Nos chefs religieux sont-ils donc devenus nationalistes et protectionnistes ? Nous savons qu’il n’y avait pas de chef religieux suprême ici au Mali, chaque chapelle se nourrissant de ses ardeurs, si bien qu’on en était venu à supporter les potions. Les Maliens vivaient donc calfeutrés dans leurs convictions religieuses. Aujourd’hui, nos chefs religieux jettent un autre pont.
De ces aventuriers, des irréductibles d’une religion instrumentalisée, «réduits à la cuisson» dans l’Adrar des Iforas par les troupes coalisées, qu’aurions-nous à pleurer ? Plus d’une trentaine de tués (Maliens et Tchadiens confondus), 4 Français tués et 500 jihadistes abattus ! Comme nous l’avons déjà dit, il nous faudra sans cesse rejouer la leçon des montagnes de Tigharghar pour mesurer oh combien l’arrêt de la marche du salafisme guerrier nous aura coûté. Le Mali y jouait un destin dans ces surélévations caillouteuses, un destin subi, mais éludé par la bravoure de ceux qui venaient se battre à nos côtés. Les éclairs d’orage des tirs de l’aviation française ont tout donné et mis à nu la vérité critique de nos armées. Les Maliens, en fait, ont vu le spectacle de la guerre, mais ils entendent (plutôt) le tonnerre. Les jours précédents, on aura assisté à un précipité vertigineux de notre diplomatie envers nos hôtes soldats morts ici pour la bonne cause : la nôtre. Les chefs religieux musulmans ont donné le ton de notre contrition devant les pertes subies par les Tchadiens. Est-ce à eux de le faire en premier ? Les autorités ont fait ce qu’elles ont pu, et les religieux à leur tour ont organisé des séances de prières collectives en la mémoire des disparus. Dans la foulée, ils n’ont pas voulu s’arrêter là.
L’abécédaire du HCI sur la charia
Un document ramassé et structuré autour de quelques mots clés. Il revenait au HCI de dire des vérités encore ineffables. En l’absence de tout autre document qui aurait pu sortir des concertations nationales maintes fois annoncées, le HCI nous sert ici un catalogue. Les religieux voulaient, semble-t-il, avoir l’œil juste et les mains pures, comme on dit. Mais combien étaient-ils des Maliens parmi nous prêts au soutien à apporter à ces apprentis sorciers de la charia «instrumentalisé» ? Les chefs religieux ne nient pas la crise, et c’est pourquoi ils refusent la dette que nous laissaient ces jihadistes. Ils ne voulaient donc plus prolonger un autisme des faits néfastes déjà connus et répertoriés depuis les 9 mois écoulés. En se posant en conquérants, les jihadistes avaient puisé dans les poubelles de l’histoire des mesures ne pouvant aboutir qu’à une pénurie de liberté. Est-ce pourquoi nos religieux viennent à demander à ce qu’on n’emploie plus les mots islamistes et jihadistes pour désigner ces anciens maîtres du terrain ? Ils veulent s’inscrire dans «le bonheur de la raison» en prenant la foi des deux mains. Vaine lucidité, penseront sans doute des contradicteurs, car il revenait au politique le triste privilège de faire entendre la détresse de notre laïcité si mal en point. Nous devons peser ici les mérites et les ambitions de nos chefs religieux. Les hordes «barbares» qui se disaient musulmanes sont entrées chez nous par la porte et elles étaient prêtes à venir jusqu’à nous par la fenêtre. Enfin rassurez-vous, si notre société avait bien l’air soudée par ses peurs au lieu de l’être par l’espérance collective et le respect d’autrui, dans ce cher vieux pays, le plus cher de notre patrimoine, n’est-ce pas la religion qui nous est restée ?
S. Koné
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Article bien écris, avec précision et clarté. Rarement un article des journalistes maliens atteignent un tel niveau de concision (excepté ceux d’Adam Thiam bien entendu).
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