L’actualité malienne, un nouvel accord entre la Cma et la Plateforme sous l’égide de la médiation du Niger en vue de “l’entente” pour le contrôle, sinon la gestion de la ville de Kidal. Quand l’Etat n’a pas encore pignon sur rue à Kidal. Nous avons maintes fois écrit sur la ville de Kidal, 8ème capitale administrative du Mali, à des encablures de l’Algérie et du Niger, majestueusement assise au septentrion de ce vaste pays (le Mali) qui fait deux fois la France.
Pays en partie héritier des empires du Ghana, du Mali et du vaste Songhoy et dont les pères fondateurs dans les années 60, à l’instar de tous les bâtisseurs de nations, n’ont eu de cesse de faire prospérer le CULTE de la FILIATION HISTORIQUE pour cimenter la multitude humaine, fermenter la diversité socio-culturelle. Le Mali actuel n’est certes ni le Ghana, le Mandé ou le Songhoy d’antan, mais il en garde dignement et fièrement une grande part de cultures, de langues, d’imaginaires, surtout de traces mémorielles incontestables. La “geste” griotique sait encore en dire les splendeurs et les héritages conservés, transmis, préservés. Ce pays s’est hissé à hauteur de mission au soleil des indépendances, envoyant, en maints lieux d’Afrique, ses fils pour aider d’autres pays en difficulté, dont l’Algérie face au colon français.
Robert Mugabé, à Bamako, il y a un an environ, rendait hommage au combat du président feu Modibo Keïta dans un discours fleuve où le nom du théoricien-praticien de l’unité africaine (laboratoire du Soudan français+Sénégal ayant donné la Fédération du Mali, avec Dakar comme capitale, bien qu’ayant éclatée, Fédération-exemple, preuve que quelque chose est bien possible), revenait sans cesse. Mugabé rappelait à Bamako sa fascination pour le digne et noble combat de ce double géant (physique et leader) que fut le président Modibo dans une salle comble et devant son tombeur (Moussa Traoré, ironie de l’histoire). Jeune enseignant venu au Ghana aider à la formation des jeunes ghanéens, Mugabé nous plongea dans les souvenirs de cette Afrique où l’ardeur et la splendeur des causes mobilisèrent tant de jeunes intellectuels au secours du Ghana et de la Guinée Conakry. Et voici ce pays (MALI) qui hier s’est illustré Vecteur de stabilité, de dignité, tout porté à honorer la flamme de la Liberté, confronté à un piège GEOSTRATEGIQUE immense qui interpelle la Pensée stratégique, géostratégique et prospective africaine.
Kidal ? Oui, un gros os dans la gorge du Mali et de l’Afrique mobilisée. Oui, l’Afrique a aidé le Mali en sa manière et continue à l’aider, mais le partage du continent demeure encore une réalité. Le Mali demeure la “chose gardée” d’une France jalouse de ses possessions et le Nord du Mali, un immense intérêt géostratégique et géoéconomique (ATT dit un jour qu’il y a du pétrole au Nord dans une salle pleine à craquer à la mairie de Montreuil en France, l’auteur de ces lignes y était) demeure une féroce convoitise. La cyclicité des rébellions dites touarègues recoupe avec les visées “impériales”, comme si elles étaient une épée de Damoclès sur l’Etat malien et ceci, depuis 1963. Mais, comme nous l’avions souvent écrit, cette “affaire” remonte à 1957 (O.C.R.S.). Le Mali a failli être amputé d’une partie, tout comme le Niger, voire une partie de l’Algérie. Modibo Keïta et Boumediene contribuèrent à faire échouer le plan.
Mais l’hydre se réveilla quelques années après les indépendances, jusqu’à nos jours. Le danger de la “soudanisation” (partition du Soudan), qui plane sur le Mali, va au-delà de Kidal. Le spectre séparatiste plane sur tout le Nord, d’où le fait que le fameux Mnla tienne autant à Gao, à Tombouctou, voire au-delà.
En somme, la visée séparatiste s’étend sur un territoire plus vaste que la France. Plus que jamais, le Mali a besoin d’une doctrine stratégique en la matière. Laquelle doit servir de boussole pour aujourd’hui et pour demain. La passion ne suffit pas à faire l’histoire. Le “tous spécialistes de tout” confisque aussi l’horizon de la rationalité “élucidante”. Il convient de savoir faire oeuvre d’anticipation, de prospective, car, le vaste Sahel gronde, le Nord du Mali couve. Cette épineuse question relève plus du marathon que du sprint.
Nous avertissions déjà en 2012 de faire attention au futur accord, car, nous précisions, il risque d’être le premier reconnu par les Nations-Unies. Nous ajoutions qu’il fallait, avant toute signature, le soumettre à l’Assemblée nationale du Mali. L’Exécutif, sous le feu et le fer des pressions internationales, en a voulu autrement. Et Kidal, encore loin du giron étatique, reste disputée aujourd’hui par la Cma (rébellion à visée séparatiste) et la Plateforme (mouvement dit pro-gouvernemental dont l’une des composantes, Gatia, s’autonomise de plus en plus). Kidal n’a pas fini de faire parler d’elle et d’étrangler le Mali.
Yaya TRAORE