L’unité et l’intégrité de notre Nation sont sur papiers respectées. Bon début. Quant au contenu de l’accord proprement dit, tout apprenti juriste de première année, deuxième semestre, sait que l’élection du gouverneur de région au suffrage universel direct est une marque du fédéralisme. Au fait, nos rebelles ne signent pas une capitulation. La guerre, c’est nous qui l’avions perdue. Soyez réalistes.
Aussi, ne racontons-nous pas d’histoires. Mohamed Ag Intallah, l’Amenokal des Ifoghas, en dépit de ses déclarations de circonstances, est et demeurera à jamais un indépendantiste. Il ne reniera jamais le combat de ses parents entamé dès 1963 et qu’il a lui-même contribué à raviver depuis 25 ans. La conjoncture lui est défavorable. En homme intelligent, il en remet à plus tard. La récente loi de programmation militaire a fait jaser plus d’un Malien. Comme si une loi était la panacée. Certes, une armée doit bien recruter, se former, s’équiper. Mais le nœud du problème est ailleurs. Le problème de notre armée, ayons l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître, n’est ni le problème du soldat de base, ni un problème de formation, encore moins un problème d’équipements.
Dans les 100 ans à venir, il n’est pas sûr que l’effectif de l’armée malienne atteigne celui du Nigéria d’aujourd’hui. Il n’est pas certain que nous atteignions ce pays en budget de la défense et en équipements. Et, pourtant, l’armée nigériane a courageusement et héroïquement fui, sans crier gare, devant les très déterminés garçons de Boko Haram. Pourquoi ? Parce que les soldats sur le champ de bataille ne sont pas prêts à mourir pour des misères, alors que les généraux de salon jouent avec les milliards du pays impunément à Lagos et Abuja. La guerre, c’est aussi la détermination. L’envie de se battre. La rage de vaincre. Même si nos rebelles déposaient sans conditions leurs armes, toutes leurs armes y comprises blanches, tant que nos camions de transports de troupes serviront à faire du commerce du bois et du charbon pour quelques officiers, il n’y aura pas d’armée. Tant que nos bennes du génie militaire serviront à transporter des graviers et du sable, sinon à en vendre pour le compte de quelques privilégiés, il n’y aura pas d’armée. Il est temps de fermer le prytanée militaire et de recruter après bac+4 nos futurs officiers par la voie directe parmi les diplômés de l’enseignement supérieur. Que ce recrutement soit confié volet écrit au ministère de la Fonction publique ou à l’ENA, évitant la reproduction des mêmes espèces. Juste des porte-galons. Nous avons eu la chance, par notre attitude, par notre histoire, que le monde entier soit à nos chevets.
L’assistance et l’accompagnement de la communauté internationale ne seront pas éternels
L’armée est une composante essentielle du corps social. Nul ne peut combattre la corruption, le népotisme et l’impunité dans l’armée, sans les combattre dans la société, en général. Il est temps que nous laissions de côté les combats d’avant et d’arrière-garde personnels. Que toutes les associations, les partis politiques qui luttent pour le Mali, se battent pour l’essentiel. Les gens du Coren et semblables doivent dénoncer sans crainte pour leur pain quotidien, les maux qui nous ruinent. Les personnalités politiques, publiques notamment Soumana Sako et Aminata Dramane Traoré doivent dire l’essentiel. Les fondamentaux, c’est se mettre enfin à combattre le népotisme, la corruption et l’impunité. Ces fléaux sont à la base de tous nos maux. Il est plus facile de s’attaquer à l’Occident démocratique, que de s’en prendre à nos potentats locaux. Chère Aminata Dramane Traoré. Un contrôle fiscal peut vite arriver. Évitons la fuite en avant, la recherche des boucs émissaires. Nos maux sont connus, combattons-les. Combattons nos dirigeants corrompus.
Dans la mise en pratique de l’accord, il serait souhaitable de ne pas répéter les bêtises de 1996. En clair, que de vrais rebelles se retrouvent dans l’armée avec uniquement comme revenus leur salaire et que par contre des pistonnés qui n’ont rien à voir avec la rébellion, tapis dans l’ombre à Bamako, mais profitant des réseaux, se retrouvent à la douane, aux impôts pour s’enrichir au nom des rebelles. Si cela se répète, il y aura des frustrations, des haines de la part des vrais rebelles. Ceux-là qui n’ont pas peur de prendre des armes. Ibrahim Ag Bahanga était un de ces frustrés de 1996. Les bruits de bottes se feront de nouveau sentir dès que l’occasion se présentera. C’est humain. Il serait souhaitable que les moindres indisciplines, les incorrections de nos soldats soient sanctionnées par la radiation pure et simple, indépendamment des sanctions pénales. Pour que plus jamais un targui ne dise : ”Si je suis rebelle, c’est que quand j’étais jeune, j’ai assisté impuissant et impunément aux vols de nos chèvres par des militaires maliens”.
Le drame du Mali, ce ne sont pas les irrédentistes, les irréductibles et alliés du septentrion malien. Eux, ont choisi leur voie, ils ne renonceront jamais. Par l’honnêteté dans la gestion qui engendrera cette fierté d’être Malien, nous leur barrerons la route.
Le vrai drame du Mali, c’est cet homme qui doit être marqué à la culotte, celui qui a déçu l’espoir de tout un peuple. Ce Keïta qui n’a rien, ni de Soundiata Keïta, ni de Modibo Keïta. Le vrai drame du Mali d’aujourd’hui, c’est IBK. Hélas. Du yabè. Du an filila (Auto-goal. Mauvais choix).
Boubacar SOW