Le réveil du démon communautariste

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Un hélicoptère Puma survole un village entre Gao et Bourem, au nord du Mali
Un hélicoptère Puma survole un village entre Gao et Bourem, au nord du Mali, le 17/02/13 (Pascal Gyot/AP/SIPA)

Auparavant, en début de semaine dernière, les événements de Tabankort ont causé des répercussions dramatiques à Gao où la MINUSMA était prise à partie pour  des présomptions de traitement sélectif des parties en conflit. A l’origine du quiproquo, un accord manifestement mitigé passé dans le dos des mouvements d’autodéfense – quoiqu’il leur soit applicable. Frappé du sceau de la MINUSMA et de la coordination des mouvements de l’AZAWAD, le texte, avant son retrait, envisageait  un schéma de repositionnement des belligérants sans doute défavorable aux mouvements d’auto-défense. Mais il n’en demeure pas moins que l’organisation onusienne ait reçu les éclats d’un choc dont les relents communautaristes sont  si criards et n’ont jamais été aussi proéminents, depuis que «loyalistes» et «autonomistes» se disputent le droit de négocier le destin de la partie nord du Mali en Algérie.

Quoi qu’il en soit, la tragédie de Gao s’est conclue par un regrettable épisode dramatique : trois personnes tuées par balles réelles et une douzaine de blessés graves imputables aux éléments rwandais des forces onusiennes. Et, en attendant d’identifier les responsables par les enquêtes appropriées, ces derniers ne reconnaissent pas avoir tiré sur la foule et certains n’excluent pas d’ailleurs une infiltration des manifestants de Gao par des mouvements adverses.

Divergence d’approches et de tempérament

La vague d’indignations provoquée par la tragédie n’a pas laissé indifférent le chef de l’Etat et lui inspiré l’une de ses rares visites aux habitants de la Cité des Askia. A sa participation longtemps programmée au sommet de l’Union Africaine, IBK a préféré la consolation des nombreuses  victimes et citoyens  meurtris par la réaction disproportionnée  attribué tort ou à raison à la mission onusienne.

En prenant ainsi langue avec les populations de Gao, pour la circonstance,  il a fait la ferme promesse que toute la lumière sera faite sur les tueries et rassuré du même coup  quant aux prétentions utopiques des séparatistes. Ceux qui veulent la division du Mali en auront pour leur rêve, a-t-il laissé entendre, en conseillant néanmoins de ne pas se tromper d’adversaires. La MINUSMA n’en est pas une, mais les ennemis sont plutôt ceux qui veulent son départ du Mali, a martelé le président de la République, arrachant des ovations sans doute pour l’allusion faite au MNLA et alliés, mouvements rivaux de ceux auxquels son audience était acquise.

Il n’en fallait pas plus pour  briser la glace et que se transforme en complicité la distance qui le séparait des  communautés loyalistes du Nord, depuis son accession à la magistrature suprême. Seulement voilà : le profit tiré du renoncement salutaire au voyage d’Addis-Abeba pourrait se révéler en même temps le couteau à double tranchants, le piège qu’il a lui-même demandé aux habitants de Gao d’éviter. Et pour cause : d’éventuelles répercussions négatives pourraient tenir d’abord des présomptions de caution accordée aux mouvements armés loyalistes, puis de l’étiquetage des mouvements rebelles comme des ennemis de la Nation.

Si le franc-parler voudrait qu’ils soient considérés et présentés comme tels pour président de la République, la finesse politique recommande de se hisser au-dessus des catégorisations préférentielles dans une question aux arrière-fonds communautaristes, pour le Pm. Modibo Keïta, selon nos confidences, l’a signifié Vendredi dernier, à l’occasion de ses échanges avec les représentants des partis de la majorité présidentielle et de l’opposition.

Le chef du Gouvernement, qui cumule en même temps les fonctions de Haut représentant du président de la République, a clairement laissé entendre que dans les rangs des groupes armés autonomistes existent bel et bien des éléments fréquentables. Une nuance qui vise sans doute à maintenir sur la table des pourparlers des protagonistes probablement effrayés par le tempérament beaucoup moins conciliant du chef de l’Etat. Jusqu’où pourrait aller une différence de tempérament entre la garant de l’unité nationale et celui qui est chargé de l’arracher à la rébellion ?

A. KEITA

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