L’impact de l’organisation des cérémonies commémoratives de l’accession des Etats africains à l’indépendance, l’insécurité dans la bande sahélo saharienne, la piraterie à l’est de l’Afrique sont autant de sujets que Jacques Toubon a abordés le 21 septembre 2010, au cours d’un déjeuner au restaurant « Santoro ».
En marge de son séjour à Bamako dans le cadre de la commémoration du 50ème anniversaire de l’accession du Mali à l’Indépendance, Jacques Toubon, Secrétaire général français du cinquantenaire des indépendances africaines, en compagnie d’un certains nombre de journalistes et d’acteurs de la société civile malienne a déjeuné le 21 septembre 2010, au restaurant « Santoro ».
Ce fut une bonne occasion pour l’ancien ministre de la culture de la République Française de voir avec le Pr. Doulaye Konaté la possibilité de replacer l’histoire coloniale dans les consciences populaires et de discuter avec Mme Kadidia Sidibé, Présidente de l’Association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles (AMSOPT) des résultats obtenus par cette ONG malienne dans son combat pour le respect des droits des femmes.
Mais, en sa qualité de Secrétaire général français du cinquantenaire des indépendances africaines, il s’est prononcé sur le cinquantenaire et son impact sur l’image de l’Afrique en dehors du continent. Jacques Toubon, dans son intervention, a rappelé que l’annonce d’organisation des cérémonies pour commémorer le cinquantenaire des indépendances des Etats africains a été accueillie avec beaucoup de scepticisme en France et en Afrique. Il n’a pas caché sa joie de voir que beaucoup de pays en Afrique ont décidé de marquer le 50ème anniversaire de leur accession à l’Indépendance.
« Parti dans un climat à bas bruit on s’est rendu rapidement compte que beaucoup d’initiatives ont été prises dans les pays africains pour célébrer les festivités des cinquantenaires », a-t-il déclaré. Avant d’estimer qu’un des grands avantages de ces célébrations a été le repositionnement de l’Afrique sur la scène internationale à travers le matraquage médiatique dont elle a bénéficié ces derniers mois. Mieux, il dira en quelque sorte que désormais l’Afrique ne sera plus vue avec les mêmes yeux. « Les célébrations des cinquantenaires ont permis à l’humanité toute entière de savoir que des perspectives existent en Afrique », a-t-il indiqué.
Avant de saluer les progrès politiques sur le continent. « Les progrès politiques sont certes petits mais quelque chose commence à se mettre en place en Afrique », a-t-il déclaré. Mais, il a estimé qu’il y a malheureusement deux éléments négatifs qui risquent d’annihiler les efforts consentis pour insérer l’Afrique dans la gouvernance mondiale. Ce sont : l’insécurité dans la bande sahélo Saharienne et le phénomène de la piraterie en Afrique orientale, d’une part et les fortunes colossales de certains responsables politiques, en contradiction avec la grande misère de la population. S’inspirant d’un rappel historique du Pr. Doulaye Konaté, Jacques Toubon a indiqué que même dans l’Afrique des grands empires, le développement des échanges commerciaux s’expliquait par l’ordre qui y régnait. « Il faut lutter contre ces formes d’insécurité pour éviter le sentiment général d’instabilité », a-t-il proposé.
Avant de dénoncer le paradoxe des grosses fortunes de certains responsables politiques africains, au moment où la grande majorité de leurs concitoyens vivent dans une misère inexplicable. L’ancien ministre français, nommé depuis juin 2009 par Nicolas Sarkozy, Secrétaire général français du cinquantenaire des indépendances africaines, a précisé que dans les années à venir les grands échanges internationaux, avec l’aide et le soutien de la France, vont donner à l’Afrique beaucoup plus de responsabilité dans la gouvernance mondiale. Il a déclaré que des efforts seront consentis dans la mise en place des financements nécessaires à la bonne marche des processus déjà enclenchés pour des résultas beaucoup plus concrets. « Ici au Mali, on peut apprécier plus qu’ailleurs cette évolution de l’Afrique », a-t-il déclaré.
Les réserves de Aminata Dramane Traoré
Pour sa part, Aminata Dramane Traoré, Présidente du Forum pour un autre Mali (FORAM), au nom de la société civile malienne invitée au déjeuner avec Jacques Toubon, a rappelé la fâcheuse coïncidence entre la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance du Mali avec l’évaluation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) par la communauté internationale. Selon elle, tout le monde est unanime qu’on est à mille lieux de ce à quoi on s’attendait, il y a dix ans. En ce qui concerne les cinquante ans d’indépendance du Mali, elle dira que les résultats sont forts mitigés. « Même si certains parlent de changement, il faut reconnaître que nous sommes meurtris dans nos cœurs et dans nos âmes quand on voit la situation de l’école malienne, la crise alimentaire et ces migrations non compris par nos amis européens », a-t-elle déclaré.
Avant d’ajouter que la fête aura été plus belle si tous les quartiers pauvres avaient droit à un minimum d’investissement. A propos de l’insécurité dans la bande sahélo saharienne, Aminata Dramane Traoré a estimé que les gouvernements africains sont appelés à gérer des situations qui ont leurs explications ailleurs. « Les causes des migrations et du terrorisme sont dans la nature extrovertie de nos économies et je crois qu’on commencera à voir le bout du tunnel si on s’assoit pour discuter sur les vraies causes », a-t-elle indiqué. Mais, il n’en fallait pas plus pour faire réagir l’ambassadeur de France au Mali et Jacques Toubon. « Lutter contre le terrorisme, c’est l’intérêt basique du Mali », a déclaré Jacques Toubon.
Avant d’ajouter que « l’histoire ricane plus souvent qu’elle ne sourit », pour répondre à Aminata Dramane Traoré qui n’arrivait pas à comprendre l’intervention de l’armée mauritanienne sur le territoire malien. Face à cette passe d’armes, le Pr Doulaye Konaté s’est rapidement vu dans la position d’un médiateur pour arrondir les angles. « Il n’est pas question que le problème de l’insécurité dans la bande Sahélo Saharienne continue à être traité comme il l’est actuellement. Avec les limites qu’on connaît aux hommes politiques, on ne peut pas leur laisser la question de la sécurité dans la bande sahelo-saharienne, il faut que la société civile s’invite au débat », a-t-il déclaré. Et, il a profité pour rappeler l’absence assourdissante des historiens maliens dans la célébration de la mémoire du pays à travers l’organisation du cinquantenaire anniversaire de l’indépendance du pays. Pour terminer, Jacques Toubon a estimé qu’il fallait initier un grand effort d’explication pour informer le maximum de Maliens afin de les convaincre de la nécessité d’engager le combat contre les terroristes qui écument le nord du pays.
Assane Koné