Connais-tu mon beau pays ? Les enjeux historiques du patrimoine malien

14

Dans un contexte de guerre civile, les islamistes d’Ansar Dine, qui contrôlent désormais le nord du Mali, ont déjà détruit plusieurs mausolées d’imams. Les manuscrits de Tombouctou sont également menacés.

Si de nombreuses voix viennent de rappeler à juste titre l’importance de ce patrimoine, l’histoire qu’il porte, comme si elle était bien connue de tous, est rarement explicitée.

Quelques rappels relatifs à l’Afrique « médiévale » ne seront peut-être pas inutiles à la compréhension des enjeux du patrimoine malien.

L’affirmation de l’islam en Afrique de l’Ouest (VIIIe-XIIe siècle)

Dans les années 640-650, sous les califes Omar et Othman, l’expansion politico-religieuse de l’islam atteint la partie nord du continent. La religion de Mahomet apparaît en Afrique subsaharienne au VIIIe siècle.

Cette influence religieuse de l’Afrique du nord a pour vecteur le commerce transsaharien. Des textes arabes attestent l’existence devoies commerciales caravanières dès le VIIIe siècle. Tenus par les musulmans arabo-berbères, le sud du Sahara et des villes commerciales telles qu’Aoudaghost servent d’interface. L’Afrique subsaharienne importe des étoffes, du sel, des armes, et exporte des esclaves et surtout de l’or. Cet or fait bientôt la richesse del’empire du Ghana.

Le commerce transsaharien au temps du Mansa Moussa (Atlas catalan, XIVe siècle.)

Les habitants sont partagés entre l’animisme et l’islam. Dans une partie de la capitale ghanéenne, Kumbi Saleh, les imams jouent un important rôle d’encadrement social et religieux.

A la suite des pressions exercées par les musulmans almoravides (XIesiècle) et du déclin des ressources, l’empire du Ghana s’effondra au profit du royaume animiste du Sosso (XIIe siècle). Il faut attendre le XIIIe siècle pour que l’islam devienne une religion officielle dans la région, au sein de l’empire du Mali.

L’islam dans l’empire du Mali et dans l’empire Songhaï (XIIIe-XVIe siècle)

C’est au contact d’un marchand arabe que le chef mandingue Baramendena s’était converti à l’islam au XIe siècle. Après lui, ses successeurs en font de même et persécutent les polythéistes. Si les élites se convertissent, bon nombre des habitants de la région perpétuent toutefois l’animisme, y compris dans la clandestinité.

Au XIVe siècle, en plein apogée de l’empire malien, le roi, appelé le « Mansa », Moussa (1307-1332) fait à La Mecque un pèlerinage particulièrement remarqué.

Le récit d’Al-Umari (XIVe siècle) témoigne de la piété, mais aussi de l’orgueil de Moussa durant cet épisode qui le rend célèbre dans le monde arabe :

« Il accomplit les rites du pèlerinage, il visita le tombeau du prophète. […] Moussa, durant son séjour au Caire […] avait la même attitude de piété et de direction, vers Allah. […] Un témoin m’a raconté : “ Je lui ai suggéré de se rendre au palais pour rencontrer le sultan, mais il a refusé sous le prétexte que son voyage n’était qu’un pèlerinage. J’ai bien compris qu’une telle rencontre lui répugnait parce qu’il lui aurait fallu, face au sultan, baiser le sol, ou encore lui baiser la main. Il fut noble et généreux, faisant largement l’aumône et le bien. ”

Mansa Moussa contribue par ailleurs fortement à l’expansion de l’islam et des sciences au Mali. Il envoie des étudiants se former dans les universités marocaines, fait bâtir des écoles et des bibliothèques.

Tables d’astronomie (manuscrits de Tombouctou)

C’est à cette époque que l’on doit une bonne partie desmanuscrits de Tombouctou. Mathématiques, physique, astronomie, botanique, histoire et bien sûr religion sont autant de domaines explorés par les auteurs de ces textes.

Si l’alphabet arabe y est omniprésent, il permet la transcription d’autres langues, jusqu’alors cantonnées dans l’oralité : le peul, le bambara ou encore le songhaï.

Outre leur contenu scientifique, ces manuscrits sont donc aussi porteurs de l’influence du monde arabe, du rayonnement scientifique de Tombouctou, mais aussi de l’étape décisive de l’affirmation de l’écriture dans la société malienne.

Grâce à l’architecte andalou As-Sahili, Moussa fait aussi bâtir la mosquée Djingareyber, celle-là même dont plusieurs mausolées annexes ont été détruits au cours des derniers jours.

La mosquée Djingareyber de Tombouctou – la cour principale (Taguelmoust)

Constituée de terre crue (ou “ banco ”), cette mosquée, depuis près de sept siècles, demande un entretien annuel sous l’égide des imams, ce qui a permis, d’une certaine manière, aux habitants de Tombouctou de s’approprier l’édifice au fil des générations.

Ce rayonnement atteint son apogée sous l’empire Songhaï (XVe-XVIe siècle). La mosquée Djingareyber est alors reconstruite et agrandie dans les années 1570 sous l’égide de l’imam Al-Aqib. La loi islamique est instaurée et de nombreux savants sont parrainés par le roi, ce qui fait de Tombouctou la première université islamique d’Afrique de l’ouest.

Un patrimoine en cours de destruction

Ces dernières semaines, les destructions de mausolées à Tombouctou, et notamment de ceux de la mosquée Djingareyber, sont intervenues après l’appel à l’Unesco du gouvernement malien de Bamako (dans la partie sud du pays).

L’Unesco a répondu favorablement en classant le patrimoine de Tombouctou parmi les sites “ en péril ” le 28 juin dernier.

En entamant ces destructions, les islamistes d’Ansar Dine ont montré au monde entier que Bamako, même avec l’appui des institutions internationales, n’avait plus aucun pouvoir sur le nord du pays.

Pour demander l’arrêt des destructions, la communauté internationale serait désormais contrainte de s’adresser aux islamistes, ce qui impliquerait de reconnaître leur légitimité sur Tombouctou.

Ces destructions ont aussi des motifs religieux : le courant salafiste wahhabite, qui domine au sein d’Ansar Dine, revendique “la pureté des origines” et ne tolère pas que des mausolées d’imams soient adorés. De nombreux manuscrits jugés “ impies ” sont également menacés.

Des enjeux aux multiples facettes

Les enjeux historiques de ce patrimoine sont pourtant multiples. Les bâtiments, souvent porteurs de sources archéologiques, ainsi que les manuscrits, constituent des sources d’information nécessaires au travail des historiens.

Ces documents sont d’autant plus précieux que les historiens africanistes sont confrontés à la maigreur du corpus documentaire. Les constructions traditionnelles en terre crue résistent rarement à l’épreuve du temps. Ces chercheurs sont surtout confrontés à la difficulté d’étudier des civilisations sans écriture.

Ils recourent ainsi à des récits extérieurs (ceux des marchands arabes le plus souvent), mais aussi aux sources orales : il s’agit d’enregistrer des entretiens, de recueillir des récits transmis de génération en génération et de les recouper avec d’autres informations.

L’institut Ahmed Baba (IHERI-AB)

Les manuscrits maliens sont donc aussi rares que précieux. Depuis 1973, avec l’appui de l’Unesco, le centre Ahmed Baba de Tombouctou collecte ces manuscrits. Il en recense aujourd’hui 30 000, et a même entamé un programme de numérisation. Cependant, la majorité des textes demeure dans les familles et, dans le contexte actuel, se trouve soumise à tous les risques.

La mise “ en péril ” de ce patrimoine intervient paradoxalement à un moment où le monde occidental – et notamment la France – s’intéresse de plus en plus à l’histoire de l’Afrique précoloniale : mise à part la polémique suscitée en 2007 par le discours présidentiel de Dakar, les collections du musée du Quai Branly, inauguré en 2006, et l’apparition de l’Afrique “ médiévale ” dans les programmes scolaires en 2010 (10% du programme d’histoire en classe de cinquième ) confirment cette tendance.

Ce patrimoine joue aussi et surtout un rôle de support de mémoire, d’histoire et d’identité pour les Maliens, en quête d’Etat et de développement. Ce sont aussi ces piliers que les islamistes sont sciemment en train de détruire pour imposer leur propre conception de l’islam et leur métarécit.

L’expérience tend à montrer, en outre, que quand la culture est menacée, les outrages à l’encontre des droits humains et des vies ne sont jamais loin.

Par Camille Pollet – Publié le 17/07/2012

Rue89.com

 

Commentaires via Facebook :

14 COMMENTAIRES

  1. Dieu échappera toujours à la conception qu’on peut en avoir au travers de nos religions circonscrites dans nos limites humaines .
    Mon Dieu est bien au delà de tout,et Il est en toutes choses .Qu’Il soit défini comme Unique (qui unit ) ne m.empeche pas de pouvoir concevoir qu.Il puisse être aussi légitimement célébré comme multiple ou révéré dans la puissance des éléments et par la terre nourricière ..
    Nous ne détenons tous que des bribes de La Vérité ,qui ouvrent pourtant à chacun ,dans le contexte de nos differentes cultures ,les chemins de notre spiritualité .

  2. Dieu a crée l’homme et s’il est évident que l’homme a crée la politique adoptée par lui-même et que cette politique prend en otage son auteur et le peuple, cela ne peut que démontrer l’impéritie totale dans la gestion du pays.
    A cet égard, si l’on ne s’en prend pas à l’auteur et son régime incapables de sauver le sort de son peuple alors pourquoi s’en prendre à l’aveuglette au secoureur en se livrant à des conjectures de toutes sortes.
    Enfin, je ne comprends pas cette obsession jouissive de la CDEAO et les instances internationales à mettre en sommeil toutes interventions rapides alors que les voyous du nord devraient connaitre des sorts exemplaires depuis le mois passé.
    Quelle manœuvre hilarante de la part de la CDEAO !
    Nous devons impérativement nous lever pour voir clair les conséquences d’arguments fallacieux et destructeurs de notre futur loin de toutes réalités car nous ne pouvons pas admettre que les dirigeants responsables de nos cauchemars souhaitent mordicus tenir le gouvernail de notre pays meurtris par les croc- jambes des organisations boiteuses et ses propos savamment préparés pour la circonstance afin d’échouer l’intégrité de notre territoire et d’effacer les traces de l’histoire de notre passer incontestablement riche à tous les égards.
    Nous devons savoir que tous ces remaniements et calomnies ne sont que des moyens dilatoires pour donner le temps aux hommes demain d’atteindre le but destructeur d’une civilisation connue de tous par sa grandeur afin de chercher des documents salvateurs d’une civilisation islamique dont la notion échappe aux imposteurs à force de travestir la réalité du moment et par conséquent en l’empruntant à leur compte la paternité de cette histoire pour une vision à long terme afin de dire leplus tard sera le mieux que l’homme noir n’a pas d’histoire comme disait Sarkozy à Dakar ou de mettre autrement dans le crane d’une génération inculte qu’elle n’a pas d’histoire après avoir effacé toutes les traces matérielles avec l’appui des franc-maçons Africains depuis les indépendances jusqu’aujourd’hui mais en l’occurrence au Mali des moyens mis en place par les acteurs interposés au sud et au nord de notre pays à la solde des prétentieux qui jouent avec des sous pour mettre tout en branle bat sans aucune envie d’intervention pour sauver les humains que pour implanter tout simplement les moyens d’exploitation minière de la région.
    Quelle perfidie !
    En tout cas la liberté de circulation de ces voyous implantés par ses instigateurs ne doit pas nous permettre d’avoir confiance à certaines personnes de ces localités pour la simple raison de leur implication dans cette voyoucratie.
    Donc soyons prudent en cas d’intervention militaire car cette peuplade pourrait s’avérer des épines sous les pieds à cause de leur comportement qui n’inspire pas confiance.
    Ces voyous doivent être combattus avec leur propre arme, comme l’a fait l’Algérie contre son occupant Colonial de l’époque, avec l’implication des pays voisins à savoir qu’à l’avenir aucun de ces pays ne pourrait être épargné de cette contagion.
    En tout cas, ne pas la croire, l’avenir nous dira !
    Cheick

  3. Kumbi Saleh serait une déformation de Kumbi saly (=kumbi ou les habitants font le salat, la prière).Et Ghana viendrait de n’gniana ou ngana(=brave en soninké, Ngana a ni ngana minè ngana…). 😉 😉

    • Seuls les ignorants ou les falcificateurs d’histoire veulent nous faire croire que le nord du Mali appartient aux touaregs. Pourtant les preuves historiques existent à profusion pour montrer qu’ils ne sont que des envahisseurs. Si envahir un pays peut donner des droits, alors le Mali appartient aux français!!!!

  4. 😆 😆 LA CHUTE DU MALI A COMMENCE AVEC LE VOYAGE DU ROI IDIOT KANKOU MOUSSA A LA MECQUE 😆 😆

    😳 😳 CE VOYAGE MALHEUREUX A ATTIRE TOUTES LES CONVOITISES DE L’ EST COMME DU NORD SUR CE PAYS- LE MALI ❗ ❗

    ❗ ❗ LES RELIGIONS ABRAAMIQUES- C’ EST DU BUSINESS ❗ ❗

  5. l’islam a fait saigner l’afrique. Destruction humaine, razzais, viols, esclavages, destruction des cultures africaines. Cette religion comme le christianisme n’est devenue une expansion avec la paix mais s’est imposée avec le sabre.
    L’afrique a été à jamais dépossédée de son âme. L’asie (chine, inde, japon) a gardé ses spiritualités millénaires. Ceux qui vont crier qu’il ya des chrétiens et des musulmans dans ces pays oublient que ce sont des minorités or ici ces religions étrangères sont majoritaires chez vous. On a juste perdu la guerre face aux arabes et aux occidentaux c’est pourquoi l’afrique a perdu toutes ses spiritualités à ne pas confondre avec les fameux fétiches

    • 😉 HOMME DE KAYES, NOTRE CULTURE EST LA, D’ AILLEURS ON DIT BIEN QUE TOUT AFRICAIN MUSULMAN OU CHRETIEN EST UN ANIMISTE CACHE…

      💡 TOUT CE QUE VOUS AVEZ A FAIRE EST D’ OFFICIALISER VOTRE DIVORCE AVEC LES RELIGIONS ABRAAMIQUES ❗

      😆 😆 😆 BONNE CHANCE 😆 😆 😆

Comments are closed.