A la faveur de la résolution de la crise malienne : Vivement la réconciliation entre l’Algérie et le Maroc

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Le Roi Mohamed VI
Le Roi Mohamed VI et Bilal Ag Cherif du MNLA lors de la prière de ce vendredi
Le Roi Mohamed VI et Bilal Ag Cherif du MNLA lors de la prière de ce vendredi

La  résolution de la crise malienne offrira-t-elle l’occasion aux frères ennemis Algériens et Marocains d’enterrer définitivement la hache de guerre pour, enfin, fumer le narguilé de la paix ?

 

 A prime abord, la question peut paraître surréaliste. Mais à y voir de près, elle n’est pas aussi saugrenue que cela. Cette crise a révélé une situation géopolitique inédite avec à la clé un engagement sans précédent de la communauté internationale aux côtés du Mali. Comme on l’a vu au plan militaire avec la force Serval, les forces tchadiennes, la MISMA, qui sera transformée plus tard en MINUSMA. Sur le plan diplomatique, l’investiture du président IBK, plébiscité avec plus de 77% des suffrages exprimés, a donné lieu à une grande mobilisation planétaire avec  la présence effective d’une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernements. Y compris naturellement le président de République française, François Hollande. Et, fait notable, le Roi Mohamed VI du Maroc, dont c’était la première fois d’assister à l’investiture  d’un chef d’Etat en Afrique au sud du Sahara. Et la toute première fois pour le souverain chérifien de fouler le sol malien. Faut-il évoquer encore la Conférence pour le développement du Mali qui s’est déroulée à Bruxelles, le 15 mai 2013 ? Elle fut sanctionnée par des annonces totalisant 3,25 milliards d’euros destinés au financement du plan de relance durable de l’économie malienne.

 

 

Le séjour du Roi Mohamed VI au Mali avait été précédé par l’envoi par le Maroc dans notre pays d’une équipe médicale comprenant 106 personnes dont des médecins spécialistes, des infirmiers et une équipe d’accompagnement et de soutien qui a réalisé plus de 52 600 prestations médicales dans différentes spécialités au profit des populations maliennes.

 

 

Devant cette offensive de charme du royaume chérifien, l’Algérie a saisi l’occasion de la célébration à Bamako du 50ème anniversaire de son accession à l’indépendance pour accréditer l’idée qu’elle fait beaucoup pour notre pays, mais dans la discrétion, un principe  agité, pour la circonstance, comme la marque de fabrique de la diplomatie algérienne. L’Ambassadeur algérien, S.E. Nourredine Ayadi, de citer, pêle-mêle, les bourses d’études que son pays octroie au Mali, la coopération militaire avec la formation, l’aide humanitaire…

 

Qu’à cela ne tienne ! La réplique marocaine ne se fera pas attendre. A l’occasion du périple du président Ibrahim Boubacar Kéïta en Europe (France, Belgique, Allemagne) le Roi Mohamed V lui envoie un avion pour assurer le transport de la délégation présidentielle. Comme aux jeux d’échec, l’Algérie place une pièce décisive-peut-être le cheval-en réactivant sa médiation dans la crise malienne, jusque-là  mise en veilleuse pour ne pas dire en hibernation, à partir du constat que la sécurité est, par les temps qui courent, le point névralgique de toute coopération avec le Mali.

 

 

Si tel est le cas allons-y, se dit le Maroc : le Roi M6 reçoit à Rabat une délégation du MNLA, comme pour dire que l’Algérie, en dépit de sa proximité géographique avec le Mali, n’a pas le monopole de la médiation dans la crise malienne. Le président IBK s’était auparavant rendu en Algérie où il a réussi le tour de force de s’entretenir avec le président Abdel Aziz Bouteflika qui avait disparu des écrans depuis son AVC.

 

 

Comme on le voit, il y a comme une véritable surenchère entre les frères ennemis Algériens et Marocains pour voler au secours des « frères Maliens »  en les aidant à surmonter une crise sans précédent dans leur histoire millénaire. A ce petit jeu, l’on est  enclin à penser que  tout le bénéfice est pour le Mali. Mais à y voir de près, les choses ne sont pas aussi simple que cela. Il y a, d’abord, le risque de télescopage entre les différentes initiatives s’agissant des négociations avec nos frères égarés du Nord, avec des conséquences dommageables pour la suite des événements. Sans compter le fait que le manque de coordination peut être hautement contre-productif pour le processus de paix et de réconciliation.

 

 

Dans l’intérêt de toutes les parties, IBK ne devrait-il pas saisir l’occasion pour tenter d’arrondir les angles entre les frères ennemis Arabes qui ont en commun d’être des descendants d’Ismaël et d’Adjara, la Noire qui venait d’Abyssinie (nom de l’Ethiopie d’alors) ? Il pourrait inviter les deux parties à mettre tout sur la table : les intérêts géopolitiques, les enjeux miniers et pétroliers, la volonté de puissance et les égos artificiellement hypertrophiés. Dans un monde mû par la défense acharnée d’intérêts égoïstes entre les nations et au sein d’un même Etat, Marocains et Algériens devraient mettre en avant les valeurs qui fondent l’Islam, une religion qui les unit : le sens du partage, la générosité, la tolérance, l’amour du prochain…Cela ne devrait pas être au-dessus des capacités du président Ibrahim Boubacar Kéïta, l’homonyme du père de l’ancêtre des Arabes. D’autant que le Mali partage beaucoup de choses avec les deux pays. Avec l’Algérie, le Mali partage l’histoire avec l’épisode du Pacha Djouder, entre autres péripéties, et même le sang. La mère du Roi Hassan II n’est-elle pas originaire de Tombouctou ?

 

 

Avec l’Algérie, outre la géographie-1376 km de frontière-le Mali partage l’histoire via les soutiens précieux en termes de logistique, d’hospitalité et d’assistance multiple offertes aux combattants du FLN lors la guerre d’indépendance. L’actuel président Bouteflika  sait quelque chose de l’hospitalité dont il a pu bénéficier à Gao quand il était dans la clandestinité. Même si, regrettent certains de la génération de Modibo Kéïta, l’Algérie n’a pas été suffisamment reconnaissante envers le Mali.

 

En définitive, toutes ces données sont autant d’atouts entre les mains du torero de Sébénicoro pour réussir une éventuelle médiation entre l’Algérie et le Mali. D’autant aussi que, sous la première République, Modibo Kéïta est parvenu à faire éviter une guerre fratricide entre les deux pays. Et que la guéguerre entre les deux pays, en somme une guerre froide à la maghrébine,  constitue un facteur de blocage, non seulement pour le développement des deux pays, qui gagneraient à mutualiser leurs potentialités économiques, leur savoir, leur savoir-faire et leur génie créateur, mais aussi elle impacte négativement nombre de dossiers concernant la coopération entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne.

 

 

 

Le Mali, un pays logé au cœur de l’Afrique de l’ouest, dont la capitale, Bamako, est à une heure et demie de vol de la plupart  capitales ouest-africaines, qui est prêt à s’aliéner toute ou partie de sa souveraineté, au nom de l’idéal panafricain, et héritier de grands empires et d’une riche civilisation, a pour vocation naturelle de rassembler et non de diviser, de stabiliser et non de semer le chaos.  La perspective d’une réconciliation entre l’Algérie et le Maroc peut paraître, dans un monde où les intérêts égoïstes ont pris le pars sur l’intérêt général, comme une simple vue de l’esprit, un rêve d’idéaliste. Cependant, tourner le dos à cette voie serait emprunter celle de Satan qui mène tout droit à l’autodestruction. Dans tous les cas, il ne coûterait rien à IBK d’essayer.

 

La Rédaction

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2 COMMENTAIRES

  1. Très bel article! Qu’IBK songe à réconcilier ces 2 pays (Algérie et Maroc) serait une bonne chose. Souhaitons qu’il comprenne que votre (M. Sidibé) article serve d’idée de base pour qu’il agisse.
    Est-ce qu’il sera capable de jouer le conciliateur?

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