Après la libération des régions de Tombouctou et de Gao, les efforts du gouvernement sont tournés vers la réconciliation nationale. Le nouveau Président de la République a créé un ministère de la réconciliation nationale qui est venu s’ajouter à la commission dialogue et réconciliation qui avait été mise en place par les autorités de la transition. Les maliens, qu’ils soient du nord ou du sud, ont besoin aujourd’hui de se réconcilier. La réconciliation nationale passera à coup sûr par une vraie justice. Mais les derniers évènements qui ont marqué la vie de la justice malienne laissent planer quelques doutes sur l’aboutissement du processus de réconciliation nationale.
La crise sécuritaire qui a sévit dans le nord du Mali a obligé des centaines de familles à quitter le pays. Beaucoup vont se retrouver dans les pays voisins où elles vivent dans les conditions très précaires, ayant perdu toutes leurs ressources. Les quelques familles qui sont restées sur place ont été l’objet de toutes sortes d’atrocités (viols, amputations, flagellations, mutilations, violences, traitements inhumains, exécutions). Les auteurs de ces crimes contre l’humanité sont le MNLA et ses alliés d’Aqmi, d’Ançar dine, du MUJAO et de Boco Haram.
On se rappelle, les autorités déchues qui étaient de mèche avec les rebelles ont envoyé des soldats sur le terrain sans armements adéquats, les livrant ainsi à la boucherie. Des centaines de soldats maliens seront froidement tués après s’être faits prisonniers à Aguel Hoc. Mécontents de cette situation, certains jeunes militaires vont de façon héroïque débarrasser le Mali d’un régime fantoche. Le coup d’Etat sera salué par l’immense majorité des maliens.
Les bérets rouges, mécontents du renversement du président ATT qui les avait mis dans les toutes les conditions au détriment des autres unités de l’armée, vont décider de faire un contre coup d’état le 30 avril 2012. Ils vont tuer beaucoup de bérets verts à l’ORTM, à l’aéroport et à Kati, avant d’être défaits par les éléments du général Sanogo, alors capitaine. Beaucoup d’entre eux seront faits prisonniers ainsi que certains politiques qui avaient orchestré la tentative de déstabilisation du pays. Des armes et des munitions que l’arsenal malien ne connaissait jusqu’ici ont été trouvées au domicile de certains d’entre ces hommes politiques qui ont mis le pays à terre. Au nom de la réconciliation nationale, et grâce à l’intervention des chefs religieux, les personnalités politiques ainsi que les bérets rouges arrêtés, qui devaient payer pour avoir endeuillé des familles entières par un contre coup d’Etat qui n’en valait pas la peine, seront relâchés contre toute attente. Les familles des bérets verts tués, imbues des valeurs de tolérance et de pardon, s’en tiendront à la décision des autorités.
Il n’y a pas longtemps, le gouvernement a exigé la libération et la levée des mandats d’arrêt sur les auteurs des atrocités commises au nord du pays à la grande surprise de tous les maliens. Le gouvernement dit avoir agi en vue de respecter les accords de Ouagadougou que le MNLA a toujours piétinés. Certains de ces bandits de grand chemins sont aujourd’hui élus députés à l’Assemblée nationale sous les couleurs du Rassemblement pour le Mali, parti du Président de la République qui a toujours dit que nul ne sera au-dessus de la loi. Peut-être cet adage ne s’applique au MNLA. Sans justice, peut-on parler de réconciliation à ces nombreuses femmes violées ?
Des milliers de personnes, des veuves et des orphelins pour la plupart, ont été injustement sevrées de leurs parcelles par certaines autorités communales sans scrupules. Le maire de Bamako, pire qu’un criminel, sera arrêté, mais sera très vite relâché sans avoir payé de ses forfaits. Aujourd’hui, il est en bonne posture d’être élu député à l’Assemblée nationale, toutes choses qui le mettraient à l’abri de toute poursuite, parce que couvert par l’immunité parlementaire. Sans justice, la réconciliation aura-t-elle un sens pour ces milliers de personnes qui sont désormais condamnées à passer leur vie en location ?
Suite à l’arrestation du général Sanogo, le gouvernement a publié un communiqué dans lequel il affirme que la justice a agi en toute indépendance et qu’il n’interférera pas dans le traitement de la procédure pour que la vérité soit dite et la lumière soit faite, comme si la justice malienne est indépendante. En tout cas, la justice n’est pas indépendante quand il s’agit du MNLA. Les circonstances qui entourèrent l’arrestation du Général Sanogo laissent planer beaucoup de doutes sur les motifs réels de son inculpation.
Pour le moment, le gouvernement ne dit rien par rapport au président ATT. Pourtant, il a beaucoup de compte à rendre à la justice pour la gestion calamiteuse qu’il a fait du pays.
A l’allure où vont les choses, peut-on parler de réconciliation nationale au Mali tant que la justice sera sélective et partiale. Pour Brahima Koné, un enseignant, il n’y aura pas de réconciliation sans une justice saine et équitable. Il dit : « la réconciliation n’aura pas de sens pour ceux qui ont subit des atrocités au nord tant que leurs tortionnaires continuent de vaquer librement à leurs affaires. ».
Pour Daouda Mariko, un chauffeur, la réconciliation passera par une bonne éducation. Il dit : « aujourd’hui les maliens sont aigris les uns contre les autres, parce que les valeurs humaines ont été reléguées au second plan. Le jour où les maliens épouseront les valeurs de justice, de tolérance, de l’humilité, du pardon, de la vérité, du respect de l’autre, du respect de la chose d’autrui et de la chose publique, ils pourront facilement se réconcilier. Pour ce faire, il faut une éducation de qualité. »
Tiémoko COULIBALY