles et symboliques qui sont exclusivement du ressort de l’Etat, le reste, tout le reste est potentiellement régional. L’architecture des sphères de pouvoir doit être articulée autour des trois blocs classiques de compétences : les attributions exclusives de l’Etat, celles de la région et les compétences partagées.
Les préalables fondamentaux
Les préalables dont il s’agit sont des exigences dont certaines sont à réalisation permanente. Ils sont d’ordre institutionnel et technique. La mise en œuvre de l’accord pour la paix implique la consolidation, l’approfondissement et surtout l’accélération de la réforme de l’Etat. Un grand bilan d’étape des chantiers ouverts est nécessaire pour assurer un bon lancement de l’ossature de l’organisation régionale. La mise en œuvre de la réforme institutionnelle préconisée dans l’accord pour la paix permettra à l’Etat malien de mieux se recentrer sur ses missions essentielles. L’Etat, stratège et planificateur, aura également pour mission fondamentale de garantir le développement équilibré des régions. À ce stade, l’Etat se doit de se «délester» des structures publiques obsolètes et inopérantes dans le nouveau schéma régional.
La répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales devrait faire l’objet d’un large débat public et institutionnel. L’un des thèmes fondamentaux qui s’impose avec force aujourd’hui dans ce prélude historique à la redistribution des rôles institutionnels est celui de la définition législative de l’intérêt local/communal, de l’intérêt régional et de l’intérêt national. Le principe de la progressivité dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix est à étudier. Des paliers, condition de progression dans la régionalisation, permettra aux régions qui bénéficient toutes au départ des mêmes compétences de base de progresser vers le seuil critique du statut de région de pleines compétences.
La mise en place de l’accord pour la paix introduit la nécessaire révision du nombre de conseillers et le mode de scrutin comme souligné dans l’accord. La légitimité électorale régionale ne peut se satisfaire d’un suffrage au deuxième degré. C’est pourquoi l’élection au suffrage universel direct est une avancée. L’indice de développement régional s’apparentant à l’IDH est à mettre en place. Il permettra de classifier les régions et de mesurer les écarts de développement conditionnant l’éligibilité d’une région à un palier d’autonomisation. Il s’agit, rappelons-le, non pas d’autonomie de souveraineté, mais d’autonomie de pouvoir.
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Le nouveau modèle malien ne doit pas se calquer sur le modèle allemand, français ou espagnol. Il doit être une synthèse à la malienne des modèles existants. Les systèmes régionaux en vigueur sont des réponses à des besoins et des cheminements historiques spécifiques. La régionalisation au Mali doit intégrer l’universalité de l’organisation régionale en induisant la particularité de l’évolution historique de l’Etat. L’équilibre des rapports entre l’Etat et la région sera l’épine dorsale du nouveau schéma régional au Mali. Le modèle malien doit être à la lisière de la décentralisation et du fédéralisme
Séga DIARRAH
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