DAKAR (AFP) – jeudi 23 septembre 2010 – 15h57 – La réticence du Mali à combattre les unités d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans le nord de son territoire, où il laisse l’armée mauritanienne les traquer, est en partie liée à sa crainte de voir resurgir la rébellion touareg dans cette même région.
En deux mois, l’armée mauritanienne est intervenue à deux reprises dans le nord du Mali, pour combattre et bombarder des unités d’Aqmi, alors que la dernière confrontation connue entre la branche magrébine d’Al-Qaïda et l’armée malienne remonte à plus d’un an.
Le président malien Amadou Toumani Touré, dit ATT, a été accusé de "laxisme" dans la lutte anti-Aqmi par l’Algérie et la Mauritanie. Ces deux pays, en début d’année, avaient rappelé leurs ambassadeurs à Bamako pour protester contre la libération par le Mali de prisonniers islamistes, en échange de la libération d’un otage français, Pierre Camatte. Ils ont depuis regagné leur poste.
En réalité, explique Alain Antil, de l’Institut français de relations internationales (Ifri), "la politique d’ATT remonte à la rébellion touareg". "Depuis, il essaye de ne pas braquer les gens du nord contre lui et donc son armée ne s’aventure pas trop dans cette zone", dit-il.
Comptant environ 1,5 million de personnes réparties entre Niger, Mali, Algérie, Libye et Burkina Faso, les Touaregs ont posé ces dernières années de sérieux défis sécuritaires, surtout à Bamako et Niamey.
Le Mali a été confronté dans les années 90 et 2000 à des rébellions touaregs qui ont pris fin en 2009. Mais la paix reste fragile et une reprise de la rébellion "est un grand risque" pour ATT, souligne Alain Antil.
Une paix obtenue en échange d’une démilitarisation partielle du nord du Mali, mais malgré cela, la rébellion "est en veilleuse", souligne également Moussa Samba Sy, politologue mauritanien, directeur du Quotidien de Nouakchott. Par crainte de la raviver, "le Mali ne souhaite pas être impliqué de manière trop directe dans la lutte contre Aqmi", ajoute-t-il.
Si les actions d’Aqmi y sont moins nombreuses qu’en Mauritanie ou en Algérie, le Mali n’est cependant pas totalement épargné.
L’armée malienne, en dépit d’effectifs moins élevés que celle de la Mauritanie (environ 7.000 hommes contre quelque 20.000), "a porté de gros coups à Aqmi", reconnait M. Samba Sy.
Le 17 juin 2009, deux mois après l’exécution de l’otage britannique Edwin Dyer, elle avait pour la première fois attaqué une base d’Al-Qaïda sur son territoire, à Garn-Akassa, près de la frontière algérienne: bilan, 26 "combattants islamistes" tués, selon elle.
Trois semaines plus tard, de violents combats l’opposaient à Aqmi dans le nord malien, faisant des dizaines de morts dans les deux camps, selon l’armée, 28 soldats maliens tués, selon Aqmi.
Plus récemment, fin août, Aqmi revendiquait l’exécution d’un douanier malien capturé quelques jours auparavant.
La volonté de ne pas ranimer la rébellion touareg au risque d’apparaître moins engagé contre Aqmi que d’autres "est un scénario bancal", estime Alain Antil et le président ATT en est conscient.
Face à la multiplication des actions d’Aqmi – la dernière étant l’enlèvement de sept otages dont cinq Français au Niger transférés depuis au Mali – "il doit faire la preuve qu’il collabore", d’où les autorisations données à la Mauritanie pour intervenir sur son territoire, souligne-t-il.
"On a cru percevoir une espèce de modus vivendi" entre Aqmi et le Mali, "mais il existe dans ce pays une nouvelle volonté de combattre Aqmi’, souligne également Moussa Samba Sy.
Preuve de cette "nouvelle volonté", une source militaire malienne affirme que son pays entend remilitariser à court terme le nord de son territoire, volontairement dégarni en échange de la paix avec les Touaregs.
Mais le Mali n’entend pas agir seul, et souhaite une riposte de toutes les armées concernées dans la région.
AFP