La crainte de la contagion : Le conflit au Mali peut-il déstabiliser son voisin, le Burkina?

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Le Burkina Faso, en proie à une grave crise alimentaire, accueille depuis février plus de 60 000 réfugiés maliens qui fuient l’armée, les rebelles et les islamistes. Le pays, encore fragile après les révoltes d’avril 2011, pourrait-il à son tour basculer dans la violence?

Camp de réfugiés maliens à Mentao au nord du Burkina Faso, Mai 2012

«Le problème avec tout ce monde sur les camps, c’est qu’il y a beaucoup d’aller-retour entre les camps de réfugiés et le Mali: qu’amènent-ils, que ramènent-il? On ne sait pas. Nous n’avons pas vu d’armes, mais on ne sait pas.»
Tamboura Douramane est le deuxième adjoint au maire de Djibo, une petite commune du Sahel qui accueille un camp de 8 000 réfugiés au nord du Burkina Faso, à 45 kilomètres de la frontière malienne.

La crainte de la contagion
S’il n’y a pas encore eu d’incident, cet élu s’inquiète de la présence de ces étrangers pour la sécurité des Burkinabè d’autant plus que, selon les ONG, les réfugiés pourraient rester au Burkina au minimum une année. «Nous craignons que le problème dépasse la frontière malienne et arrive dans nos villages.»
Y-a-t-il des armes sur les camps de réfugiés? «Bien sûr que non» répondent les principaux intéressés, mais certains d’entre eux soutiennent très activement les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et se disent prêt à prendre les armes s’il le faut pour obtenir l’indépendance du nord Mali.
Cette zone est aujourd’hui aux mains de ces rebelles, mais surtout du groupe islamiste Ansar Dine, soutenu par Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi). La présence de ces islamistes dans le pays voisin inquiète: «C’est vrai qu’on ne sait plus trop qui est qui sur les camps» confient plusieurs humanitaires à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.
Par mesure de sécurité, les ONG n’envoient plus de personnels à la peau blanche sur les camps.  S’il n’y a jamais eu d’enlèvements au Burkina, le risque est maintenant envisageable depuis la crise malienne.
«Le trafic d’otages est devenu plus rentable que le trafic d’armes» s’alarme un haut fonctionnaire à l’ambassade de France. Pour Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition burkinabè,  «la crainte de voir Aqmi et Ansar Dine se faire une assise au Burkina est sérieuse.»

Une aide humanitaire… pour tous?
La présence des réfugiés dans le pays fait redouter des tensions entre les hôtes burkinabè et les nouveaux arrivants. Avec un PNB (produit national brut) de l’ordre d’un euro par jour et par habitant, le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres au monde. Près d’un habitant sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté.
De plus, cette année, le pays est touché par une crise alimentaire sans précédent depuis 2008. A cause de la sécheresse de l’an dernier, les stocks de céréales sont vides et les prix flambent: plus 50% en un an. L’aide apportée par le gouvernement burkinabè et par les ONG aux réfugiés est donc une mission très délicate:
«L’arrivée des réfugiés a fait augmenter le coût des denrées et la population locale a aussi besoin de l’aide qui arrive sur les camps» affirme Tamboura Amadou Saloum, animateur projet nutrition Croix Rouge dans la province du Soum, au nord du Burkina, «il faut garder un œil sur les Burkinabè.» D’autant plus que la promesse du gouvernement de mettre sur le marché des céréales à prix réduits n’a pas été tenue.
Pour éviter ces tensions, Valérie  Amos,  la Secrétaire Générale adjointe de l’ONU aux Affaires Humanitaires, a tenu à préciser lors de son passage au Burkina en mai dernier que l’aide du HCR ( Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) était également distribuée aux Burkinabè «qui comptent 1 demi-million d’enfants malnutris» selon elle. La présence de ces réfugiés serait donc une aubaine pour les Burkinabè selon Jean Heureu, chef de mission de Médecins Sans Frontières au Burkina «S’il n’y avait pas eu les réfugiés, les populations locales n’auraient reçu aucune aide», affirme-t-il.
Des propos nuancés par Bénéwendé Sankara: «le problème, c’est que cette aide n’est distribuée qu’aux populations qui vivent à côté des camps de réfugiés, alors que tout le pays est touché par la crise alimentaire, et là, le gouvernement ne fait rien.»

Cocktail explosif
Il y a un an, le gouvernement burkinabè a connu l’une de ses plus graves crises depuis saconquête du pouvoir en 1987. En cause: la pauvreté et la corruption qui ont entraîné de violentes révoltes dans le milieu estudiantin, puis des mutineries dans l’armée, menaçant dangereusement le pouvoir en place pendant plusieurs mois.
Si le président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 25 ans, «a su rebondir» selon le journaliste et spécialiste du Sahel Antoine Glaser,  «le climat reste fragile.»  Le président burkinabè a en effet remanié son gouvernement, remplacé les gouverneurs des régions et réorganisé l’armée, sans résoudre le problème du pouvoir d’achat: ces dernières semaines plusieurs marches contre la vie chère ont été organisées dans différentes villes du pays.
Dans ce contexte précaire, la crise malienne peut-elle réveiller chez les voisins burkinabè le sentiment de révolte? Oui, selon Bénéwendé Sankara qui estime que «les Burkinabè ne veulent plus se laisser marcher sur les pieds face à des problèmes sans solution.»
La population soupçonne par ailleurs son président de vouloir réviser l’article 37 de la Constitution afin de régner à vie ou, à défaut, de se faire remplacer par son frère candidat. Selon Albert Ouedraogo, journaliste pour le quotidien national L’Observateur Paalga, «Beaucoup de gens sont prêts à tout pour empêcher cette volonté de régner à vie ou la succession familiale.»

Le président, un médiateur contesté
La force de Compaoré réside dans son rôle reconnu de médiateur dans les libérations d’otages au Sahel et dans les différentes crises africaines, comme celle au Mali, ce qui lui vaut une réputation de vieux sage et rend les Burkinabè fiers de leur président.
«On ne sait pas ce qu’il se passe sous la table, mais le principal c’est que Compaoré permette de sauver les otages» confie un salarié burkinabè d’une ONG, «il est intelligent: son rôle sur la scène internationale lui permet d’occulter les difficultés de son propre pays», ajoute-t-il.
Par ailleurs, certaines voix s’élèvent pour dénoncer la partialité de Compaoré dans ce conflit au Mali. Il est accusé d’avoir placé ses amis dans le gouvernement de transition malien.
Albert Ouedraogo, doute lui aussi de la bonne foi de Blaise Compaoré:
«Comment se fait-il qu’il y a des liens avec Aqmi pour libérer les otages en plein territoire malien? Par ailleurs, la présence de certains chefs rebelles dans le territoire burkinabè augmente les suspicions d’une accointance entre l’Etat burkinabè et les rebelles.  Si cela s’avérait avec le temps, cela engendrera une brouille entre le Mali et le Burkina et on ne sait pas ce qu’il pourrait advenir.»
Si les raisons profondes à l’origine du bourbier malien n’ont pas de fondement au Burkina, il n’en reste pas moins que la frontière a toujours été artificielle entre les deux pays dont les habitants se qualifient de «frères.» Le Burkina ne semble donc pas à l’abri des répercutions de la crise malienne.
Cécile Bourgneuf et Sophie Arutunian

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2 COMMENTAIRES

  1. il faut metre ern qarantaine tout ces refugier arabe et fouiller leur tente et leur maison cest des gens capable de desimuler des armes meme dans leus culotte et leur boubou il faut que letat burkinabe fait des fouille corporelle a ces rebelle refugier

    • Je suis sur que le laissez aller qui a existe et existe au Mali n’arrivera jamais au Burkina. Je ne suis pas un adepte du president COMPAORE, mais je reconnais qu’il a la tete sur les epaules en bon more!

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