Les batailles sanglantes qui ont eu lieu à Kidal les 17 et 21 mai 2014 entre les forces loyalistes et les groupes armés séparatistes auront été un ferment pour le dialogue entre le pouvoir et la classe politique malienne.
Il y a bien longtemps que le palais de Koulouba n’avait servi de décor à un tel ballet politique. En effet, le mercredi 4 juin 2014, le président Ibrahim Boubacar Kéita a reçu l’ensemble de la classe politique malienne sans distinction.
Ainsi, les représentants des partis de la majorité, puis ceux de l’opposition ont fait le déplacement sur la colline du pouvoir pour s’entretenir avec le maître des lieux. Au menu des discussions : la situation nationale et plus particulièrement celle qui prévaut au nord.
Il faut dire que pareille initiative est une première depuis l’installation d’IBK dans ses fonctions. Une première certes, mais pas besoin d’être un grand clerc pour se rendre compte que ce sont les derniers événements dans le septentrion malien qui ont poussé le successeur d’Amadou Toumani Touré à sonner ce rassemblement tous azimuts.
Difficile en effet, pour les Maliens d’oublier ce samedi et mercredi noirs de mai avec cet affront fait au Premier ministre, Moussa Mara, et ce qui s’est ensuivi quelques jours plus tard.
Ce jour-là en effet, à défaut des traditionnelles acclamations et autres you-you, ce sont des salves d’armes automatiques qui ont tenu lieu de comité d’accueil au chef du gouvernement pour cette première visite à Kidal.
Et de mal, les choses sont allées en pis avec l’offensive ratée des forces armées maliennes, mises en déroute par des rebelles plus que jamais sûrs de leur fait.
Face à cette situation critique, IBK a décidé d’élargir le cercle des consultations avec, à la clef, un discours d’apaisement dans lequel il a marqué son soutien aux accords de Ouagadougou. En effet, pour lui, désormais seul le dialogue pourra conduire à une paix durable.
Et le dialogue, il l’a engagé en recevant tous ses alliés et adversaires politiques. Une démarche que n’ont pas manqué de saluer ses différents interlocuteurs. Face à la menace séparatiste du MNLA, il faut faire table rase des divergences politiques et avoir l’esprit de famille en vue de la nécessaire union sacrée.
Sans faire dans le cynisme, on peut admettre qu’à quelque chose malheur a été bon. En effet, cette maudite défaite pourrait servir de ferment, mieux, de ciment à la classe politique malienne et pourquoi pas à toute la nation.
On est d’autant plus enclin à l’optimisme que c’est à l’unisson que l’opposition a salué l’initiative, se disant même toute disposée à l’accompagner, pas seulement de tous ses vœux. En témoignent les propos du leader de l’opposition, Soumaïla Cissé après la rencontre avec le chef de l’Etat : “Je crois que, pour la première fois depuis son investiture, le président de la République a reçu l’opposition. Nous sommes très reconnaissants pour cela. Ça a été l’occasion pour lui de faire la situation globale de l’état du pays, montrer sa vision du Mali et surtout nous donner des détails sur Kidal…
Nous l’avons écouté avec beaucoup d’attention. Ce qui sûr, l’opposition malienne est une opposition responsable. Elle ne va pas manquer de critiques et de propositions. Nous avons fait remarquer au chef de l’Etat que nous sommes des Maliens à part entière, que nous aimons ce pays profondément, que nous sommes prêts à aider notre pays quelle que soit la situation difficile dans laquelle il est.
Mais nous avons besoin d’un cadre d’échanges ; nous avons besoin de méthode pour que nous nous respections les uns et les autres, et que le Mali, la démocratie malienne, a besoin d’une opposition responsable, d’une opposition forte : une opposition consultée et respectée. Je pense que le chef de l’Etat a pris bonne note et a donné l’engagement que nous aurons d’autres rencontres. J’espère qu’au cours de ces rencontres, nous dégagerons ensemble le minimum de solutions pour que le Mali s’en sorte.
L’étape de Kidal a été une étape très douloureuse pour l’ensemble de la population, une étape très douloureuse pour nous à l’opposition. C’est pourquoi nous souhaitons que les responsabilités soient clairement situées, pour que nous ne retombions plus dans des situations d’humiliation, comme celle que nous avons connue le 21 mai dernier”.
C’est dire que Kidal divise les Maliens (les groupes armés et les autres Maliens) et les unit aussi.
A. Diakité