Le paradoxe de la crise sécuritaire au Mali : Quand Barkhane et la MINUSMA se compliquent la tâche

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La force onusienne de la Minusma à Kidal, dans le nord du Mali, en septembre 2015. © Photo MINUSMA/Marco Dormino

Depuis la faillite de l’Etat malien en 2012, le pays est sous la tutelle de la communauté internationale. Et même le très relatif retour à la normale, après des élections présidentielles et législatives, n’ont pu empêcher l’installation durable des Nations-Unies à travers la MINUSMA, mais aussi de la France par Barkhane, ex Serval. Mais aujourd’hui, à l’analyse de la situation sécuritaire du Mali, et à quelques jours de la présidentielle tant attendue, l’idée que la Communauté internationale entretient l’impuissance de l’Etat malien à se sortir de sa crise prend de plus en plus de l’ampleur au sein de l’opinion publique.

Le vendredi 29 juillet dernier, le Quartier Général de la force militaire du G5 Sahel fut frappé par un attentat-suicide. Brutale piqûre de rappel en ces temps de campagne électorale pour prouver encore et toujours la nécessaire prise en compte de l’aspect sécurité, et par l’Etat malien, et par les candidats pour Koulouba. Mais, ce qui laisse plus d’un Malien pantois, c’est l’attitude ambiguë de la Communauté internationale, qui refuserait presque de prendre entièrement partie pour le Mali.

Lorsqu’en fin juin 2013, les troupes de Serval avaient refusé l’entrée des troupes maliennes dans la ville de Kidal, bastion des chefs rebelles, l’incompréhension était totale. Cependant, l’on nourrissait toujours l’espoir que ce n’était peut-être qu’un contrôle de routine avant que les FAMa parachèvent le recouvrement total et entier du territoire national à l’aide de son précieux allié français. Que non ! Cet épisode marque le début d’un désamour de plus en plus de Maliens envers l’Hexagone, qu’ils avaient pourtant applaudi auparavant. A la veille du 14 juillet 2014, Serval devient Barkhane, une opération militaire avec moins d’hommes mais avec un champ d’action censé couvrir tout le Sahel. Entre temps, les rebelles de la CMA, auparavant alliés des terroristes islamistes, ont été réhabilités par la France, et des négociations de paix ont été imposées à la partie malienne.

Pourquoi donc la Communauté internationale, et surtout la France, ne prennent tout simplement pas la décision de mettre à néant la rébellion arabo-touareg et de privilégier seul l’Etat du Mali, bien que failli mais légitime? Telle est la question que le Malien lambda se pose. Une question d’autant plus pertinente que sa réponse permettrait de savoir qui est qui, dans ce vaste désert, où les frontières sont poreuses entre cousins nomades touareg (tantôt terroriste, tantôt rebelle), et où tout le monde a le même style vestimentaire. Résultat, la France est perçue de moins en moins comme le héros qu’il a été lorsqu’elle stoppa l’avancée des terroristes vers le restant encore libre du pays, pour être, de nos jours, le spectateur de l’agenouillement de l’Etat du Mali incapable de faire face à son destin sécuritaire.

Alors certes, la reconnaissance du Mali sera éternelle envers ce pays qui a consenti d’énormes sacrifices humains et matériels dans cette guerre contre le terrorisme. Mais, tôt ou tard, il faudra que la France cesse, quelque part, de prendre fait et cause pour cette minorité minoritaire, qui complique grandement la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. La France devra comprendre que pour une lutte efficace contre le péril jihadiste, des rébellions ne peuvent sévir en quasi parallélisme avec les groupes terroristes.

Une autre question encore sans réponse est celle de savoir si Barkhane a reçu l’ordre de capturer mort ou vif l’Emir de guerre Iyad Ag Ghaly, cousin de beaucoup de rebelles touareg. Là encore, le mystère est total. Car celui qui a revendiqué l’attaque du QG du G5 Sahel semble jouir d’une certaine immunité ; de l’Algérie, selon certains, qui considère le Mali comme sa chasse gardée. C’est peut-être pour ne pas heurter la sensibilité diplomatique d’Alger que la France laisse Iyad vaquer tranquillement à ses occupations. Car l’on comprend assez mal que l’Hexagone avec tous les moyens techniques qu’il dispose, soit incapable de le mettre hors d’état de nuire.

Donc, le Mali, Etat failli, devra son salut que sur ses propres efforts. Et, il se murmure que l’agenda de la MINUSMA et de Barkhane, n’est pas celui du Mali. Les prochaines années nous édifieront.

Ahmed M. Thiam

Thiam@journalinfosept.com

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