«On a toujours dit des choses sur le Mali qui ne sont pas vraies… Certains ont toujours suggéré des choses qui ne sont pas faisables… On m’a toujours taxé de muet. Maintenant, je vais parler». On a rarement vu le Président de la République, Amadou Toumani Touré, en avoir aussi gros sur le cœur. Même lors de l’attaque de Nampala, alors qu’il se trouvait à Diéma, en route pour la Biennale à Kayes. Lors de la cérémonie d’ouverture du Forum des éditeurs africains, jeudi dernier, ATT a tout simplement déchargé ce qu’il avait sur la conscience depuis de nombreux mois.
Dire que le Président de la République, notre ATT national, n’est pas touché au plus profond de son cœur lorsqu’on accuse le Mali d’être le refuge des islamistes ou d’être laxiste dans sa façon de gérer le trafic de drogue, d’armes ou de munitions… est une litote. Et il n’est pas passé par quatre chemins pour le faire savoir.
Dans son intervention d’une quarantaine de minutes, il a tout d’abord souligné que «la non résolution des problèmes de la bande sahélo-sahélienne est tout simplement due au déficit de coopération». «J’ai observé le problème en tant qu’ancien médiateur et j’en suis venu à la conclusion qu’un seul pays ne peut pas le résoudre. J’ai fait appel à tous mes voisins afin que nous y trouvions une solution. Les forces armées et de sécurité des pays se sont réunies, les diplomates aussi. Mais je n’arrive pas encore à réunir tous les présidents concernés. Quand certains décident de venir, d’autres estiment qu’ils ne doivent pas se retrouver avec eux sur la même table. C’est là que le véritable problème se trouve. Je suis même prêt à me réunir avec eux à l’aéroport de Bamako Sénou, s’il le faut. Je voudrais dire que nous ne baisserons pas le bras, nous ne fuirons pas nos responsabilités. Nous sommes et resterons toujours prêts».
Et ATT de revenir sur la fameuse histoire de «maillon faible». «On nous taxe d’être le maillon faible de la chaîne. Nous n’en sommes pas un. D’ailleurs, où est la chaîne? Il est aisé de dire, à chaque fois, que les islamistes sont au Nord du Mali. Le Nord du Mali c’est le Sud de l’Algérie, c’est l’Est d’un autre pays. Au lieu de se mettre à jeter la pierre sur les autres, on ferait mieux de se donner la main pour combattre ce fléau transfrontalier. Ces personnes qui font du mal au nom de l’Islam sont venues d’ailleurs. Au Mali, nous connaissons, depuis des siècles, un islam tolérant, humain et sacré» a martelé le Président.
Il n’a pas non plus passé sous silence les conseils de certains Européens, qui pensent qu’il faut en passer par des «frappes ponctuelles». «Je suis assez impliqué et informé sur ce problème de banditisme au Nord du Mali, depuis plusieurs années. Les troupes qui partaient sur le terrain étaient, pour la plupart, commandées par moi. Je connais le Nord du Mali pour l’avoir sillonné. Alors, quand on vient me parler de frappes ponctuelles, je réponds que ce n’est pas une bonne option. Quand on frappe, on se replie. En revenant, l’ennemi revient aussi. Nous avons déjà perdu assez d’hommes en agissant de cette manière. Nous avons appris que, lorsque nous nous replions, les bandits reviennent avec des renforts qui viennent de l’extérieur de notre pays. Je crois donc qu’il faut circonscrire le mal ensemble. Si les pays concernés par le phénomène se donnent la main, on peut boucler les frontières, empêcher l’ennemi de se ravitailler en logistique. Nous pourrons ensuite passer à l’attaque» a poursuivi ATT.
ATT affirmera, pour conclure, que l’option militaire peut apporter une solution à court terme au problème. «Mais il faut que les institutions politiquent jouent leur rôle afin qu’une solution durable soit trouvée».
Paul Mben