La semaine dernière, le Général Kafougouna Koné, signataire pour le gouvernement des "Accords" dits d’Alger, s’est rendu dans cette ville à la tête d’une forte délégation comprenant, entre autres, le Contrôleur Général de police Mahamadou Diagouraga, président du comité de suivi des mêmes "accords". Ces distingués personnages emboîtent ainsi le pas à Iyad Ag Ghali, le secrétaire général de la prétendue "alliance démocratique du 23 mai 2006 pour le changement" qui les avait précédés dans la capitale algérienne.
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que ce double déplacement a trait au blocage observé dans la mise en œuvre des soi-disant "accords de paix, de sécurité et de développement de la région de Kidal". Depuis leur signature le 4 juillet par le gouvernement du Mali, les déserteurs touareg de l’armée malienne regroupés au sein de "l’alliance du 23 mai 2006" et le "facilitateur" algérien, aucun acte concret n’a été posé pour matérialiser les belles dispositions contenues dans ce document si ce n’est la mise en place du comité de suivi présidé par Diagouraga et composé de neuf membres dont trois pour chacune des parties signataires.
A l’origine de cette situation, le dialogue de sourds sur fond de méfiance réciproque entre Bamako et Téghargharet, les grottes où se sont réfugiés les bandits armés, une fois commise l’attaque meurtrière contre les garnisons militaires de Kidal et de Menaka, accompagnée du pillage des dépôts de munitions et de vols de véhicules tout terrain appartenant à des ONG venues offrir leur aide aux populations nécessiteuses de la région de Kidal.
Trop pressés d’exercer leur autorité exclusive sur la huitième région administrative du Mali (combien de temps le restera t-elle encore?) Iyad, Fagaga, Bahanga et leurs complices ont écrit au "facilitateur" algérien pour lui demander de faire pression sur le gouvernement malien afin de hâter le retrait des renforts dépêchés à Kidal ; de supprimer les postes de contrôle destinés à renforcer la sécurité ; de suspendre le recrutement au sein des forces armées de 3 000 jeunes, sans doute pour réserver un quota spécial à ceux de Kidal alors que les autres y ont accès exclusivement sur concours ; enfin de libérer toutes les personnes détenues à la faveur de l’attaque-mutinerie du 23 mai dernier.
Sans rejeter ces doléances qui, au demeurant, figurent dans les "accords" d’Alger à l’exception notable de la suspension du recrutement au sein des forces armées et de sécurité, le gouvernement, nous dit-on, a posé un préalable : la restitution des armes et des munitions enlevées, lors de l’attaque-mutinerie du 23 mai, dans les camps de Kidal et de Menaka. Ce que les bandits armés ne sont pas prêts de faire. Selon les "accords" d’Alger, c’est entre les mains du "facilitateur" algérien que cette remise doit se faire. Autant dire que celui-ci porte une lourde responsabilité dans la mise en œuvre de cette disposition capitale.
A supposer qu’il parvienne à retirer les armes et les munitions aux insurgés pour les remettre à leur vraie propriétaire, l’armée malienne et que toutes les doléances qui motivent cette nouvelle rencontre d’Alger trouvent, par extraordinaire, des réponses satisfaisantes, le processus enclenché le 4 juillet ne serait pas sauvé pour autant. Il reste tributaire, en effet, de moyens financiers colossaux que le Mali, quasiment au bord de la cessation de paiement (le cumul des impayés du trésor public avoisine les 50 milliards de FCFA) ne peut fournir. Il ne peut compter non plus sur un soutien extérieur pour financer la création d’unités spéciales de sécurité, la mise en place d’un fonds d’insertion pour les jeunes de Kidal et d’un fonds spécial d’investissement pour la même région. Pour deux raisons au moins.
La première est que, contrairement à la rébellion des années 90, qui avait quelque légitimité politique (la dictature militaro-civile) et économique (une pauvreté insupportable) le coup du 23 mai est une opération spectaculaire montée par un groupuscule qui a voulu faire chanter le pouvoir pour assouvir sa soif d’argent. D’où un désintérêt total, voire la désapprobation des populations touareg convaincues de son caractère purement crapuleux.
La seconde raison est celle-ci : pour consolider la paix après la signature du Pacte national en avril 1992, les bailleurs internationaux ont déboursé des dizaines de milliards de nos francs à travers le Programme d’assistance à la réinsertion économique (PAREM) des ex-combattants touareg. Faute de suivi des pouvoirs publics, cette masse d’argent a été dilapidée par les bénéficiaires et n’a profité ni à la région de Kidal, en terme de création d’activité économique (maraîchage, élevage, transport, commerce etc) ni aux populations kidaloises, en terme d’emploi ou d’amélioration du niveau de vie. De l’argent englouti dans les sables du désert. Sans laisser de trace. Dans ces conditions, on comprend que le forum sur Kidal, prévu en octobre prochain, soit très mal parti. A part la Hollande, aucun pays occidental n’a manifesté le moindre intérêt pour le financement des soi-disant "accords" d’Alger. C’est vrai qu’ils ont mieux à faire au Liban et en Palestine.
Assurément, en signant ces accords, ATT et Kafougouna se sont faits piéger. C’est peu dire que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge.
EL HADJ SAOUTI LABASS HAIDARA
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