L’idée qu’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) puisse récupérer des armes en Libye, notamment certains missiles sol-air, inquiète les pays de la région et les Occidentaux.
Tout aussi préoccupant pour la sécurité régionale est le retour dans leurs pays d’origine de combattants enrôlés par Mouammar Kadhafi, qui pourraient rentrer chez eux aguerris.
Pour l’heure, les retombées du conflit libyen se limitent essentiellement à l’afflux de travailleurs émigrés qui reviennent de Libye pour échapper aux combats.
Certains gouvernements de pays du Sahel pensent que des hommes d’Al Qaïda ont d’ores et déjà reçu des convois d’armes, parmi lesquelles des SA-7 (missiles sol-air de courte portée, de fabrication russe) saisis lors du pillage d’arsenaux abandonnés par les forces fidèles à Mouammar Kadhafi.
Si les cellules d’Aqmi voulaient s’en prendre à des avions de ligne à l’aide de ces missiles, il leur faudrait se rapprocher des villes, et les experts pensent plutôt qu’Al Qaïda utilisera ce type d’armes à des fins défensives, pour se protéger d’attaques aériennes.
Malgré tout, certaines régions reculées de pays comme la Mauritanie, le Mali et le Niger, où les islamistes opèrent aux côtés de trafiquants et autres bandits locaux, sont particulièrement exposées aux retombées du conflit libyen.
"La situation en Libye pose vraiment des problèmes à certains pays d’Afrique de l’Ouest", déclare à ce propos Kwesi Aning, responsable au Centre de formation au maintien de la paix Kofi Annan, au Ghana.
"Il est naturel de voir une partie des armes tomber entre des mains fort mal intentionnées (…). Les Etats ne contrôlent pas la frange nord du Sahel", a-t-il dit à Reuters.
Issu en 2007 du mouvement salafiste algérien du GSPC, Aqmi est devenu de plus en plus actif dans le Sahara.
Ses effectifs ne dépasseraient pas quelques centaines d’hommes, mais l’organisation tire parti de la mauvaise coordination entre pays de la région pour lancer des attaques sporadiques contre des militaires et pour enlever des Occidentaux, ce qui lui a rapporté 50 à 70 millions de dollars sous forme de rançons, estiment des analystes.
L’intense activité diplomatique ces derniers temps dans la région souligne les inquiétudes quant aux retombées du conflit libyen. De même, les craintes de représailles après la mort d’Oussama ben Laden, tué au tout début du mois par les Américains au Pakistan, restent vives.
Pour les dirigeants maliens et tchadiens, des armes pillées en Libye sont parvenues aux bases d’Aqmi dans le nord du Mali, au point que le chef de l’Etat tchadien, Idriss Déby, redoute que cette organisation ne devienne la force la mieux équipée de la région. Un responsable algérien parlé de plusieurs convois.
L’essentiel des inquiétudes porte sur des missiles SA-7 portatifs portés manquants en Libye. C’est ce type d’armes qu’avaient utilisé des membres d’Al Qaïda pour tenter d’abattre un avion charter israélien au Kenya en 2002.
"Ça inquiète beaucoup, car c’est l’une des armes favorites des cellules d’Al Qaïda", explique Peter Bouckaert, l’un des responsables de l’ONG des droits de l’homme Human Rights Watch.
Les autorités de la région sont pleinement au fait de la menace et les craintes d’un attentat "spectaculaire" pour venger la mort de Ben Laden sont bien réelles.
Mais étant donné la courte portée des SA-7 (trois à quatre km), il faudrait acheminer ces armes des bases du désert jusque dans les environs des aéroports des grandes villes pour commettre un attentat contre un avion.
"Ils sont sans doute plus utiles comme armes défensives", estime un diplomate qui suit les activités d’Aqmi.
Autre obstacle, l’arme en elle-même, relève Nick Pratt, spécialiste des questions de terrorisme au Centre européen d’études stratégiques George C. Marshall.
"Ce n’est pas une arme que vous prenez comme ça et avec laquelle on tire tout de suite (…). Elle requiert un long entraînement", explique-t-il.
"Dans le Sahara, les vieux missiles de l’époque soviétique (comme les SA-7) sont moins préoccupants pour la sécurité qu’un camion chargé d’AK (fusils d’assaut)", estime-t-il.
Autre sujet d’inquiétude, nombre d’informations font état du recrutement par le régime Kadhafi de nomades touaregs pour gonfler les rangs de son armée. Tôt ou tard, certains de ces nouveaux combattants reviendront de Libye aguerris, posant un problème aux pays de la région, estiment certains responsables.
Par Reuters – publié le 11/05/2011 à 14:19