L’Azawad pour les nuls et l’histoire du bon, de la brute et des truands…

La situation de l'Azawad ressemble à quelques exceptions près à un film western dont la régie et la réalisation se trouvent à Bamako.

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Mali: affrontements entre un groupe pro-Bamako et des rebelles touaregs à Kidal
Des soldats de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) à Kidal, le 28 mars 2016 pour un Forum pour la réconciliation. © AFP

La situation de l’Azawad ressemble à quelques exceptions près à un film western dont la régie et la réalisation se trouvent à Bamako. Comme tout bon film, il rassemble des acteurs de préférence célèbres et quelques ingrédients de base comme la recherche de l’idéal, la méchanceté, l’envie, l’amour, le courage, la trahison, la liberté,  etc. ; symbolisé par le contexte interne… et une bonne dose de suspense et de revirements symbolisés par la communauté internationale et ses enjeux. Ainsi, nous allons tenter de voir les acteurs principaux un à un. À commencer par le principal.

Le Mnla, dirigé sur le terrain par le colonel Mohamed Najim, lui-même piloté par un bureau politique, le Mnla joue le rôle du bon qui recherche un idéal d’indépendance et de liberté dans l’unité et la diversité, dans un terreau miné par avance par le Mali et ses partis politiques qui ont œuvré sans relâche à diviser pour mieux régner sur les communautés du Nord toutes ethnies confondues. Créé à Zakak, le Mnla a vu débarquer l’ancien chef de la rébellion des années 90 Iyad ag Ghaly devenu depuis négociateur d’otages, puis salafiste. Ce dernier voulant être kalife à la place du kalife a été simplement éconduit devant le fait qu’il jouait encore le rôle d’envoyé spécial  d’ATT et fricotait avec Belmoktar et Abou Zeid. Un cumul de fonction, dirait-on, impossible sous peine de discréditer la volonté réelle du Mnla de réclamation de l’indépendance de l’Azawad.

Plutôt que d’être compris comme tel, Iyad a vu cela comme une humiliation, un lien avec une vieille histoire passée entre Mohamed Najim et lui dans la bande d’Aouzou, et un message lui étant destiné comme l’homme du passé et du passif. Qu’à cela ne tienne ! Iyad, dit-on, a de la ressource et loin d’être le dernier des idiots, est revenu illico presto dans son Abeibara natal pour préparer le plan du siècle, en partie par méchanceté, en partie par orgueil, et en partie par intérêt. Empêcher à tout prix le Mnla de jouir de l’indépendance de l’Azawad ! L’affaire arrange bien quelques-uns à commencer par le Mali qui l’encourage à faire appel à leurs amis communs d’Aqmi et à l’Algérie. Aussitôt dit, aussitôt fait!

Iyad se lance, son courage lui fait prendre tous les risques pour montrer qui il est l’homme incontournable. Adjelhoc arrive, le Mnla ayant une stratégie très particulière qui consiste à faire le moins possible de victimes et à éviter tout affrontement non obligatoire avec des azawadiens, la ville a été encerclée pendant plusieurs jours avec une puissance de feu sans pareil, et prête à tomber. Iyad, qui avait bien pris le soin de laisser ses “petits” au Mnla, est venu cueillir le fruit de la victoire en envoyant quand même un message au Mali disant que ses amis ne sont pas des enfants de cœur et toute rupture de pacte pourrait l’exposer aux pires horreurs. Le Mali a bien enregistré cinq sur cinq et même allé plus loin pour essayer de mettre les événements de Adjelhoc sur le dos du Mnla en guise de réponse.

Le «pacte» en question

Depuis la signature des accords de Tamanrasset, Iyad est devenu homme d’affaires. Des mines d’or aux GIE, des financements de projets fantômes à Kidal aux enveloppes de Koulouba, des otages aux réseaux internationaux, rien n’échappait à son escarcelle. Trop gourmand, ATT s’est retrouvé fatigué de donner, donner, donner et a tenté de fermer le robinet à Iyad, mal lui en a pris car, derrière Iyad, il y a les intérêts puissants et budgétivores de ses alliés. Le peu intelligent ATT mis donc en place deux vaillants soldats en remplacement avec leurs réseaux ramifiés jusqu’aux campements de l’Azawad. L’un qui s’appelle Ould Meydou dont le réseau est géré par Lobbo Traoré, sa femme. Il comprend tout un parterre de gens allant de Zahaby Ould Sidi Mohamed, fonctionnaire aux Nations Unies, jusqu’à Ould Aweinat, en passant par Dyna Ould Deya. Ce réseau est à la fois politique, économique et militaire.

Ensuite, le deuxième est celui de Elhaj Gamou, directement lié à ATT lui-même, il comprend des douaniers célèbres ex-MFUA, des élus, des conseillers à la présidence et une milice communément appelée Delta très connue à Kidal pour ses actions. ATT a donc fomenté la mise à mort de l’indépendance de l’Azawad en jouant tour à tour sur ces trois tableaux, mettant en avant l’un ou l’autre, selon les circonstances. Parmi les trois, Iyad, le plus intelligent et le vrai guerrier, prend le dessus et devient aujourd’hui seul soutien pour le Mali. Les deux autres ayant lamentablement échoué ne rencontrant plus que méfiance voire dédain de la part du nouveau maître des lieux, le capitaine Sanogo. Le «petit nouveau», peu familier des dossiers, commence alors à comprendre les enjeux. Avec une armée inexistante, il va donc jouer la carte de la publicité à Iyad contre le Mnla et remettre en scelle la fibre patriotique du peuple déjà lobo-tomisée par ATT.

Ainsi, les vidéos de Anasar Edine font fureur à Bamako d’autant que ces dernières passent par Serge Daniel, représentant de l’AFP, qui a réussi lui aussi à se rendre célèbre avec un livre de basse facture sur Aqmi, l’intitulant vis-à-vis des Occidentaux “spécialiste de la question”. Ainsi, ATT, le spécialiste de l’inauguration médiatisée (parfois 3 fois le même bâtiment), est remplacé par Oumar Ould Hamaha “le bouc” émissaire visiophonique d’Aqmi faisant oublier aux Maliens que Adjelhoc, c’est le même Oumar Ould Hamaha et ses hommes. Le peuple malien toujours Lobo-tomisé, même après le départ de ladite Lobo, applaudit à nouveau, remerciant Dieu de leur avoir envoyé l’ennemi de leur ennemi qu’il pense en mesure de mieux maîtriser.

Quant à Iyad, habitué des affaires, il laisse parler à sa place, cheickh Aoussa, d’abord pour tromper les Kel Adgah, ensuite Oumar Ould Hamaha pour les Bérabiches, et pendant ce temps, il évacue sur commande le matériel de la SATOM à Tombouctou vers le Burkina Faso et prend ses royalties habituelles pour la libération «avec une certaine facilité» d’une Italienne aux mains d’Aqmi. Business is business et seul un conseiller célèbre de Blaise Compaoré, vers qui a été orienté l’otage, est aussi fort en affaires de ce type.

Le Mnla dans tout ça ?

Mouvement indépendantiste, le Mnla couvre géographiquement et militairement de In khalid à Léré, évitant volontairement les affrontements et les provocations des islamistes, destinés à lui faire ouvrir un deuxième front et transformer l’Azawad en champ de bataille, il souffre de deux choses. L’interprétation de cette stratégie comme une faiblesse dans un monde où l’adversaire, aussi petit soit-il, brille par ses interventions musclées et son efficacité ponctuelle. L’infiltration en son sein d’éléments pro-islamistes, dont le neveu direct d’Iyad par exemple, qui informent Ansar Edine de tous les plans. Mais il faut reconnaître que sa puissance de feu est intacte et toujours impressionnante, sa diversité est réelle (Touaregs, Arabes, Aonrhaï) et le nombre de ses adhérents est sans aucune mesure incomparable avec celui des islamistes, mais la presse dans la recherche de sensationnel est plus encline à médiatiser le facteur de frayeur occidental que sont les islamistes que des gentils indépendantistes, à la limite présentés comme idéalistes au même titre qu’un mouvement altermondialiste.

Les grandes puissances

Détentrices de tous les moyens, les grandes puissances soufflent le chaud et le froid, loin du temps où fut créée la Société Des Nations, elles ne fonctionnent plus en terme de droits de peuples à l’autodétermination, mais de droit de leurs peuples à exploiter les matières premières pour endiguer la crise planétaire que leurs spéculations financières ont créée. Tout comme en ailleurs dans le Monde, elles sont incapables de voir que le retardement de la reconnaissance d’un état de l’Azawad est, au point où vont les choses, et dans l’Etat de délitement du Mali, la seule alternative à permettre une coopération fructueuse de lutte antiterroriste, mais aussi de règlement de l’actif humanitaire qui ne fera basculer l’ensemble de la sous-région dans le chaos. Comme tout bon film hollywoodien, la suite est attendue dans le 2 ou le 3, avec un changement de réalisateur ou d’équipe de tournage ?

Envoyé par un Azawadien pro-azawadien

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3 COMMENTAIRES

  1. Un anti-Azawad répond à un pro-Azawad!

    Dans mon essai intitulé “Comment déconstruire le mythe azawadrêve ? par Wartehen-Ghaçan
    « Celui qui n’a pas d’os dans son ventre »; Bamako (Mali), le 12 Décembre 2015, je résume ma position “anti-Azawad” comme il suit, par l’extrait, in extenso, de mon introduction. Lisez et commenter, sans modération!

    En brandissant le slogan/cri de ralliement « Libération de l’Azawad », le peu glorieux Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) a occasionné, à la communauté touarègue du Mali, la catastrophe/Almaçibat/Alfitna, la plus significative, de toute son histoire.*
    La communauté de Kel-Tamasheqh appelée « touarègue » par certains, que les rebelles du MNLA, ces Ichoumar SDF sahariens maliano-libyens, mercenaires battus et débandés de la Libye post-Kadhafi, requalifiés « lévriers pisteurs sahariens » et remobilisés par Sarkozy, le néocolonialiste français, en 2011, avaient menti en disant vouloir sauver les touaregs colonisés par le Mali, en libérant l’Azawad. Le Gondwana des ignares Ichoumar, ces marginaux, déclassés sociaux du Sahara, est un vaste territoire imaginaire supposé couvrir toutes les trois régions du Nord Mali où la communauté touarègue minoritaire a des problèmes que sa sortie voulue du Maliba par les azawadrêveurs ne résoudra pas. En effet, la communauté touarègue, minoritaire numériquement parlant au Mali (2% des 17 millions de maliens), en tant que minorité spécifique (10% des populations du Nord du Mali) qui a une visibilité géographique et historique en étant essaimée sur 60% du territoire du Mali et « diluée » dans une masse non compacte de diverses communautés qui, réunies, représentent une majorité régionale de 90%,
    En effet, l’Azawadrêve, réverbéré par l’hyper ensoleillement des pistes de fraudes entre la Libye et le Nord du Mali, en passant par le Nord du Niger et le Sud-Est de l’Algérie, et qui est dans la réalité l’espace couvert par les trois région du Nord du Mali, en ce mois de Novembre 2015, est vide du 1/3 des touaregs, réfugiés depuis 2012, dans les pays voisins (environ 150.000 au décompte de fin Octobre 2015), 50% étant des pasteurs nomades transhumants dans l’espace pastoral du Nord du Mali et 10% de citadins pris en otage dans les centres urbains – Kidal étant le « ghetto des kel Adagh » – par les combattants de la coalition mafieuse des apatrides (CMA) et « Ançar-Chéitan » de Iyad ag-Ghali, le Ben Laden saharien.
    Aussi, la situation ubuesque des brigands désignés par l’euphémisme « combattants armés » de la CMA, tels des clochards en guenille désœuvrés non encore cantonnés, confirme ce que dit l’adage de chez moi relatif à la tentative avortée de « libération de l’Azawadrêve par les bandits armés, des brigands pilleurs : « Celui qui est allé au ciel, lorsqu’il est revenu, il a trouvé que la terre n’était plus là ». Observé à la lumière des évènements en cours, à savoir la recrudescence du banditisme, du terrorisme et le retard de l‘application de l’Accord-Désaccord d’Alger de Mai-Juin 2015, cet adage « catastrophe » est, de façon surprenante, vécu par les gens du MNLA qui déambulent, gaillardement, dans les régions du Nord du Mali, sous la couverture de la MINUSMA (« Minus-amusement »), en assistant, comme des criminels qui reviennent aux lieux des crimes, à des rencontres dites « intercommunautaires/interethniques » ou « tribales », le turban bien accroché en haut, la conscience tranquille parce que personne ne leur demande de présenter leur demande

    • Ajout du texte précédant qui était assez long pour tenir d’un seul tenant dans une fenêtre de commentaires:

      … Aujourd’hui, je suis conforté dans mon diagnostic de 2010 qui posait que le MNLA, en s’attaquant à l’Etat souverain du Mali pour lui arracher de force les 2/3 de son territoire, pour, soit disant « émanciper » toutes ses populations confondues du Nord du Mali, n’a pas fait preuve de bon stratège guerrier. En effet, un bon plan d’opérations militaires de conquête de territoire suppose de procéder par libérer des portions du territoire revendiqué par étapes, en commençant par celle de Kidal parce que c’est le bastion des rebelles touaregs et, mieux, c’est la plus homogène du point de vue peuplement touareg par laquelle le MNLA aurait dû tester l’acceptabilité sociale et la faisabilité du fait de « séparatisme » d’avec le Mali. En ce moment, le seul indicateur objectivement mesurable de l’occupation territoriale azawadrêve est l’enfermement des femmes et des enfants qui n’ont pas pu fuir dans le refuge à rats de Kidal intra-muros que la Tachoumara n’Takaraketh se glorifie d’avoir arraché, par fait d’armes, au Mali.
      Pour déconstruire le mythe azawadrêve, je n’ai pas eu besoin de faire de studieuses et laborieuses recherches documentaires ; je me suis contenté de mettre en forme des documents que je collectionnais et qui traitent de la question depuis le départ en voyage risqué de « la caravane d’ânes » du MNLA, en 2010, sur le « chemin de croix » des Ichoumar, jusqu’à leur arrivée à Canossa, la signature et le paraphe de « l’Accord-Désaccord » de Mai-Juin 2015. En effet, pour ne pas me casser la tête en vaines spéculations intellectuelles, je fais parler les témoins oculaires de la tragi-comédie ichoumardesque azawadrêve pour leur faire dire la bonne morale de chez moi : « la honte est encore plus honteuse quand elle est montrée.»

      Sincèrement

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