À mi-chemin de sa conclusion par l’Etat malien et la rébellion toua reg de Kidal, l’heure du bilan de l’Accord d’Alger semble sonner du côté de chaque protagoniste. Après la récente sortie et les appréhensions du Colonel Fagaga, le Comité de Suivi a aussitôt réagi, en début de semaine, pour ramener les choses à leurs justes dimensions.
L’Accord d’Alger et le processus de paix sont-ils compromis avec les dernières évolutions de la situation dans le Nord-Mali ? Sous la houlette de l’Inspecteur Général de Police Diagouraga, le Comité de Suivi desdits Accords se veut catégorique sur la question : rien ne justifie une quelconque inquiétude sur le devenir des engagements passés avec les ex-combattants. Argument à l’appui, le président du Comité s’est exprimé sur le sujet, lundi matin, dans le cadre d’un point de presse animé en compagnie de plusieurs collaborateurs. On y dénombre le porte-parole de l’Alliance du 23 Mai, Ahmada Ag Bibi, le Directeur Général de l’Agence de développement du Nord-Mali, Mohamed Ag Mahmoud Aklinine, ainsi que le conseiller technique du MATCL, Baba Hamane Maïga.
Ces différents acteurs et témoins privilégiés de l’évolution de la situation au septentrion s’accordent tous à défendre que l’Accord d’Alger, une référence du processus d’apaisement des Régions Nord par le développement, est l’objet d’une attention soutenue, depuis sa signature par les parties concernées en 2005.
Le Comité de Suivi en veut pour preuve une conformité avec le calendrier de mise en œuvre de la quasi-totalité des points retenus de commun accord avec les ex-combattants. Du cantonnement à l’installation des Unités spéciales en passant par le processus de réinsertion ou d’exécution du Programme Décennal de Développement des Régions du Nord, aucun volet n’aspect de l’Accord ne souffre d’une négligence. C’est du moins ce qui ressort du récapitulatif rendu public, à la faveur de la conférence de presse qui s’est déroulée au tout nouveau siège du Comité de Suivi tout récemment transféré à Bamako.
Il ressort dudit document une nette volonté politique et un effort indéniable d’honorer les engagements, à en juger du moins par l’édiction d’une panoplie de mesures règlementaires afférentes à l’application de l’Accord d’Alger. S’y ajoute également des démarches concrètes comme la mobilisation de 377,587 milliards sur un montant de 798,991 milliards nécessaires au financement des 39 projets prioritaires du Programme décennal.
En dépit de l’importance du reste à mobiliser, soit 52,75, le président du Comité de Suivi de l’Accord d’Alger peut se consoler du motif d’optimisme que constitue le démarrage de Taoussa, le plus significatif des 39 projets. Même satisfecit du côté du porte-parole de l’Alliance du 23 Mai, membre également du Comité dirigé par l’Inspecteur Diagouraga. Ahmada Ag Bibi se réjouit, en effet, des avancées enregistrées dans l’application de l’Accord d’Alger et qui traduisent, à ses yeux, l’instauration d’une confiance entre son Alliance et l’Etat malien.
Un bémol, cependant, parce qu’Ag Bibi a estimé, par la même occasion, que des efforts doivent être poursuivis notamment dans la réinsertion des ex-combattants. L’allusion n’est pas tombée dans une oreille de sourd pour autant qu’elle interpelle directement le Directeur Général de l’ADN, et pour cause. En dépit d’une bagatelle de plus de 500 millions déjà engagés pour le financement de 733 jeunes dont 166 parmi les seuls éléments de l’Alliance, la réinsertion suscite encore des grincements de dents attribuables principalement à une divergence d’approches, selon le responsable en charge du processus. À peine enclenché, celui-ci rencontre des écueils en 8ème Région où les violons ont du mal à s’accorder sur la procédure de réinsertion ainsi que sur les mesures de sécurisation de la manne y afférente. Néanmoins, le DG Mohamed Ag Mahamoud a choisi d’atténuer l’ampleur des divergences, mentionnant en résumé que "le diable se trouve dans les détails".
Intervenue comme par hasard au lendemain d’une réapparition insidieuse du Colonel Fagaga sur la scène, une conférence de presse sur l’Accord d’Alger a naturellement provoqué une pluie d’interrogations sur les réelles dimensions des dénonciations et remises en cause venant d’un ancien déserteur très influent parmi les ex-combattants. Sur la question, le porte-parole de l’Alliance du 23 Mai a tenté de lever toute équivoque : Hassan Fagaga ne représentant aucune structure officielle des ex-combattants, ses jugements n’engagent que sa personne et ne saurait être perçus comme une position partagée par les interlocuteurs désignés de l’État malien. Ce n’est pas la première fois que des éléments incontrôlés s’illustrent par de tels comportements, a indiqué Ag Bibi, en rappelant au passage que les éléments de son alliance n’étaient pas totalement unanimes sur la signature d’une paix avec les autorités maliennes. Doit-en déduire pour autant que les signaux lancés par Colonel Fagaga relèvent une initiative totalement isolée ? Le président du Comité de Suivi en est également convaincu, pour avoir attribué l’attitude de son collègue à la seule nature versatile. "Le Colonel Fagaga est un officier qui se singularise par son inconstance et ne pouvait de ce fait diriger les unités spéciales", a déclaration sur son compte l’Inspecteur Mahamadou Diagouraga.
Le paradoxe c’est qu’en dépit de l’obstacle qu’il constitue pour le processus de la paix, le Colonel Fagaga continue de faire figure d’une voix mineure qui apporte périodiquement et impunément le démenti à la réputation de grande muette de l’armée.
A.Keïta