Le Mali, une fausse note dans la lutte anti-terroriste". C’est sous ce titre fort expressif que le journal Liberté, dont la ligne éditoriale recoupe nettement celle du gouvernement algérien sur la question de la lutte anti-terroriste dans la bande sahélo-saharienne, se livre à une nouvelle attaque contre notre pays. Cette fois-ci, le prétexte est la libération des deux otages espagnols, jugée "scandaleuse". Peu importe, pour notre confrère algérois, que la Mauritanie soit le point de départ de cette libération. S’il reconnaît qu’elle "a, certes, cédé à la pression espagnole en extradant Omar Sahraoui" il s’empresse de la dédouaner en ajoutant que cette extradition n’est survenue qu’après que le preneur d’otages eut été "jugé et condamné".
Nouakchott est donc en phase avec la ligne de fermeté qui a été adoptée au cours de la réunion ministérielle sur la sécurité dans la bande sahélo-saharienne, tenue en avril dernier à Alger. Cette pirouette ne trompe guère. La vraie fermeté n’aurait-elle pas consisté à résister aux pressions du gouvernement espagnol et à maintenir Omar "le Sahraoui" en prison jusqu’à ce qu’il purge totalement les douze années d’incarcération auxquelles il a été condamné par le tribunal de Nouakchott ?
Au lieu de cela, le Général Abdel Aziz et son appareil judiciaire aux ordres se sont vite débarrassés de l’encombrant colis qu’ils détenaient en l’extradant vers son pays d’origine, le Mali, qui n’était pas demandeur. La responsabilité première dans la libération du terroriste incombe donc bien à la Mauritanie mais cela, notre confrère ne le voit pas ou plutôt feint de ne pas le voir.
Liberté d’Algérie évoque également le rôle joué par le médiateur burkinabe, Moustapha Chafi, pour rappeler qu’il a affirmé, dans le journal espagnol ABC "s’être rendu une dizaine de fois dans les camps de Belmoktar au nord du Mali et négocié directement avec le chef rebelle".
Cette information prouve bien une chose : c’est le Burkina Faso, donc le président Blaise Compaoré, qui a directement piloté les négociations pour la libération des deux otages espagnols. Au demeurant, c’est de l’aéroport de Ouagadougou que ceux-ci ont regagné Madrid. Mais pas un seul mot à ce sujet dans l’article.
Il n’y en a que pour le Mali dont le crime, inexpiable aux yeux du pouvoir algérien et de ses porte-voix, est d’abriter des camps d’AQMI. C’est oublier un peu trop vite ou faire semblant d’oublier que le théâtre principal des opérations d’AQMI n’est pas le Mali, mais l’Algérie dans toute sa totalité.
L’organisation terroriste, née en Algérie sous l’appellation de Groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC) pour revendiquer sa victoire électorale qui lui a été volée par le FLN toujours accroché au pouvoir après presque d’un demi-siècle d’une gestion calamiteuse et paupérisante, frappe quand elle veut et où elle veut sur l’immense territoire algérien.
Sa cible préférée est la capitale elle-même, périodiquement secouée par les bombes et leur cortège de victimes déchiquetées et mutilées. Et le plus souvent, celles-ci sont les policiers et les militaires eux-mêmes, chargés d’endiguer le terrorisme. Celui-ci a causé des dizaines de milliers de morts en Algérie mais ni les poseurs de bombes dans les quartiers surpeuplés d’Alger ou d’Oran ni les groupes armés qui lançaient des assauts meurtriers contre les postes de sécurité ne venaient du territoire malien.
C’est à une période toute récente qu’AQMI a commencé à opérer à partir du territoire malien qui, à cause de sa vaste étendue, échappe au contrôle d’une armée mal outillée, en particulier pour la lutte anti-terroriste dans le désert. C’est bien pourquoi le Mali a offert le droit de poursuite sur son sol à tous ses voisins victimes d’attaques de la part de terroristes ou autres criminels qui se seraient refugiés à l’intérieur de ses frontières. Le Niger a fait bon usage de ce droit de poursuite. La Mauritanie, appuyée par la France, ne s’en est pas privée pour tenter de libérer le malheureux Michel Germaneau.
Force est de constater que l’Algérie n’en a pas fait un usage abusif. Lorsque onze de ses militaires ont été récemment massacrés dans la partie de Tinzawatten se trouvant sur son territoire, on s’attendait à une riposte appropriée de l’armée algérienne. Elle n’a pas bougé.
Voilà donc un pays qui ne fait rien pour éradiquer le terrorisme ni chez lui ni chez ses voisins et qui pousse des cris d’orfraie chaque fois qu’un otage est libéré au moyen de la négociation.
En procédant, au début de cette semaine, à la relève des chefs des zones militaires frontalières de la Mauritanie, du Mali et du Niger, le gouvernement algérien a fait un aveu de taille : l’inefficacité affligeante de son armée à endiguer le fléau du terrorisme. Il est douteux que leurs remplaçants puissent faire mieux tant qu’il n’y aura pas une réelle volonté des plus hautes autorités algériennes à s’engager dans cette voie.
Les tirades moralisatrices, les propos injurieux et condescendants, les accusations dénuées de tout fondement, les coups bas diplomatiques et les campagnes de dénigrement médiatiques doivent laisser la place à l’action sur le terrain. Surtout une action concertée de tous les Etats se partageant l’espace sahélo-saharien.
Saouti Labass HAIDARA