Trois ans après la signature de l’accord issu du processus d’Alger, la paix et la réconciliation peinent à s’installer au Mali. À croire que ce document incompris est à l’envers, ce qui pourrait expliquer les difficultés dans sa mise en œuvre.
Cette intervention sera une interprétation de plus, ou du moins, ma lecture à travers certains points saillants qu’il faudrait faire ressortir afin de donner l’alerte sur la dangerosité de l’accord pour la République du Mali… D’abord en commençant par le préambule dans son 2è et 4è paragraphe :
<<Réunis à Alger dans le cadre du processus de négociations défini par la Feuille de route que nous avons adoptée à Alger, le 24 juillet 2014, en vue de parvenir à un Accord pour une paix globale et durable garantissant une solution définitive à la crise qui affecte le nord du Mali appelé par certains Azawad;>>
Ce qui frappe ici c’est le mot “Azawad” qui, dans les termes ci-dessus, ne fait pas l’unanimité, le mot en soi est une appellation touareg qui signifierait «Zone de pâturage où de transhumance». L’Azawad reste une appellation méconnue par la grande majorité des Maliens. C’est à la vieille de la crise de 2012 que le nom a pris de l’ampleur avec la propagande médiatique du MNLA, la zone dite Azawad a une délimitation géographique située entre Tombouctou et Taoudeni. L’Azawad serait une zone jetée dans le désert malien sans population ni rien…
Mais pour les leaders du MNLA, l’Azawad regrouperait toutes les régions du Nord du Mali. Un mythe créé pour s’inventer une histoire pour exister, c’est pourquoi le 4e paragraphe est important. <<Ayant procédé à une analyse approfondie de la situation au Mali, en général, et en particulier la nature des crises que connaît périodiquement les régions du nord du Mali ; Déterminés à éliminer définitivement les causes profondes de la situation actuelle et à promouvoir une véritable réconciliation nationale fondée sur une réappropriation de l’Histoire à travers une unité nationale respectueuse de la diversité humaine caractéristique de la Nation malienne ;>>
Pour exister il faut impérativement une histoire, c’est pourquoi le MNLA invente honteusement l’Azawad qui jusque-là n’est qu’une appellation qui n’est adossée à aucune réalité histoire qui soit prouvée jusque-là. Au Mali, nous avons des appellations communes et acceptées de nos terroirs, on peut en citer entre autres : le Kenedougou, le Bèlèdougou, le Khasso, Soudou Baba, le Méguétan, le Wassoulou, etc.
Tous ces noms renferment des réalités et socio-culturelles et historiques avérées ne souffrant d’aucune contradiction contrairement à la fantomatique Azawad qui reste méconnue des Maliens. À l’école primaire nous étudions les royaumes Kararta, Kenedougou, dogon, songhoi, etc., mais pas l’Azawad. Cela est une preuve qu’il n’y a pas cette valeur socio-culturelle et historique. La zone géographique ne représentant qu’une petite portion du territoire malien qui était une zone de transhumance où s’abreuvait le bétail dans le temps…
Le projet du MNLA serait de se créer une histoire avec un nom, collé à un territoire, où quand bien même existaient des réalités socio-culturelles et historiques étouffant l’Azawad. L’acceptation de l’Azawad serait à tout point de vue une prédominance antérieure à l’empire songhoi, de Tondibi, de ville mystérieuse et honorifique de Tombouctou, à l’existence du Kaarta, du Kenedougou et d’autres encore.
Dans l’histoire commune de la nation malienne, nul ne réussira à fournir le nom d’un quelconque roi de la fantomatique Azawad en nous narrant ses périples. Le dessein serait donc un enfumage pour légitimité et légaliser à travers une usurpation historique une cause inavouée, celle de la création d’un Etat fantoche tombé du ciel par un claquement de doigts avec la bénédiction de la communauté internationale.
Ça ne passera pas !
L’histoire de cette nation ne sera point réécrite du fait que chaque communauté garde jalousement cet héritage. L’histoire reste la mémoire vivante d’un peuple, d’une civilisation, d’un terroir et d’une organisation sociétale… C’est une aberration de vouloir tuer la mémoire vivante de ses différentes populations des contrées du Nord du Mali pour satisfaire des apatrides qui semblent oublier leur propre histoire. Cette minorité retranchée principalement dans la région de Kidal, Ménaka et Taoudeni ne représente en aucun cas les Touareg et Arabes à fortiori les autres sédentaires “Songhois, Peuls, Dogons, Bamabara, Bozos… du nord du Mali. Les Touaregs et Arabes récalcitrants, sans foi ni loi, ne sont pas majoritaires au sein de leur communauté, il faut mettre une mention spéciale sur cela.
L’inversion forcée de rebasculer les choses en plaçant une minorité démographique au-dessus de la majorité démocratique sera en un mot ouvrir des tensions. Jamais, elle n’acceptera cette forme d’esclavage qui ne dit pas son nom. Négligé, banalisé ou même la simple appellation “Azawad” aujourd’hui serait une erreur sans précédent pour le Mali. Le nom Azawad est à combattre car de lui les fondements d’un État peuvent s’ériger facilement.
À titre démonstratif, pour étayer cela, faisons un tour dans le passé… Hier le MNLA avait mis la barre très haut en se prévalant de la paternité de toutes les régions du nord sous l’appellation erronée et éhontée “l’Azawad” avec une délimitation de toute la partie Nord ayant comme frontière Konna “Mopti”. Les régions du Nord tombées dans la main de forces occultes terroristes avec qui le copinage MNLA a pris très facilement. À la suite de l’intervention Serval, la région de Kidal est devenue le dernier bastion où les provocations entre guillemets azawadiens étaient lancées avec le bradage des symboles de l’Etat central…
De l’Azawad est né, le drapeau de l’Azawad ; l’armée de l’Azawad ; les autorités de l’Azawad ; l’hymne de l’Azawad ; le passeport, la carte d’identité et une pseudo-monnaie de l’Azawad. “Beaucoup de choses peuvent se cacher sous l’ordure”. D’une simple appellation toute une symbolique étatique naît.
Ainsi, nous pouvons remarquer la réunion des ingrédients pour aller vers la création d’un État à travers les éléments constitutifs classiques d’un Etat : le territoire, la population; et une autorité. Et revenir dire qu’aujourd’hui ceux-là ont abandonné toute velléité séparatiste serait se rêver les yeux ouverts, au regard des éléments présentés. Ensuite, après la question de l’appellation qu’on essaie d’imposer, en parcourant le document, certains articles peuvent considérablement gêner la République :
L’Article 2 : <<Les Parties s’engagent à mettre en œuvre, intégralement et de bonne foi, les dispositions du présent Accord en reconnaissant leur responsabilité première à cet égard.>> De la signature à aujourd’hui, la bonne foi a cruellement manqué à la CMA dans la mise en œuvre de l’accord, elle a fait preuve de mauvaise foi en piétinant ses engagements, un détail important à ne pas négliger, quant au gouvernement, il a été dupé dans sa bonne foi. Raison pour laquelle, il s’est heurté à d’innombrables problèmes dans la mise en œuvre de l’accord. Le chaos profite à la Cma pour terroriser les populations, opérer davantage les trafics d’armes et de drogue en un mot la présence de l’Etat au Nord est un facteur considérable pouvant gêner ses “néo-Emirs” du désert malien qui s’imposent par les armes et l’injustice sur une population civile désarmée…
Aujourd’hui, au nord Mali, un sédentaire «peau noire» ne peut plus posséder et rouler un véhicule 4×4, la ville de Tombouctou est l’illustration parfaite de cela, on se souvient encore d’une jeunesse qui s’était insurgée contre les Arabes de la citée, les taxant d’être les auteurs et complices de ses forfaits “enlèvement de véhicule avec tirs à bout portant sur les passagers…”, une toute petite minorité de bandits arabes et touaregs ont failli semer un amalgame et une cabale contre ces communautés qui elles aussi sont des victimes collatérales de la déconfiture actuelle.
Idem à Gao aussi, la remarque serait de comprendre que ces cas sont plus fréquents dans les 2 régions sédentaires “Tombouctou et Gao”. Rarement, on enregistre des cas d’enlèvement de 4×4 à Ménaka, Taoudeni ou Kidal ou même que les Arabes et Touaregs en sont les victimes ; les rares cas sont des règlements de compte.
Article 5 : <<Le présent Accord vise à créer les conditions d’une paix juste et durable au Mali, contribuant à la stabilité sous-régionale, ainsi qu’à la sécurité internationale. Il consacre solennellement le règlement concerté du conflit sur la base des éléments suivants : De l’appellation Azawad. L’appellation AZAWAD recouvre une réalité socio‐culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du nord Mali, constituant des composantes de la communauté nationale. Une compréhension commune de cette appellation qui reflète également une réalité humaine, devra constituer la base du consensus nécessaire, dans le respect du caractère unitaire de l’Etat malien et de son intégrité territoriale. >>
Il est impensable d’avoir un consensus sur du faux qui risque de s’imposer à long terme sur la réalité, on peut parler de consensus s’il y a une once de vérité dans l’argumentaire avancé par les belligérants. La vérité reste que Azawad n’est et ne sera qu’une zone bien déterminée de transhumance inhabitée. La seule réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique ne peut être que celle-ci.
En continuant sur le dernier point de l’article 6: <<assurer une meilleure représentation des populations du Nord du Mali dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République.>> On se rend compte que la notion de République n’a plus sa raison d’être, le Mali reste une République démocratique, en favorisant des populations au détriment d’autres, cela risque d’ouvrir la voie à d’autres rébellions. Comment peut-on offrir des postes par complaisance ou par pression sur la base d’appartenance éthique ou géographique à une partie de la population d’un pays et laisser l’autre accéder aux postes par concours ?
L’égalité des chances devient une banalité et violerait en même temps la constitution qui met tous les citoyens sur le même pied d’égalité en droits et en devoirs. En retournant la situation avec un langage plus simple, cette partie suppose que les ressortissants du Nord seront recrutés sans passer par concours ou pris sans mérite juste parce qu’ils sont du Nord du Mali. Il ne faut jamais oublier que les problèmes qui existent au Nord sont les mêmes qui existent un peu partout au Mali, cette sélectivité qui a déjà commencé avec déjà un 1er lot de recrues dans la fonction publique, par décret ministériel, est une insulte à la République toute entière. Je plains sincèrement ici les jeunes mouvements de chômeurs qui ont accepté de passer sous silence cette situation, qui n’a été aucun secret, ils ont accepté après de longues années d’études que certains soient recrutés dans la fonction publique sans concours pendant qu’ils cumulent des années de chômage…
Cautionné cela serait une façon de contribuer à la partition, les uns ont le statut de citoyens “VIP” et les autres des moins que rien juste parce qu’ils n’ont pas pris des armes pour réclamer leur part. Le même problème surgit encore dans l’Article 14, cette fois, côté budget : <<L’Etat s’engage à mettre en place, d’ici l’année 2018, un mécanisme de transfert de 30% des recettes budgétaires de l’Etat aux collectivités territoriales, sur la base d’un système de péréquation, avec une attention particulière pour les régions du Nord, selon des critères à déterminer.>>
Il est clair que la crise a mis à terre cette partie du Mali, mais il ne faut pas aussi oublier que les régions nord du Mali ont bénéficié d’investissements colossaux pour un développement réel au détriment du reste du Mali. Dire que le nord Mali a été délaissé par l’Etat serait un déni, des projets à coup de milliards ont été lancés dans cette partie mais à chaque fois la mauvaise gestion prime sur l’exécution correcte desdits projets de développement, une vérité à ne pas perdre de vue.
Les Kaysiens n’attendent point l’Etat pour entreprendre des actions de développement dans les localités respectives de la région de Kayes contrairement à ceux-là qui se font passer comme les mandataires des ressortissants du Nord, ceux-là mêmes qui étaient en Libye servant Khadafi, revenus au pays souvent avec un dialecte touareg sauvage différent de celui parlé au Mali. S’ils ne sont pas dans la rébellion, ils sont dans le trafic de drogue transfrontalier entre le Mali, le Niger, l’Algérie et la Mauritanie.
Il est question de reconstituer l’armée nationale dans l’accord avec une réintégration et intégration des ex-rebelles et autres, cette approche tuerait l’armée républicaine. On ne peut constituer une armée sur une base ethnique où d’appartenance géographique, le métier des armes est une volonté, une conviction, un amour, le réduire à une affinité de choix calquée sur de la récupération d’éléments à recycler, juste pour une paix serait la fin de l’armée “c’est la clochardisation de l’armée qui déjà peine à avoir sa puissance d’autre fois “. Et pour aller plus loin, l’article 23 : <<Les Parties conviennent de la nécessité d’entreprendre, en profondeur, une Réforme du secteur de la sécurité (RSS), en tirant les leçons des expériences passées et en s’appuyant sur les documents pertinents de l’Union africaine et des Nations unies.>>
À la lecture de ce passage, je retiens que les expériences du passé sur cette question ont été terribles pour les soldats, lesquelles expériences font resurgir la peur et la méfiance. On se souvient de la désertion de ceux-là qu’hier l’Etat a eu à intégrer, qui, sur le chemin du Front, ont brillé par la traîtrise en poignardant le frère dans le dos, donnant la position aux ennemis, l’égorgeant dans son sommeil. Voici des expériences douloureuses et l’on propose la même formule… à croire que nous n’apprenons pas de nos erreurs, optant pour cela, soyez en sûrs que le même cas se répétera et de plus belle encore.
Sur le plan de la justice, déjà le gouvernement a failli en annulant les mandats d’arrêt contre certains dignitaires de la rébellion, pendant que l’article 46, dans son point 6, dispose : la <<non amnistie pour les auteurs des crimes de guerre et crime contre l’Humanité et violations graves des Droits de l’homme, y compris des violences sur les femmes, les filles et les enfants, liés au conflit ;>>
Peut-on parler de réconciliation lorsqu’on voit les bourreaux d’hier gouverner les victimes, les Djéri, Bilal Ag Chérif, etc., sont des criminels de guerre…ils ne peuvent semer le désordre et s’en sortir idem, avec des faveurs et privilèges de surcroît. Déjà, on les voit à Bamako où ils sont accueillis avec tapis rouge, logés dans les hôtels huppés, roulant dans les V8. Ils ont libéré des criminels en catimini, fait de certains des ministres et cadres de la République en avançant des arguments fallacieux et blessants, prétendument «qu’aucun sacrifice n’est de trop pour la paix». Oui à une paix mais à une justice d’abord, sans cela, rien ne sera possible.
Aucune paix ne se forgera sur l’injustice !
Enfin l’article 65 : <<Les dispositions du présent Accord et de ses annexes ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement express de toutes les Parties signataires du présent Accord et après avis du Comité de suivi.>> Il est clair que cet accord n’est ni la bible ni le coran pour que les termes ne soient revus plutôt que de se heurter à des tensions inutiles qu’il y ait des concertations inclusives et cette fois, pas que des acteurs présents à la signature de l’accord mais de toutes les composantes de la nation malienne, car dans l’accord ceux appelés “Partie” ne sont pas les représentants des populations.
«La Cma n’a reçu aucun mandat des populations du Nord en général et en particulier des Touaregs et Arabes» ; la plateforme «ne représente pas non plus ces populations» et le gouvernement a agi en son nom sans une consultation au préalable du peuple malien par voie représentative, c’est-à-dire l’Assemblée nationale, ou même par référendum pour approuver l’accord…c’est son seul choix qui se trouve imposé à un peuple qui aujourd’hui est assez outillé pour le rejeter en l’état.
Le Nord du Mali est actuellement le sous-bassement du Mali, s’il s’écroule, c’est tout le Mali qui le sentira d’où les uns et les autres devront comprendre que ce combat n’est nullement pas une question de nordiste ou autre, mais le combat d’une Nation toute entière sans distinction aucune. L’anticipation reste la meilleure arme. D’ores et déjà, il est question de rétablir la vérité et de dire non à toute tentative de morcellement du Mali. Il ne sera plus permis aux leaders de la CMA de venir se pavaner dans les hôtels pendant que Kidal sera fermé au reste du Mali…
Il est aussi temps que le peuple souverain demande des comptes aux gouvernants qui se sont rendu auteurs ou complices des dérives autour de cette question de l’accord d’Alger ! D’autres points noirs minent cet accord car, à chaque lecture, on décèle d’autres pièges.
Ibrahima BEN
Je suis ému par cette bonne analyse de Ibrahima BEN qui me rappelle la conférence organisée par le Réseau Citoyens Maliens en Mai 2017 à l’université de Bamako sur la colline de Badala et que j’avais animée en développement le thème “Deconstruire le Mythe Azawad – rêve”, un mensonge et cauchemardesque devant des étudiants de nos facultés avaient filmé ma conférence et la partagé sur Facebook.
S’il se trouve un de mes auditeurs sur Maliweb, il pourrait confirmer que Ibrahim BEN et moi, nous sommes sur la même longueur d’onde!
Sincèrement
Bonjour
Il n’y a pas d’autres alternatives pour éviter de se taper dessus.
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