Les autorités maliennes ont compris maintenant que leurs partenaires en matière de sécurité n’ont plus envie de rire. Mis sous pression par les critiques, reproches et admonestations de toutes parts, ATT a finalement pris le taureau par les cornes. Volonté réelle ou illusion optique ?
Koulouba, le 30 juin 2010. Le général président Amadou Toumani Touré reçoit Gilles de Kerchove. A la fin de l’audience, le ton de la conversation vire, comme d’habitude, à l’anecdote et à la plaisanterie. Mais le diplomate n’est pas né de la dernière pluie et pense que le Mali a bien compris son message. En effet, Gilles de Kerchove n’est pas venu écouter les explications du Mali en matière de lutte contre le terrorisme dans le Septentrion et la stratégie de traque contre AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique), la filiale de Ben Laden dans la bande sahélo-saharienne. L’envoyé du jour a été nommé par l’Union européenne coordinateur de la lutte contre AQMI et il connaît ses dossiers sur le bout des doigts. Il n’est pas du genre à se laisser endormir. Il est venu à Bamako, annoncer au général président ATT, l’ouverture par l’UE d’un bureau local chargé de la lutte contre le terrorisme et le banditisme dans le Septentrion. Il faut préciser la nuance : il n’est venu ni pour solliciter encore moins souhaiter mais annoncer ! Et ce bureau, entièrement contrôlé par la bureaucratie bruxelloise sera ouvert d’ici la fin de l’année.
Bien sûr, ATT n’a pas fait qu’écouter. Il a expliqué dans les menus détails en sa connaissance la stratégie malienne, notamment la création du Point focal de lutte contre le terrorisme sous l’égide de Koulouba et dirigé par le général Amadou Baba Touré, ancien gouverneur de la région de Gao et camarade de promotion d’ATT. En sus, irrité par les accusations récurrentes d’indolence, de laxisme et de désinvolture face à la menace terroriste, Koulouba a mis en place un plan de lutte et ATT l’a rappelé à M. de Kerchove. Le Programme d’intervention d’urgence élaboré sous pression internationale, « s’articule autour de la construction ou de la réhabilitation des casernes, des postes avancés de sécurité, de brigades de gendarmerie et de commissariats de police, mais aussi la réalisation d’infrastructures au profit de la communauté. » Avant ce document capital, c’était le pilotage à vue, l’approximation et le balayage sous le tapis des problèmes graves de sécurité. Les conseillers militaires les plus concernés par le dossier nageaient dans un flou artistique et n’avaient aucune idée des intentions maliennes. Et ATT a convoqué, début juin, les diplomates accrédités au Mali pour leur expliquer les grands axes de ce document. Il faut l’avouer, le Programme d’intervention d’urgence pour la réduction voir l’éradication de l’insécurité dans le Nord Mali n’est qu’un plan sur papier, sans assises logistiques et sans pragmatisme pour l’instant.
Les signes sont multiples qui ne sont pas trompeurs et ils indiquent que pour sa propre crédibilité et son prestige, ATT n’avait plus le choix de céder sous la pression. Le commandement conjoint Mali-Mauritanie-Niger-Algerie installé à Tamanrasset est ostensiblement boudé par la Mauritanie. L’Algérie met en place ses propres réseaux de traque contre les Salafistes et le lieutenant colonel Ould Sid’Hamed, coordinateur de la sécurisation en Mauritanie ne prend pas de gants pour s’exprimer. Dans une interview à un quotidien algérien, il a clairement indiqué le Mali comme source des « complicités » avec les kidnappeurs, notamment ceux qui détiennent les Espagnols. Alors que les conseillers d’ATT, dans les coulisses et à chaque crise de prise d’otages, diffusaient le mot d’ordre à l’effet que ce problème « ne nous concerne pas », le patron de Koulouba reconnaît maintenant sans ambages qu’il s’agit d’un combat commun, d’une cause commune
La veille de la rencontre avec le diplomate européen, les ministres de la Défense des pays membres de la CENSAD étaient réunis à Tripoli, sous l’égide du bouillant Mouamar Kadhafi, considéré encore par beaucoup d’observateurs comme la clé de voûte du problème de sécurité au Sahara. Les Mauritaniens n’étant pas les obligés du « guide » lui ont clairement fait comprendre qu’ils ne sont intéressés par aucune forme de négociations ou de rencontres futiles qui encourageraient le banditisme et le terrorisme. La position du Mali est restée la même : organiser une conférence internationale et se parler pour trouver une solution globale. Voir… Le même jour, à Bamako, les autorités maliennes remettaient des médailles à dix officiers étrangers en fin de mission. Ils sont 07 des Etats-Unis, 02 de la France et 01 du Canada. En bons militaires, ils n’ont fait aucun commentaire sur leur séjour, mais il est clair que l’intensification de la coopération et des manœuvres militaires du type Flintlock ne sont pas une œuvre de charité et répondent au besoin croissant de sécurité nationale des pays en proie au terrorisme transfrontalier.
Lors de son speech face aux diplomates étrangers, ATT a dit, au sujet du plan malien : « Nous sommes tous concernés. C’est parce qu’ils sapent les fondements des Etats et retardent le développement humain que les nouveaux modèles et références que le crime organisé, la drogue et le terrorisme imposent à nos enfants, doivent être combattus avec la dernière rigueur. Nous savons compter sur votre solidarité et sur votre participation à cette lutte commune pour que la coopération et l’amitié entre les peuples triomphent de ce mal. » Nous sommes effectivement loin de la boutade d’alors : « Ce problème vient d’ailleurs, nous sommes confrontés à une histoire qui ne nous concerne pas ! » Reste à savoir si le Mali a les moyens logistiques et humains de faire face aux sbires d’Abdel Malek Droukdal et de son lieutenant local, Abouzaid. La mort des cinq gendarmes algériens, le 1ier juillet, est le signal qu’AQMI n’a rien perdu de sa capacité de nuisance.
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