Une nouvelle réjouissante qui ne saurait en cacher une autre déconcertante. Ainsi peut-on résumer l’épilogue très heureux de la tragique odyssée de Serge Lazarévitch, le dernier des otages français enlevé depuis 2011 et détenu dans le désert malien. Surpris par un rapt en règle à Hombori, l’ingénieur quinquagénaire aura été beaucoup plus chanceux que son compagnon d’infortune, Philippe Verdon exécuté, lui, une année auparavant. Pour avoir échappé au même sort dramatique, Lazarévitch a été accueilli avec joie et allégresse par ses concitoyens.
A commencer par les hautes autorités françaises qui en savent gré à celles du Niger pour leur prouesse diplomatique dans les tractations ayant conduit à cette conclusion heureuse. Les autorités maliennes ne sont pas en reste. Mais, à la différence notoire du pouvoir nigérien au nôtre : la sale besogne, celle de concéder l’élargissement de quatre dangereux jihadistes détenus dans les geôles bamakoises, en échange de la libération de Serge Lazarévitch. Ça n’est pas une première au Mali où l’on se rappelle qu’une première vague de prisonniers de même acabit avait déjà fait l’objet d’une libération après l’installation du président IBK, dans la dynamique de la reprise de langue avec les mouvements rebelles. Dans le cadre de la libération d’un autre citoyen français, en l’occurrence Pierre Camate, l’ancien président ATT avait jadis consenti à faire libérer deux autres dangereux terroristes, soit un sacrifice de la convivialité et du voisinage paisible avec l’Algérie et la Mauritanie, deux pays frontaliers.
Mais, à la différence d’ATT et du simulacre de procès organisé en son temps, la récente libération de jihadistes affilés à Aqmi n’aura respecté aucun principe de séparation des pouvoirs et du respect dû à l’autorité judiciaire pour un régime ayant fait de la lutte contre l’impunité son cheval de bataille, voire son étiquette aux yeux de l’opinion depuis l’avènement d’IBK à Koulouba. Au lieu de quoi, les jihadistes élargis, la semaine dernière, l’ont été sans comparution devant les tribunaux bien qu’ils aient fait l’objet de chefs d’inculpation en bonne et due forme par l’autorité judiciaire compétente et que le procès d’un d’entre eux au moins, selon certaines sources, soient même enrôlé aux assises en cours depuis deux semaines à la Cour d’appel de Bamako.
Il s’agit en l’occurrence de Mohamed Ali Ag Waddosène, la figure très controversée des quatre, qui cumule tant d’infractions criminelles allant de la désertion militaire à la tentative d’évasion, en passant par le meurtre et d’autres actes de terroristes. Sa présence spectaculaire dans le lot n’a de cesse d’alimenter la polémique et de défrayer la chronique, depuis que les Maliens l’ont appris, non pas par leurs propres autorités, mais par les media du pays bénéficiaire du deal passé avec les geôliers de Serge Lazarévitch.
S’exprimant sur la question –visiblement par contrainte après la divulgation planétaire de l’événement- le ministre de la Justice Garde des Sceaux s’est évertué, tant bien que mal, à trouver des justifications à un épisode qui met au grand jour une faiblesse réelle des autorités ainsi que le servage moyenâgeux caractéristique de ses rapports avec la métropole. Mohamed Ali Bathiliy a en effet expliqué que la libération d’Ag Wadossène et autres, en échange de celle de Serge Lazarévitch, s’impose au Mali par reconnaissance envers la France pour sa grande générosité ainsi que pour sa partition dans la reconquête des régions sous occupation des jihadistes. Il s’agit donc d’une volonté personnelle du président de la République, a laissé entendre celui qui, quelques jours auparavant, se retranchait derrière l’indépendance de la justice pour se dérober d’une accélération des poursuites réclamées par les partenaires financiers, dans le cadre de la brûlante affaire d’achat de l’avion présidentiel et des fournitures de l’armée.
Comme on le voit donc, la réalité est toute autre : la démarche devrait découler tout simplement d’une impuissance criarde de l’Etat et traduit la condescendance des rapports avec un pays plus nanti, qui fait supporter par les sous-fifres les pratiques qu’elle ne peut défendre devant son opinion et celle des autres nations plus regardantes sur les principes.
Qui plus est, les explications du ministre Garde des sceaux sont d’autant moins convaincantes qu’elles émanent d’autorités qui, naguère encore, s’illustraient par d’insidieuses suspicions sur la sincérité et la neutralité de Paris dans la gestion du récent épisode de Kidal. En atteste la caution tacitement accordée aux sentiments anti-français jusqu’au sein d’un gouvernement dont les membres ont battu le pavé avec des manifestants de rue pour protester contre l’attitude de la France.
C’est pourquoi, la sortie du ministre Bathily ne semble guère assez solide pour emballer une majeure partie de l’opinion et ne pas ouvrir une autre brèche aux forces politiques de l’opposition qui en réclament des comptes aux autorités au nom au peuple.
La vague d’indignations se cristallise davantage dans les rangs du personnel pénitentiaire dont un élément aura impunément payé de sa vie la première évasion du plus célèbre déserteur de l’armée. La deuxième évasion vient de se révéler quant à elle sous la forme d’une extraction en règle instruite par la France et opérée par le Mali sans aucune forme d’égard pour les principes auxquels les autorités maliennes ne souscrivent désormais que pour amuser la galerie. De quoi s’interroger par ailleurs sur les contours de la miraculeuse évasion avortée de Wadossène qui pourrait avoir été la première manœuvre ratée pour l’extraire frauduleusement de son cachot. Comment expliquer autrement la négligence suspecte du dispositif sécuritaire de la Maison centrale d’arrêt, la facilité par laquelle il a été pris en défaut, ainsi que des nombreuses sonnettes d’alarme en provenance du personnel et des responsables pénitentiaires ?
Ce n’est pas l’unique mystère éventé du phénomène Wadossène. La transaction a également mis en évidence les connexions et collusions d’intérêts pour le moins indéniables entre le terrorisme sahélien et le Mnla, mouvement jusque-là épargné par les listes noires des institutions internationales. Il se trouve au fait, que la fratrie terroriste des Wadossène n’est autre que la progéniture de la présidente des femmes du Mouvement national de libération de l’Azawad. Reste à savoir si cette coïncidence, très révélatrice à tous points de vue, va peser sur la perception qu’a la France de ce mouvement et modifiera sa position vis-à-vis de ses animateurs.
Abdrahmane KEITA
Qui sont les terroristes élargis ?
Ils sont au nombre de quatre sur lesquels tous s’interrogent, au Mali comme sur la scène internationale. Les plus connus d’entre eux sont de nationalité malienne, en l’occurrence la fratrie Ag Wadossène et Ag Chérif, deux progénitures d’Assi Walett Hita, la présidente des femmes du Mnla très active dans les pourparlers d’Alger entre le Mali et la rébellion séparatiste. Mais au nombre des terroriste élargis dans le sillage de Wadossène figurent également des étrangers. Il s’agit du Tunisien Ousmane Ben Gozzi et d’un citoyen du Polissario, Habib Ould Mahouloud. Les deux premiers, après leur évasion foirée de Juin dernier, ont été retirés de la Maison centrale d’arrêt et mis sous bonne garde dans les locaux de la Sécurité d’Etat où les ont rejoints, une semaine avant la libération de Serge Lazarévitch, les deux étrangers jusque-là détenus à Bamako Coura. C’est à partir des locaux de la Dgse que tous les quatre, sous bonne escorte, ont été acheminés à l’Aéroport Sénou pour être acheminés à Niamèye. L’opération, de source digne de foi, s’est déroulée sans ordre d’extraction et sans fiche d’audience, quand bien même aucun d’entre eux n’a bénéficié d’une liberté provisoire, ni d’une expiration de peine. Il a suffi d’une simple instruction du Justice Garde des Sceaux au directeur national de l’administration pénitentiaire. Nous vous livrons, ici, la filiation, l’identité complète ainsi que les chefs d’inculpation qui pesaient sur chacun d’entre eux. Il s’agit de :
Oussama Ben Gozzi. Né le 29/12/1989 à Nabale/Tunisie, fils de Mohamed Ben et de Djimila Ben Hamouda. Profession : apprenti maçon, domicile : Nabale, célibataire sans enfant.
Mandat de Dépôt du 09/04/2013 pour association de malfaiteurs, rébellion, atteinte à la sécurité intérieure. Juge d’instruction du 7e cabinet du Tribunal de Première instance de la Commune III de Bamako
Mohamed Ag Wadossene dit Abou Haroun. Né le 09/04/1989 à Kidal, fils de Wadossène et de Assi Walett Hita; profession : ex-Garde National; domicile : Ikankant /Kidal; marié et père d’un (1) enfant; Mandat de dépôt du 08/03/2012, poursuivi pour terrorisme, association de malfaiteurs, prise d’otages. Juge d’Instruction du 1er Cabinet du Tribunal de Première Instance de la Commune III
Haiba Ag Chérif. Né vers 1984 à Kidal, fils de Achérif et de Assi Walett Hitta; Profession : agent de commerce, ex chauffeur ; Domicile : centre-ville de Kati; Célibataire et père d’un (1) enfant.
Mandat de dépôt du 08/03/2012, Juge d’Instruction du 1er Cabinet du Tribunal de Première Instance de la Commune III de Bamako ; poursuivi pour terrorisme, association de malfaiteurs, prise d’otage.
Habib Ould Mahouloud. Né vers 1987 à Polissario, fils de Mohamed Mahouloud ould Hababi et de N’Gula; Profession : employé de commerce; domicile : Montagne de Tigare -Tigare /Tessalit; Célibataire sans enfant. Mandat de dépôt du 09/04/2013; Juge d’Instruction du 7e Cabinet ; poursuivi pour association de malfaiteurs.
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