Les rebelles, qui ont tiré profit de la désorganisation au sein des forces armées, ont envahi Tombouctou.
[caption id="attachment_57998" align="aligncenter" width="610" caption="Des soldats de l'armée régulière malienne patrouillent aux alentours de Bamako, dimanche matin. © Issouf Sanogo / AFP"]

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Des rebelles touareg ont pénétré dimanche dans Tombouctou, dont la chute annoncée consacre leur mainmise sur la quasi-totalité du nord du Mali, quelques heures après la prise de Gao, capitale régionale. Pendant ce temps, impuissante à endiguer cette progression fulgurante et soumise aux pressions africaines, la junte militaire au pouvoir depuis moins de deux semaines à Bamako a promis le retour au pouvoir civil et la mise en place d'un gouvernement de transition, sans fixer de calendrier.
"Les rebelles sont dans Tombouctou. Au moment où je parle, je les vois (se diriger) vers une banque de la ville", a déclaré un habitant, interrogé depuis la capitale. Son témoignage a été confirmé par plusieurs autres sources précisant qu'on entendait peu de coups de feu. Un civil, un jeune homme, a été tué par un éclat d'obus près de la grande mosquée, selon un habitant. Selon des sources concordantes, les rebelles ont négocié leur entrée avec une milice arabe loyaliste qui avait pris position après la défection de la plupart des soldats réguliers.
"Élections apaisées, libres, ouvertes et démocratiques"
C'était justement pour éviter ce scénario que des militaires ont renversé, le 22 mars, le président Amadou Toumani Touré, qu'ils accusent d'avoir été incapable d'endiguer l'offensive des touareg déclenchée en janvier dans le nord du pays. Malgré le putsch, l'avancée des touareg, dont beaucoup sont rentrés lourdement armés de Libye où ils avaient soutenu le régime Kadhafi, s'est amplifiée sans rencontrer de résistance ces derniers jours, coupant de fait le Mali en deux. Les rebelles s'étaient emparés dans la nuit de dimanche à lundi de Gao, capitale régionale du Nord Mali à 300 kilomètres à l'est de Tombouctou. À un millier de kilomètres de Bamako, cette ville de 90 000 habitants abritait l'état-major militaire pour toute la région Nord.
[caption id="attachment_58006" align="aligncenter" width="512" caption="Le chef de la junte militaire Amadou Sanogo (c) s'exprime à Bamako, sur la base militaire de Kati, en présence de responsables du gouvernement malien, le 1er avril 2012 © AFP"]

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À Tombouctou, des tirs d'armes lourdes avaient visé dans la matinée le camp militaire, déjà abandonné, selon des habitants. Selon des miliciens loyalistes, plusieurs groupes rebelles avaient encerclé la ville, dont le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) - principale composante de la rébellion - et des islamistes. Inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, cette ville historique et touristique est à environ 800 kilomètres au nord-est de Bamako. À Bamako, la junte a promis dimanche le retour à un pouvoir civil et une transition vers des élections à une date non précisée.
"Nous prenons l'engagement solennel de rétablir à compter de ce jour la Constitution (...) ainsi que les institutions républicaines", a déclaré le chef des putschistes, le capitaine Amadou Sanogo. Il a annoncé "des consultations avec toutes les forces vives du pays dans le cadre d'une convention nationale" sous les auspices des pays de l'Afrique de l'Ouest pour permettre "la mise en place d'organes de transition en vue de l'organisation d'élections apaisées, libres, ouvertes et démocratiques". Il a confirmé que la junte n'y participerait pas, mais sans préciser la durée ni les termes de cette transition. Il n'a pas évoqué le sort du président Touré.
Le chef de la junte s'exprimait au côté du médiateur ouest-africain, le chef de la diplomatie burkinabé Djibrill Bassolé, venu négocier les modalités d'un retour à l'ordre constitutionnel exigé par les pays de la région et la communauté internationale. Après avoir brandi la menace d'un "embargo diplomatique et financier" d'ici à lundi, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), a mis, samedi, une force d'intervention de 2 000 hommes en "alerte". Avant même leur entrée dans Tombouctou, l'avancée des rebelles, qui ont tiré profit de la désorganisation des forces armées, a été foudroyante. En trois jours, ils ont pris le contrôle des principales villes de la région qui leur échappaient encore : Gao, Kidal, Ansongo, Bourem.
Nombreuses scènes de pillage
Plusieurs groupes armés prennent part à l'offensive à côté du MNLA, en particulier le groupe islamiste Ansar Dine du chef touareg Iyad Ag Ghaly, principal artisan de la prise de Kidal. Selon certaines sources, des éléments d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) sont présents, ce que le MNLA, d'obédience laïque, dément régulièrement. Le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), une dissidence d'Aqmi dirigée par des Maliens et des Mauritaniens, a également revendiqué sa participation à l'attaque de Gao.
À Gao, les portes de la prison civile ont été ouvertes par des inconnus et plusieurs bâtiments publics ont été saccagés. "Il y a de nombreuses scènes de pillage. Nous avons vu le siège du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) pillé, saccagé par les rebelles. La banque, le Trésor, plusieurs bâtiments ont été détruits", a précisé Ali Diarra, fonctionnaire à la préfecture. "Moi, j'ai vu les barbus aller casser des hôtels comme le mien et des bars, criant que Dieu n'aime pas l'alcool", a témoigné un hôtelier.
Le Point.fr- Publié le 01/04/2012 à 09:27 - Modifié le 01/04/2012 à 18:05