L’Accord d’Alger ne finit pas d’alimenter les chroniques et la controverse. Au moment où la séance d’explication s’essouffle, faute d’arguments convaincants, et que le citoyen lambda, blasé, est presqu’à bout de patience, le Parti du Tisserand, qui n’a jamais fait mystère de son opposition à l’Accord d’Alger, porte son offensive sur le terrain parlementaire et judiciaire : saisine de la Cour constitutionnelle pour avis sur la conformité de l’accord d’Alger avec la Constitution et l’interpellation du ministre de l’administration territoriale, le général Kafougouna KONE, principal artisan de cet Accord, à travers des questions orales devant les députés de l’Assemblée nationale. De belles empoignades en perspective !
La position des Tisserands, sur l’Accord d’Alger, est connue : sans aucune ambiguïté, le Rpm, qui a publiquement fait connaître ses réserves sur l’Accord d’Alger, depuis le 12 juillet dernier, n’y voit que recul démocratique, fragilisation de l’unité nationale, stigmatisation identitaire d’une communauté nationale… En effet, à l’issue d’une réunion du bureau politique national du parti, tenue sous la présidence d’IBK, président du Rpm et non moins celui de l’Assemblée nationale, les Tisserands, après s’être indignés des circonstances de la signature de l’Accord d’Alger, l’ont systématiquement dénoncé dans des termes non équivoques. Le parti des Tisserands, qui a rappelé à l’occasion les douloureuses circonstances liées à l’attaque, le 23 mai dernier, des garnisons de Kidal et de Ménaka, est l’une des rares composantes de la classe politique nationale à exprimer ouvertement son rejet de l’Accord d’Alger. Il l’a fait sans ambages en déplorant l’opacité dans laquelle le dossier a été géré. «Personne ne souhaite jamais la guerre. Mais s’agit-il de cela ? Nous disons non. Ne nous laissons pas abuser. Il y avait simplement des responsabilités à assumer et rien d’autre. Traiter les problèmes aux véritables niveaux où ils se posent. C’est tout! Les rodomontades n’y changent rien !
Dans un préambule volontiers amnésique sur le contexte et les évènements du 23 Mai 2006, on apaise le peuple, on le trompe en affirmant la fidélité aux principes fondamentaux de la République. C’est trop facile, mais le contenu du document édifie, dès l’abord, sur les abandons et la démission. Les mots sont aussi têtus que les faits. On dit que la parole s’envole, mais l’écrit reste. Chacun sait donc à quoi s’en tenir. Tous les principes sacro-saints d’égalité, de justice et de solidarité sont malmenés.
A terme, cet Accord pourrait desservir même ceux-là au profit desquels il est censé être signé.
Le peuple malien est UN et INDIVISIBLE. II est dangereux pour la stabilité du pays et l’harmonie intercommunautaire, de donner à penser que telle communauté, ou telle région ou ethnie serait plus digne que d’autres de traitements au relent discriminatoire.
Cela expose la dite communauté elle-même à une stigmatisation dangereuse et inutile.
Tout le processus qui a conduit à l’Accord dit d’Alger s’est déroulé de façon monarchique. Le fait du prince n’est pas acceptable dans une démocratie. A moins que notre régime politique ait changé », a laissé entendre le Rpm dans une Déclaration qui continue de faire grand bruit.
Protestation politique
Le Rassemblement Pour le Malin qui a donc dénoncé ouvertement et qui a refusé de donner son aval et sa caution à l’Accord d’Alger parce que juridiquement mal élaboré, avait dans la même déclaration instruit à tous ses militants, «députés et cadres en mission, d’user de toutes les voies démocratiques, notamment parlementaires, pour informer et édifier le peuple malien sur la signification réelle de ce qui a été signé à Alger, le 4 juillet 2006, en son nom ». Un Accord qui, à son entendement, «n’est d’aucune manière une garantie pour la sauvegarde de la paix dans le nord de notre pays ».
C’est donc en toute logique que les députés Rpm envisagent très sérieusement la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle cette semaine afin qu’elle donne son avis sur la conformité de l’Accord d’Alger par rapport à la constitution. En fait, selon des sources concordantes, le seul objectif du parti, en optant pour cette la saine de la Cour constitutionnelle, c’est d’enrayer toute polémique en la matière en permettant à une juridiction compétente de se prononcer sur la constitutionnalité ou non de l’Accord d’Alger. Au sein du Parti du Tisserand, l’heure est donc à cette bataille judiciaire, pour laquelle une commission assistée d’une pléiade d’avocats constitués est à pied d’ouvre pour apprécier et monter la requête adressée à la Cour constitutionnelle.
En effet, la polémique fait rage et elle est entretenue par les plus hautes autorités sur la conformité de l’accord d’Alger par rapport à la Constitution. Or, le Parti d’Ibk et beaucoup d’observateurs estiment pour leur part que la loi fondamentale du Mali a été violée. Aussi, pour couper cours à la controverse stérile, les Tisserands entendent-ils porter le débat devant le juge constitutionnel pour trancher définitivement la question. Sans préjuger de l’attitude du gouvernement quant au respect de la décision de la Cour, seul juge en matière du contrôle de constitutionnalité au Mali.
Interpellation du ministre
La même démarche, telle qu’elle a été instruite par le bureau politique national du Rpm, est liée à la volonté du Parti du Tisserand d’informer et d’édifier les citoyens maliens sur la signification réelle et l’applicabilité de ce qui a été signé à Alger le 4 juillet dernier. Dans cette quête de vérité et de transparence autour du texte de l’Accord d’Alger, le parti du Tisserand compte beaucoup sur ses députés, lesquels sont invités « d’user de toutes les voies démocratiques, notamment parlementaires pour faire connaître l’Accord du 4 juillet » par le plus grand nombre des Maliens. Un appel voire une instruction partisane de la direction politique qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et ne restera pas longtemps sans suite au niveau du groupe parlementaire Rpm. Après l’initiative en cours du groupe parlementaire de requérir l’avis de la juridiction constitutionnelle sur la légalité du texte, c’est à titre individuel qu’un député du même parti, Boubacar TOURE, en conformité avec les recommandations de son parti, a opté pour les questions orales transmises la semaine dernière au bureau de l’Assemblée nationale. Il s’agit, pour l’honorable Boubacar TOURE, d’interpeller le ministre de l’Administration territoriale, le général Kafougouna KONE, artisan principal de cet accord fort décrié, sur certains de ses contours juridiques et financiers, son contenu, ses similitudes avec le Pacte national, son applicabilité…T toutes choses autour desquelles, pour l’instant, une grande opacité est maintenue.
Aussi, le député interpellateur, qui a introduit les questions orales pour la semaine prochaine, espère-t-il, par ce procédé démocratique, débattre avec le ministre de l’administration sur le contenu, l’évaluation et les similitudes entre le pacte national, signé en avril 1992, et l’accord d’Alger, dont certains contours sont jusqu’ici restés dans l’opacité dans la plus totale. De la même manière, en guise de transparence démocratique, le député interpellateur s’attachera, à l’issue de cette interpellation, aux conditions de signature, d’explication et d’applicabilité de l’Accord d’Alger.
Dans tous les cas, c’est aujourd’hui même, ce lundi 7 août, que le bureau de l’Assemblée nationale statuera sur le sort de la requête du député interpellateur, telle qu’elle a été conçue par son auteur. Dans les dispositions du Règlement intérieur, il semble que le bureau de l’Assemblée nationale, qui doit examiner la question, n’a pas beaucoup de choix d’autant que la règle en la matière accorde la priorité aux questions orales des députés, lesquelles sont aussitôt programmées pour la prochaine séance publique de l’hémicycle. Si le Règlement intérieur du parlement est respecté, le face à face Boubacar TOURE et Kafougouna KONE pourrait avoir lieu à la séance plénière du jeudi prochain.
Le Général Kafougouna pourra-t-il se trouver une porte de sortie prétextant des vacances gouvernementales ? Selon des sources proches de Bagadadji, l’examen et le vote de la loi électorale est prévue pour le 14 août. Or, c’est bien le même ministre de l’administration territoriale, maître d’œuvre du projet de loi électorale, qui doit le défendre devant les élus de la Nation. Donc, comme on le voit, il y a peu ou presque pas d’échappatoire pour le gouvernement d’éviter le débat public sur les accords. A moins que la loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne passe, elle aussi, à la trappe pour bloquer le jeu démocratique et parlementaire comme on le remarque à chaque rentrée parlementaire avec la fâcheuse tendance des coups de force au nom et pour le compte du président ATT.
Affaire à suivre
Par Sékouba SAMAKE“